Ressenti et jugement du futur président du Parlement Européen. Le 28 mai prochain, Gérard Onesta va concrétiser un vieux rêve. Il va enfin présider un hémicyclique composé de 751 « représentants » de l’Europe. L’assemblée siégera à…Tournefeuille et elle va être composée d’enfants. Mais, même si c’est le temps d’une journée, même s’il s’agit d’un exercice pédagogique, Gérard Onesta va surplomber l’arène européenne et prendre de la hauteur. Cela va le changer. Depuis des semaines, il arpente les plaines et les vallées de Midi-Pyrénées. Des vallées et des plaines mornes. Le vice président de la Région fait campagne pour le scrutin de dimanche prochain. Il est candidat, en position non éligible, sur liste de José Bové. Dans moins d’une semaine, les électeurs vont se rendre dans l’isoloir. C’est la dernière ligne droite et le temps d’un premier bilan. Gérard Onesta porte un jugement très amer sur la cuvée 2014. Il pointe du doigt Manuel Valls. Mais aussi un mauvais casting.
-Vous avez exercé plusieurs mandats à Bruxelles. Vous avez connu 7 campagnes européennes, en tant que candidat où porte parole d’Europe-Ecologie. Quel jugement portez vous sur la cuvée 2014 ?
-Gérard Onesta. C’est une bien piètre cuvée. En partie à cause de l’Europe elle même. Bruxelles a imposé l’austérité à des pays fragiles. Cela alimente l’euro-défiance. Les populismes sont en pointe partout. Les européennes 2014 débarquent dans un climat d’euro-rejet qui est à son optimum. Mais la morosité de la campagne n’est pas simplement liée à cela. Les élections ont été masquées par les municipales et le changement de gouvernement en France. Il y a aussi un problème de calendrier. La campagne se retrouve au milieu des ponts du mois de mai. Habituellement elle se déroulait au mois de juin. On m’a expliqué que c’était pour éviter un télescopage avec la coupe du monde de foot au Brésil. C’est réussi.
-Au-delà d’un contexte anti-européen et d’un calendrier défavorable, pensez-vous que le gouvernement français a une responsabilité dans la mauvaise cuvée 2014 ?
-Gérard Onesta. Pas uniquement le gouvernement. Manuel Valls, en refusant la distribution des professions de foi a une lourde responsabilité. Il tue la campagne. Comment donner envie de voter sans profession de foi ? Comment voter sans connaître les idées et les programmes des candidats. Mais l’Assemblée Nationale est également coupable. Pour les municipales, elle a donné 5 semaines de vacances à ses ouailles pour aller cumuler. Elle n’a pas été foutue de donner une journée aux députés pour aller battre la campagne. C’est incroyable. Surtout quand on sait que le ¾ de l’ordre du jour de l’Assemblée est déterminé par des décisions européennes.
-Sur le terrain, comment se traduit la fadeur de la campagne ?
-Gérard Onesta. On rame. Vendredi, à Montauban, il y avait 20 personnes dans la salle. Mardi dernier, j’étais à Bordeaux pour une réunion publique avec Alain Juppé qui officiait dans sa bonne ville, l’ancien ministre des Affaires Européennes, Bruno Le Maire et Jean-Claude Junker (ancien premier luxembourgeois, ancien président de l’Eurogroupe). L’affiche était constituée de personnalités de premier plan. Et bien la salle était à moitié vide.
–La taille des circonscriptions, allant dans le Grand Sud Ouest de Biarritz à Nîmes, explique-t-elle ce désintérêt de l’opinion publique ?
-Gérard Onesta. J’ai connu, en 1979, une élection avec une circonscription de taille nationale. Et, en plus, le Parlement de l’époque n’avait aucun pouvoir. La participation a été au rendez-vous. Le désintérêt actuel n’est pas une question de taille.
-C’est un problème de casting ? Il n’est pas bon ?
-Gérard Onesta. Oui. Alliot-Marie pour attirer le chaland, on fait mieux. A l’UMP, la seule vraie pointure était Lamassoure (plusieurs fois ministre et député européen).D’ailleurs je désespère de débattre avec Alliot-Marie. Elle se fait toujours excuser. Cela fait 3 fois que je suis censé la croiser. En fait, je fais campagne contre Jean-Marie Belin (4eme sur la liste UMP). Je n’ai pas vu non plus Louis Alliot (candidat FN). Du côté du PS, Virginie Rozière (tête de liste PS-PRG) est une grande inconnue et en plus les socialistes ne font pas campagne pour elle (suite à une polémique concernant sa désignation). Il reste Mélenchon. Mais Mélenchon ne travaille pas le terrain. Il mène une campagne nationale. José Bové est le seul à être vraiment à sa place.
Propos recueillis par Laurent Dubois