09 Mar

Marc Ivaldi Professeur TSE – Réforme du Travail : « Ne pas mélanger flexibilité et précarité »

Sous les pavés, un texte ! Demain, mercredi 9 mars, des cortèges font défiler dans les rues de Toulouse et Montpellier contre le projet de loi « Valls-El-Khomri ». Syndicats de salariés et d’étudiants se mobilisent pour bloquer une reforme du code du travail. Retrait pur et simple ou abandon de certaines dispositions, les manifestants veulent faire reculer le gouvernement.

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Dans toute cette agitation (où les esprits s’échauffent et la mauvaise foi touche partisans et opposants), un économiste livre son analyse. La science économique n’est pas une science exacte et il existe chez les économistes des postulats idéologiques.

Marc Ivaldi ne cache pas ses accointances pour la droite. Le professeur de la Toulouse School of Economics (TSE) a même été candidat sur la liste « LR » de Dominique Reynié lors des régionales de 2015. Mais le point de vue de l’économiste permet de prendre un peu de recul. Pour Marc Ivaldi, pas de doute, la loi El Khomri va dans le (bon) sens de la flexibilité mais n’offre pas assez de sécurité. Le professeur à la TSE plaide pour une pénalisation du recours au CDD. Interview.

Marc Ivaldi. Professeur à la Toulouse School of Economics

Marc Ivaldi. Professeur à la Toulouse School of Economics

Le Blog Politique. Selon vous, la réforme El Khomri va-t-elle dans le bon sens ? Est-il nécessaire de réformer le code du travail ?

Marc Ivaldi. Oui. On va dans le bon sens même si ce n’est pas parfait. On connaît la situation. Dans notre région, le chômage est à 13% et nous sommes à 25% sur la classe des jeunes. Le chômage touche les moins qualifiés et les quartiers difficiles. Ce n’est pas acceptable. On peut même se demander si un tel chômage de masse n’est pas un choix de société. Ce que l’on a essayé, c’est beaucoup de politique d’emploi et on a beaucoup misé sur le CDD. D’un côté, nous avons un CDD ultra flexible et de l’autre un CDI ultra rigide.

Le Blog Politique. Les adversaires de la réforme disent : on veut faciliter le licenciement pour permettre les embauches, cela n’a pas de sens. Etes-vous d’accord avec ce point de vue ?

Marc Ivaldi. Ce n’est pas comme cela qu’il faut raisonner. Le vrai sujet ce sont ce que les économistes appellent les coûts de demain. Et dans les coûts de demain, on trouve le coût du licenciement. Une entreprise licencie et le lendemain une commande arrive. Le chef d’entreprise va devoir chercher un nouveau salarié. Cela va créer des coûts surtout dans les petites entreprises. Dans les grandes, il existe un marché intérieur de l’emploi. On peut faire bouger des gens. Dans les petites entreprises, cela peut avoir un coût important et même faire perdre des ventes.

Le Blog Politique. Autrement dit, vous estimez qu’il faut flexibiliser les licenciements. C’est bien cela ?

Marc Ivaldi. Ce qu’il faut faire c’est de la flexibilité mais plus de flexibilité doit être accompagné de plus de sécurité. Cela doit être du « donnant-donnant ». De ce point de vue, le projet de loi est imparfait. 

Le Blog Politique. Comment faire pour arriver à cet équilibre « flexibilité-sécurité » ?

Marc Ivaldi. Avec le système actuel, les entreprises jouent beaucoup avec les CDD. Un CDD ne permet pas d’emprunter ou de se loger. On ne peut rien faire. Si on faisait payer très cher le comportement des entreprises, ce serait une vraie protection. La réforme El Khomri ne le prévoit pas. Il ne faut pas confondre flexibilité et précarité. Une pénalisation des entreprises pour limiter le recours abusif au CDD permettrait d’éviter la précarité. Ce durcissement du CDD permettrait également d’éviter de penser que tout le monde doit être en CDI.

 

Propos recueillis par Laurent Dubois (@laurentdub)