18 mois de procédure. Un interrogatoire à la gendarmerie, une audition par un juge d’instruction et, aujourd’hui, mercredi 1er juin, une audience devant le Tribunal de Grande Instance de Rodez. Le journaliste et le webmaster poursuivis par le maire de Rodez pour diffamation ne sont pas encore au bout du tunnel judiciaire. Après les plaidoiries des avocats, l’affaire a été mise en délibéré. Le jugement tombera le 28 juillet prochain. La défense demande une annulation de la procédure.
Le procès se joue autour d’un point technique et pourrait se conclure par une fin de non recevoir. Une fin de non recevoir opposée au maire de Rodez et qui clôturerait le dossier.
Liberté d’expression face au respect de la personne. C’est un vieux conflit que les tribunaux traitent régulièrement. Particulièrement à Rodez et s’agissant du maire de la ville. La précédente procédure remonte à …juin 2014. Christian Teyssèdre a alors poursuivi en justice un journal local pour « diffamation envers un dépositaire de l’autorité publique« . L’organe de presse sur la sellette ne jouit pas d’une grande crédibilité dans le milieu médiatique aveyronnais. Mais ce n’est pas fréquent qu’un responsable politique attaque en justice un média. C’est même une règle tacite (mais « sacrée ») dans le microcosme des élus : un différent se traite à coup de téléphone, parfois par des coupure dans les marchés « pubs » ou une explication de texte autour d’une assiette. Jamais dans une salle de tribunal.
Visiblement, ce n’est pas le cas de Christian Teyssèdre. Le premier magistrat de la préfecture aveyronnaise n’hésite pas à déposer plainte contre un média. Le nouveau dossier concerne un blog satirique (Aligorchie), son webmaster (Olivier Montbazet) et un journaliste (Hugues Robert). Répétition de l’histoire, Hugues Robert a d’ailleurs été le rédacteur en chef du journal local poursuivi en 2014 par Christian Teyssèdre.
Pour le maire de Rodez, « cette affaire n’aura jamais du finir devant un tribunal et encombrer la justice. Mais c’est le seul moyen pour qu’ils arrêtent. Ce n’est pas une affaire liée au droit de la presse. Mon père a été insulté et diffamé. Je ne pouvais pas laisser passer« .
Lors de l’audience, l’avocat de la défense a mis en avant le fait qu’un personnage public doit accepter (plus qu’un simple citoyen) d »être mis sur la sellette par la presse ou les humoristes. Jurisprudence européenne à l’appui, la plaidoirie a tourné autour d’une idée simple : par principe la liberté d’expression prime. D’éventuelles restrictions (liées à l’atteinte à l’honneur ou à la dignité d’une personne) doivent rester l’exception. Cette ligne de défense est conforme à une jurisprudence constante. En matière de diffamation, les condamnations sont rares.
Mais, en réalité, le débat juridique tourne autour d’un autre point. On est loin des grandes principes. Le dossier vire à une « simple » question de procédure. Christian Teyssédre a porté plainte en tant que maire. A ce titre, il bénéficie d’ailleurs d’une protection juridique et les frais de justice sont couverts par la municipalité. Mais la plainte ne concerne pas la fonction de maire. Elle émane d’un fils (Christian Teyssèdre) qui veut défendre l’honneur d’un père décédé. Un honneur « mis à mal » dans les colonnes d’un Blog satirique.
De ce fait, le Tribunal de Grande Instance risque tout bonnement d’annuler la procédure.
Contacté par France 3 Midi-Pyrénées, Christian Teyssèdre admet que son avocat l’a informé sur cette (probable) voie sans issus.
En cas d’annulation de la procédure, le maire de Rodez ne semble pas déterminer à relancer la machine judiciaire en déposant une nouvelle plainte.
Laurent Dubois (@laurentdub)