Un garage Renault à l’entrée de ville. Un bureau de poste. Une place de la mairie, un bar et une pharmacie. Saint Benoît de Carmaux ressemble à de nombreuses communes françaises. L’architecture des maisons et une cité rappellent un passé minier. Les plaques des rues mentionnent les noms de Jaurès et Blum. Mais d’autres villes sous d’autres cieux présentent le même visage. La présence, à une intersection, d’une affiche de Marine Le Pen n’est pas non plus caractéristique. Les « municipales » approchent. Un automobiliste tarbais ou lillois peut croiser, sur sa route, la figure du Front National. Et pourtant. Saint-Benoît de Carmaux n’est pas un endroit comme les autres. A deux kilomètres de son centre ville, dans la commune voisine de Carmaux, se trouve le célèbre monument de Jean-Jaurès. Saint Benoit c’est le pays de Jaurès. Ses 2152 habitants vivent et votent sur une terre emblématique. Ils vivent et votent dans la circonscription du tribun socialiste.
Le Front National s’invite dans le paysage. Marine Le Pen s’affiche sur les murs de Saint Benoît. Elle sera probablement présente dans les urnes. Tout un symbole. Le responsable départemental du FN, Jean-Paul Piloz, annonce l’existence d’une liste. A sa tête, une femme, Nicole Bousquet. Derrière elle, 11 noms. Au total, la liste doit obligatoirement compter 19 membres. il reste à trouver 7 candidats. Mais, d’après Nicole Bousquet, cela ne pose aucun problème : » oh oui, on va boucler« . Elle en profite pour évoquer au passage la constitution d’une autre liste sur Carmaux. Si tout cela se confirme, Saint Bénoît, Carmaux et toutes les autres listes du département seront présentées à la presse dimanche prochain.
Membre du FN depuis 2000, Nicole Bousquet a déjà participé à des cantonales et des législatives. Mais, s’agissant des municipales, c’est inédit.
C’est une première pour elle. Mais surtout pour son parti. Jamais, auparavant, le FN n’est parvenu à fédérer des personnes et à susciter des candidatures. Saint Benoît a une municipalité communiste depuis 1977. Et, dans le carmausin, le rose et le rouge sont ultra dominants. La droite est quasiment inexistante. L’UMP peine à constituer une liste sur Carmaux. Les ressources humaines font défaut. Le principal parti de l’opposition n’est même pas certain de pouvoir présenter des candidats.
Dans ce milieu « hostile », le FN est resté sur le banc de touche pendant des années. Faute de candidats, le parti était exclu de la compétition municipale. Cette époque semble révolue.
C’est une « révolution » politique au pays de Jaurès.
L’UMP déserte la scène. En revanche, Marine Le Pen entre en piste. Au delà de la symbolique jaurésienne, le contraste est saisissant. Dans les rangs du FN, la satisfaction est évidente. Et l’enthousiasme ne se limite pas à une présence sur la ligne de départ. Frédéric Cabrolier est content de participer. Mais il espère bien gagner.
Candidat sur Albi, il regarde les municipales de Saint Benoît en voisin. Mais il est convaincu que des élus frontistes siégeront bientôt au conseil municipal de Carmaux et de Saint Benoît. Bien évidemment, il prêche pour sa paroisse. Frédéric Cabrolier a la foi du croyant. Mais des faits accréditent la thèse d’une implantation carmausine du FN.
En effet, le contexte localo-localiste est difficile pour la gauche. Dans le carmausin, des retraités qui autrefois ne payaient pas d’impôts sont désormais fiscalisés.
Le changement, c’est maintenant. C’est le temps des nouveaux contribuables. Du côté de carmaux, plus qu’ailleurs, le basculement dans l’impot a touché de nombreux retraités et des foyers modestes. Dans l’isoloir, les feuilles du Trésor Public vont peser. De plus le chomage frappe durement une région qui n’a jamais retrouvé, depuis la fin de la mine, le chemin de l’Emploi. Bref, impot et chomage composent un coktail explosif. L’abstention
et le vote sanction sont les deux alliés du FN. La faiblesse d’une offre UMP finit de jouer en faveur du FN. Frédéric Cabrolier est dans son rôle en (sur)vendant sa boutique.
Mais, objectivement, un « territoire-symbole » de la Gauche peut devenir un symbole de la poussée du FN.
Au pays de Jaurès, le Rose risque de prendre une couleur « Bleu Marine ».
Laurent Dubois