07 Août

Régionales, Philippe Saurel : « la création d’une présidence déléguée est un contresens absolu »

Le mois d’août rime avec plage et serviettes de bains. Beaucoup de midi-pyrénéeens prennent la direction de la côte languedocienne. Un estivant fait le chemin inverse. Le maire de Montpellier, Philippe Saurel passe une partie de son été entre Toulouse, Pamiers, Lourdes, Auch, Albi et Montauban. Ce périple « politico-touristique » lui permet de faire des rencontres et de « humer » l’atmosphère de départements qu’il découvre où retrouve. Derrière la tenue décontractée du « vacancier » se trouve le costume d’un candidat en campagne. En plein mois d’août, Philippe Saurel prépare les régionales de décembre prochain. La confection des listes départementales n’est jamais très loin de la visite de la grotte de Massabielle ou d’un pèlerinage à Montségur. Avant de reprendre la route, Philippe Saurel aborde la question de l’identité régionale de la future grande région. Il revient également sur la polémique de l’été. Une polémique qui pourrait bien « pourrir » la rentrée  du PS : la création d’une présidence déléguée au profit du président sortant du Languedoc, Damien Alary.

Philippe Saurel, maire de Montpellier et tête de la liste "Citoyen du Midi" pour les régionales

Philippe Saurel, maire de Montpellier et tête de la liste « Citoyen du Midi » pour les régionales

Midi-Pyrénées Politiques. Vous avez fait toute votre carrière politique dans l’Hérault. Depuis l’officialisation de votre candidature aux régionales, votre horizon politique s’étend à Midi-Pyrénées. Connaissez-vous cette région ?

Philippe Saurel. Je connais bien l’Aveyon. Mes parents ont une maison à côté de Réquista, vers la route d’Albi. J’ai des amis à Millau et Rodez. Je connais également Toulouse. J’y viens régulièrement en tant que maire de la seconde agglomération (NDLR avec Toulouse) de la grande région. Toujours dans le cadre de mes fonctions de maire, je suis également allé à Lavaur (NDLR Tarn). Nos disposons dans l’Hérault des derniers échantillons de la manufacture de Lavaur. Une manufacture qui remonte à Louis XVI. Je suis également allé plusieurs fois dans les Hautes-Pyrénées, la Mongie, le cirque de Gavarnie. En revanche je découvre l’Ariège, le Gers et le Tarn-Garonne. Je suis également allé, pour la première fois à Lourdes. J’ai d’ailleurs été surpris par l’atmosphère de Lourdes. Il règne un climat de religion populaire, très différent de celui que l’on peut rencontrer à Rome.

Midi-Pyrénées Politiques. Quelles sont vos impressions sur votre « immersion » midi-pyrénéenne ?

Philippe Saurel. Pour moi, Midi-Pyrénées n’a jamais été une terra incognita. Il existe un socle culturel commun entre nos deux régions. L’Occitanie. Les cathares. L’ancien comté de Toulouse. Nous avons la même croix du Languedoc. Pendant mes études d’histoires, j’ai lu les lettres qu’adressaient les consuls montpelliérains aux Capitouls de Toulouse. Cela m’a permis de mettre des sensations physiques sur tout un patrimoine culturel que j’ai étudié. Au delà de ça, j’ai écouté des gens et regardé. J’ai pu sentir l’ambiance générale. Je me suis senti de suite dans mon milieu. Cette impression est également lié au fait que j’ai passé 15 ans aux côtés de Georges Frêche (NDRL : ancien maire de Montpellier et ancien président de la Région Languedoc). Georges Frêche m’a toujours dit : « je souhaitai être maire de Toulouse. Mais mon mariage de raison avec Montpellier est devenu un mariage de passion ». J’ai été aux côtés de Georges Frêche pendant plus de dix ans et notamment pendant les régionales de 2010.

Midi-Pyrénées Politiques. La fusion sera effective le 1er janvier 2016. Pour l’instant, la future Grande Région c’est juste un mécano institutionnel. Pensez-vous que la Grande Région puisse devenir une vraie Région, avec une âme ?

Philippe Saurel. La fusion rapproche des territoires que l’histoire a séparé. Mais Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussilon sont proches. Elles sont proches fonctionnellement. Les toulousains vont à la mer et les montpelliérains vont dans les terres. Il faut arrêter de dire que les deux régions vont se marier. Ce n’est pas « 1+1=2 » mais « 1+1=1 ». Il faut désormais réfléchir et agir à partir et en fonction d’une collectivité unique. Nos cultures ne sont pas si éloignées. Il faut les stimuler. Dans cette perspective, je propose une fédération de 13 départements avec 2 grandes métropoles. C’est pour cela que la création d’une présidence déléguée est un contresens.

Midi-Pyrénées Politiques. Justement au sujet de la création d’un poste de « président délégué » à la tête de la région. Votre point de vue.

Philippe Saurel. Je le répète. C’est un contresens absolu. L’esprit de la loi à l’origine de la fusion des régions est d’unifier Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Créer deux présidents c’est divisé à nouveau en deux ce qui ne doit plus former qu’une seule collectivité. On coupe en deux pour faire plaisir aux copains. C’est de la petite cuisine solférinesque qui laisse sortir de la marmite une bonne odeur de tambouille.

Midi-Pyrénées Politiques. Vos adversaires vous reprochent votre aventurisme politique. Que répondez-vous à cette critique ?

Philippe Saurel. Je laisse parler. Je rappellerai tout de même une chose. A la différence d’autres, je n’ai qu’un seul mandat et c’est le rôle du maire de la deuxième métropole de la région de s’intéresser à l’équité territoriale entre les deux métropoles régionales et les deux anciennes régions. Personnellement, je ne m’intéresse qu’aux résultats. Je suis le seul maire de gauche d’une grande ville dans le grand sud. Philippe Martin (NDLR : dans une interview publiée cette semaine le président PS du Gers critique Philippe Saurel) n’est ni mon directeur de campagne, ni mon objecteur de conscience. J’ai gagné à Montpellier avec 10 points de demi d’avance et aux départementales 8 de mes 10 candidats ont été élus.

Midi-Pyrénées Politiques. Vous n’êtes pas un homme politique conventionnel. Vous citez Jaurès et Bonaparte. Vous évoquez régulièrement l’histoire locale et les cathares. L’ascension que vous venez de faire de Montségur, vous inspire politiquement ?

Philippe Saurel. J’ai fait tous les autres châteaux cathares. C’était le dernier à faire. J’ai parié avec des amis que j’y monterai. Effectivement, ça grimpe. Les forteresses cathares portent une idéologie. Les cathares, comme d’ailleurs les protestants dans les Cévennes, portent un esprit d’insoumission qui est propre au Midi. C’est le Midi résistant. Les cathares ne sont pas contre la religion catholique. Ils veulent purifier l’esprit religieux. L’insoumission ne signifie pas que l’on est en guerre. C’est comme dans l’art roman. L’art roman repose sur deux bases : la non « répétitivité » des motifs et les respect des cadres. Cela peut paraitre antinomique. Mais non. Dans mon livre (Réparer la république, éditions Privat), j’ai choisi comme titre : réparer. Et pas fracasser. Etre insoumis (NDLR Philippe Saurel a été exclu du PS en raison de son soutien à Georges Frêche lors des régionales de 2010), cela ne veut pas dire que l’on veut casser le cadre. Mais simplement lui donner plus de souplesse et moins de dogmatisme.

Midi-Pyrénées Politiques. Vous êtes un ami personnel de Manuel Valls. Le premier ministre incarne le contraire de l’insoumission : l’autorité.

Philippe Saurel. Je soutiens depuis le début Manuel Valls. Et détrompez vous. Il a dit que le socialisme est devenu une langue morte.

 

Propos recueillis par Laurent Dubois