23 Oct

« L’aménagement du territoire » selon Aurélien Bellanger

C’est au départ une critique de ce livre largement promotionné qui m’a interpellée. Elle disait « le roman que tous les élus locaux devraient avoir lu ! » Elle avait raison sur deux points. Il s’agit bien d’un roman. Et si nos politiques veulent ouvrir les yeux ou faire leur autocritique ces presque cinq-cents pages ne leur seront pas inutiles.

téléchargement

Tout d’abord soulignons la justesse du propos de l’auteur. A titre d’exemple, si vous voulez comprendre comment la France s’est dessinée de l’Antiquité (voire avant) à nos jours, il suffit de lire les vingt premières pages et déjà, vous mesurerez la qualité des travaux, plus ou moins fictionnels, d’Aurélien Bellanger.

La notion d’équilibre est une notion clé de la géographie, et plus spécialement de la branche exécutive de celle-ci, nommée aménagement du territoire

D’entrée, l’auteur n’est pas tendre avec les technocrates, ceux qui se tiennent éloignés du suffrage universel pour garder toute leur influence : « L’image de l’hexagone permit alors aux haut-fonctionnaires du pays de jouer passionnément à un jeu qui tenait du puzzle, du casse-tête et du kriegspiel, mais qu’ils préféraient appeler aménagement du territoire. »
Exemple chez nous : « Un arc Atlantique fut créé pour revitaliser les deux faces ouest de l’hexagone. On pensa même le relier via un axe qui prenait Toulouse pour pivot, à l’arc méditerranéen »(…) « On désenclava, raccorda, modernisa ; le pont de Normandie et le viaduc de Millau furent vécus comme des assomptions républicaines. »

Airbus et la rationalité économique

Pas tendre non plus, Aurélien Bellanger évoque la norme de l’éclatement sur plusieurs sites européens de grands groupes comme Airbus « désastreuse en termes de pure rationalité économique ». Et puis l’auteur rappelle aussi, sous l’impulsion du Général De Gaulle l’émergence des régions.
Le livre se veut également d’une actualité brûlante à l’heure où l’on s’interroge sur la concession au privé de nos autoroutes et où la cour des comptes s’attaque sans détour à la rentabilité très contestable du TGV en France. « Pendant plus d’un quart de siècle, le rail allait incarner en France le progrès triomphant »(…) « Le TGV était un jouet de technocrate indifférent à l’existence du territoire réel. La carte de la grande vitesse était une carte autonome. »

Le TGV, un jouet

L’ouvrage critique également le partenariat public-privé qui va constituer le montage financier de notre future LGV dont nous débattions, il y a peu, dans « La Voix est Libre ». Tout cela parce que « Toulouse, la ville de l’Airbus, reliée à Paris par plus de 400 vols par semaine, voulait son TGV ».
Bref cet ouvrage, roman certes, au-delà de s’avérer d’instructif, est d’une actualité brûlante. A lire donc dans les plus brefs délais.

« L’aménagement du territoire », Aurélien Bellanger, Gallimard

Patrick Noviello