15 Oct

Economie : Nobel pour tous !

Quoi un toulousain prix Nobel d’économie ? Si certains sont tombés de l’armoire, d’autres voyaient revenir chaque année, le nom de Jean Tirole dans la short-list. Pour tous il était un chercheur discret et un enseignant fidèle à ses étudiants, mais pour certains aussi le symbole du capitalisme libéral dans une école qui fait venir des professeurs aux gros salaires. Au delà de la polémique, la vraie question qui a surgi est celle-ci : pourquoi un esprit si brillant ne peut-il pas servir à redresser le pays ?

Imposteur ou sauveur 

L’image a bien souvent tendance à l’emporter sur les chiffres ou tous autres indicateurs, nous sommes bien placés pour le savoir, mais essayons de ne pas tomber dans la caricature. Entre la dénonciation d’un ultralibéral voire d’un « imposteur » comme l’a qualifié Médiapart et le chercheur-sauveur qui aurait la réponse à tous les fléaux sociétaux et dont les politiques devraient s’inspirer il y a un juste milieu.
Cela n’a pas empêche Emmanuel Macron d’annoncer la couleur lors de la présentation des grandes lignes de sa future loi en Conseil des Ministres de citer le Nobel : « à force de trop protéger, on ne protège rien ». Jean Tirole se défend à travers plusieurs entretiens accordés à la presse de conseiller les politiques. Lui cherche, enseigne, émet des hypothèses.

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Dans Le Monde de ce jour, il met d’ailleurs en garde : « Le danger est de répondre sur des sujets que l’on n’a pas étudiés soigneusement, ce que ferai sans doute mais que je voudrais éviter autant que possible ». Dans ce même entretien, il reconnait toutefois que son travail a été pris en compte au moins deux fois, par la Commission Européenne, sur les brevets et licences dans le domaine de la propriété intellectuelle, ainsi que sur les cartes de paiement. (Voir édition du Monde de ce jeudi 16 octobre pour les détails)
Pourtant ce qui a fait aussi de ce Nobel d’économie sa notoriété et une forme d’emballement médiatique, ce n’est pas simplement ici son origine toulousaine mais l’actualité de ses travaux. Lors de sa première conférence de presse, Jean Tirole  a effectivement abordé des sujets politiques chauds comme la réforme du marché du travail et de l’assurance chômage mais aussi le budget et la dette publique. (voir nos éditions et notre site web).

Pied-de-nez au french bashing

Et puis nos gouvernants y sont aussi allés de leurs allusions bien senties. Manuel Valls a souligné « un pied-de-nez au french bashing ». François Hollande a évoqué « une fierté pour la France ». Enfin, un Nobel d’économie dans un pays en crise, la presse étrangère s’en est aussi donnée à cœur joie.
Seulement Jean Tirole avait évoqué ses études sur le marché du travail depuis 2003. Il avait même signé aux côtés d’Olivier Blanchard devenu chef économiste au FMI, un rapport pour le Conseil d’analyse économique intitulé « Protection de l’emploi et procédures de licenciement ». Ce rapport a-t-il servi comme on dit vulgairement à caler une armoire ?
Mais d’un autre côté n’est-ce pas là véritablement le rôle du chercheur d’indiquer une piste sans forcément lui donner forme réelle ou réussir à l’imposer. Dire que nos économistes français sont brillants et que notre économie nationale est en crise sont deux choses différentes qui n’ont pas forcément de rapports entre elles. Pourquoi vouloir à tout prix en chercher un ?

Patrick Noviello