Financer la LGV en dupliquant le modèle fiscal du « Grand Paris », c’est la solution défendue par la présidente de Région, Carole Delga, et le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc. Dans le « Grand Paris », les entreprises et les particuliers sont taxés. Quelles sont les contribuables concernés ? C’est une question sans véritable réponse.
Le financement de la LGV est estimé à 9 milliards d’euros. Pour boucler le budget, le conseil régional et la mairie de Toulouse proposent un « financement innovant ». Une innovation relative puisqu’il s’agit de transposer le modèle du « Grand Paris ». Un « modèle » qui fait l’objet de nombreuses critiques. Une dérive budgétaire et la création d’une véritable « usine à gaz » sont pointées. L’expérience risque de tourner court. Emmanuel Macron souhaite réformer une structure qui a réalisé, en matière de transport, 22 milliards d’euros d’investissements.
Une loi nécessaire
Initié par Nicolas Sarkozy, le « Grand Paris » est né d’une loi du 3 juin 2010. L’article 9 du texte (chapitre V) détaille les ressources : dotation en capital de l’Etat, emprunts sur les marchés financiers. Mais, c’est surtout l’article 10 qui est le plus important s’agissant d’une éventuelle transposition à l’Occitanie.
La loi modifie le code général des impôts et attribue une taxe. Il s’agit d’une taxe spéciale d’équipement. Elle est acquittée par les particuliers et les sociétés. Elle est due par les contribuables soumis à l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. Elle s’applique aux cessions de terrains à titre onéreux. Au niveau du « Grand Paris », cette recette fiscale représente 117 millions d’euros par an.L’existence d’un tel levier fiscal suppose le vote d’une disposition législative. Il faut une majorité parlementaire et l’accord du gouvernement pour adosser la LGV à la taxe dont bénéficie le « Grand Paris ». C’est un sérieux obstacle. Les élus d’Occitanie espèrent qu’un rapport de force permettra de faire plier Emmanuel Macron. Comme le précise une source proche du gouvernement , « pour le moment, il n’en est pas question ». En réalité, l’obstacle politique n’est pas le plus compliqué.
Un obstacle technique : qui va être taxé ?
Il existe un véritable problème technique. Le « Grand Paris » bénéficie d’une fiscalité particulière au travers d’un établissement public : « Société du Grand Paris ». C’est lui qui perçoit les recettes fiscales. Un tel établissement n’existe pas pour la LGV. Mais, surtout, le périmètre de la taxe pose question. Dans le « Grand Paris », tous les contribuables des communes membres sont assujettis à la taxe d’équipement. S’agissant de la LGV, quels sont les contribuables soumis à contribution ? Les habitants des communes sur le tracé ? Tous les habitants de tous les départements d’Occitanie ?
Juridiquement, la création d’un établissement public semble évidente. Mais sa composition est problématique. Des communes peuvent, pour différentes raisons, refuser d’intégrer la structure. L’instauration d’un nouveau prélèvement est rarement accueilli par des cris de joie. Une rupture d’égalité devant la taxe risque de faire grincer des dents. Pour contourner les éventuelles résistances locales, il est possible d’asseoir l’établissement publique sur un périmètre départemental. Mais, là encore, l’option « contribuable départemental » est un terrain meuble. La LGV Toulouse-Paris traverse deux départements (Haute-Garonne et Tarn-et-Garonne). L’ex Midi-Pyrénées n’existe plus. Mais que se passe-t-il si des départements de l’aire toulousaine refusent d’intégrer l’établissement public LGV.
Il existe une solution pour résoudre toutes ces questions : une réforme nationale de la fiscalité.
L’hypothèse d’une réforme national de la fiscalité régionale
Le ministre des comptes Publics a indiqué une éventuelle porte de sortie. Gérald Darmanin a évoqué la possibilité d’une taxe régionale. Cette proposition et de portée nationale. Dans l’esprit du ministre, elle est indépendante du projet LGV. C’est une hypothétique recette à disposition des conseils régionaux. Elle permettrait à la région Occitanie d’augmenter sa participation au financement de la LGV. Fini le « casse-tête » juridique de la taxe « Grand Paris » version Toulousaine.
La formule suggérée par Gérald Darmanin reste totalement dans les limbes. Rien n’indique qu’elle se traduira par un projet de loi. Mais elle lèverait l’énorme doute qui entoure la « taxe » défendue par Jean-Luc Moudenc et Carole Delga.
Laurent Dubois (@laurentdub)