16 Fév

Listes nationales pour les élections de 2019 : l’Europe plus loin des régions ?

Le Parlement Européen à Strasbourg. photo Frederick Florin AFP

Le Parlement Européen à Strasbourg. photo Frederick Florin AFP

Nos députés européens étaient jusque-là élus sur une circonscription sud-ouest de 18 départements et trois régions (Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Aquitaine). Mardi 13 février, l’Assemblée Nationale a voté l’instauration de listes nationales. Emmanuel Macron qui en voulait des « transnationales » devra s’en contenter. Mais ces nouvelles listes ne vont-elles pas déconnecter encore plus les territoires de leurs élus européens ? Eléments de réponse.

Dans l’hémicycle ce mardi, seuls les députés LR semblaient encore vouloir défendre un format de listes que peu regretteront. Jean-Luc Mélenchon, habitué aux parachutages, ancien député européen du sud-ouest désormais député national de Marseille, après avoir échoué cinq ans plus tôt dans Pas-de-Calais, fait partie de ceux-là. « Si vous voulez des gens accrochés à leur territoire, élisez des moules ou des bigorneaux. Mais si vous parlez au peuple français, il convient que vous vous rappeliez que nous sommes un peuple mouvant.» déclarera-t-il dans l’hémicycle.

Listes nationales ou circonscriptions, dans les deux cas cela n’a pas fait de moi un élu de proximité »

A l’occasion, il se souvient de son passage dans sa circonscription sud-ouest où « parler de Bordeaux à Perpignan n’intéressait personne, même dans le raccord des sujets locaux à l’Europe ». Listes nationales et circonscription, Gérard Onesta ancien Vice-Président (EELV) du Parlement Européen a connu les deux situations. « Dans les deux cas, ça n’a pas fait de moi un élu de proximité ». L’actuel président du bureau du Conseil Régional dénonce  une « fumisterie ». « Soit l’élu est immergé dans la société et vit à son contact, soit c’est un apparatchik ou un parachuté, ça n’est pas ce débat qui va faire changer les choses ».

Pour cet européen convaincu, un député ne doit pas représenter son territoire mais la nation. « C’est le sénateur qui représente les territoires ! Vouloir faire des députés européens des sénateurs européens a pour conséquences qu’ils servent leurs intérêts et non ceux de l’Union » dénonce-t-il. Et Gérard Onesta de se dire « extrêmement en colère » que la récente répartition des sièges des députés britanniques partis via le Brexit n’ait pas donné lieu à des listes transnationales. « Le PPE, le regroupement des partis de droite du continent s’y est opposé. Si on veut vraiment un parlement qui légifère pour l’U.E, il faut des listes transnationales ».

Gare à la proportionnelle !

Quant à Emmanuel Macron qui serait favorable à ces listes transnationales, Gérard Onesta trouve cette position pour le moins paradoxale. « Le même Macron ne veut pas d’un Président de la Commission Européenne élus par les députés. Il veut que ça continue à se faire en conclave avec les 27 chefs d’état ». Alors comment rapprocher l’Europe des territoires ? « Il n’y a qu’à diffuser les débats de Strasbourg à la télévision comme les questions au gouvernement de l’Assemblée Nationale » préconise-t-il.

Gérard Onesta n’est pas le seul à penser que des listes plus régionales mettraient en péril la proportionnalité du vote européen, créant ainsi un « effet de seuil » qui privilégiera certaines formations politiques et en fera disparaître d’autres de l’hémicycle. Marie-Pierre Vieu, l’ancienne suppléante communiste de Jean-Luc Mélenchon et qui siège désormais à Strasbourg à sa place, est sur la même ligne que Gérard Onesta et veut même  aller plus loin.

Une machine à produire de l’alternance »

« Nous sommes opposés au seuil d’éligibilité à 5%, les autres pays étant sur du 3% ou sur du rien ». Quant aux listes transnationales qui ont été abordées lors de discussions récentes, en tant qu’internationaliste, elle accepte d’en débattre, mais sans illusions. « Au stade actuel de la construction et de l’espace démocratique en Europe, ça nous paraît une machine à produire de l’alternance plutôt qu’autre chose ».

Alors qui pour défendre des listes régionales ? Principalement des élus LR qui, lors du débat à l’Assemblée Nationale, ont échoué à faire voter des amendements visant à créer des circonscriptions correspondant aux 13 régions actuelles, plutôt qu’une circonscription unique. Leur chef de file, Christian Jacob a notamment déploré qu’ « au moment où on a besoin de rapprocher les parlementaires du terrain, on les éloigne ». Mais une fois encore la seule question qui peut prouver l’intérêt, et le sentiment d’appartenance du citoyen à l’Europe sera la participation au prochain scrutin en mai 2019.

Patrick Noviello (@patnoviello)