Dans les albums de Lucky Luke, les « pieds tendres » dansent à coup de révolver. Des générations de crêtes brunes et de têtes blondes connaissent la scène. Dans un saloon, un des frères Dalton sort son « six coups » et oblige sa victime à gigoter en criblant le sol de balles. Ce « gimmick » a une version politique. Le « pied tendre » n’est pas vraiment tendre. Et ce n’est pas le pied pour lui. Manuel Valls sort d’un épisode parlementaire laborieux.
Le premier ministre vient d’obtenir une petite confiance de la part de sa majorité. En fait, cet exercice est une « valse » contrainte. Ses « Daltons » sont les fameux Frondeurs. Manuel Valls agit sous leurs tirs permanents. Pour calmer le feu, il a du organiser une danse du ventre. Afin d’obtenir la confiance, le locataire de Matignon n’a pas ménagé ses efforts. Réunions. Dîners. Clins d’œil appuyés dans son discours de politique générale. Manuel Valls ne jouait pas l’existence de son gouvernement.
La fronde des Frondeurs est un élastique mou. Leurs projectiles sont en caoutchouc. Ils dégainent en permanence. Mais ils proclament leur appartenance à la majorité et ils choisissent la charge creuse de l’abstention. Manuel Valls connaissaient le côté « opération blanche » du vote de confiance. En quittant Matignon, avant la séance de mardi dernier, il savait qu’il retrouverait Matignon.
Néanmoins, le péril était réel. Il ne s’agissait pas de sauver la peau du gouvernement. C’est bien pire. Le vote de la confiance devait permettre à Manuel Valls de durer et d’endurer. Le premier ministre avait besoin de conforter son autorité politique. C’est loupé. Les Frondeurs n’ont pas été des coupeurs de tête. Mais ils « mutilent » le second gouvernement Valls. Ils lui brisent les reins. Lors du premier vote de confiance, six mois en arrière, ils étaient 11. Leur nombre a triplé.
Cette comptabilité est jugée insignifiante par les soutiens de Manuel Valls. Dans un communiqué de presse, le député de Haute-Garonne (et numéro trois du PS), Christophe Borgel estime que le décompte des Frondeurs occulte les vrais problèmes, les questions de fond. Il demande un peu plus de hauteur de vue. Christophe Borgel est dans son rôle d’avocat.
Mais, sans se comporter en procureur, il est évident que le nombre de divisions relève l’ampleur de la division. Les 31 Frondeurs représentent une minorité de la majorité. Mais cette minorité s’étend et se faire entendre. En six mois, les ralliements se sont multipliés. Et surtout la chorale médiatique des contestataires occupe les ondes télévisuelles. Manuel Valls peut compter sur le retour de Nicolas Sarkozy (prévu ce week-end). L’agitateur (agité) de l’UMP va être une formidable machine à créer du Clivage. La gauche va retrouver l’homme qu’elle adore détester. Mais cet appel d’air ne va pas renouveler l’oxygène politique de Manuel Valls. Le vote de mardi traduit un divorce. Malgré l’annonce de primes pour les retraités modestes ou la suppression de la première tranche d’imposition, Manuel Valls est « hémiplégique ». Il a perdu son lobe gauche.
Laurent Dubois