C’est un remaniement d’après remaniement. Sylvia Pinel sort du gouvernement et Jean-Michel Baylet quitte la présidence du parti. L’ex-ministre du Logement devient présidente du Parti Radical de Gauche à la place du nouveau ministre de l’Aménagement du Territoire. Ce jeu de « fauteuils musicaux » n’a rien de surprenant. Le scénario était écrit d’avance.
Comme le précise un cadre du parti radical de gauche : » C‘est l’application des statuts, nous savions en votant pour Sylvia Pinel à la 1ére vice-présidence du parti que cette situation était possible. Pour moi, elle doit être candidate lors du prochain congrès de septembre ».
Jean-Michel Baylet redevient ministre 23 ans après son premier maroquin. Entre sa nomination sous la présidence Mitterrand et son retour en février 2016, le patron des radicaux de gauche a eu une obsession permanente : retrouver le chemin d’un ministère. Une obsession qui, en 2007, a manqué se traduire par un portefeuille offert par…Nicolas Sarkozy.
Selon nos informations, l’affaire est loin d’être une intox comme l’a prétendu par la suite Jean-Michel Baylet. Le président des radicaux des gauche était prêt à s’assoir à la table du conseil des ministres avec François Fillon. D’après une source proche de Jean-Michel Baylet, c’est Nicolas Sarkozy qui a refermé la porte. Les exigences du radical de gauche étaient trop élevées et la proposition de l’Elysée se limitait à un poste « à prendre ou à laisser ».
Peu importe, le détail de la parenthèse « sarkosyste ».
Une entrée au gouvernement de Jean-Michel Baylet se serait terminée de la même manière : une présidence Pinel.
La transmission de pouvoir est bien accueillie dans les rangs du parti. Pour un de ses cadres, l’intérim et l’élection programmée de Sylvia Pinel à la tête du PRG est une excellente chose. » Très bonne nouvelle, première femme dans cette fonction, élue de notre région (NDLR Languedoc Roussillon Midi Pyrénées), jeune mais expérimentée, personne ne doute de son engagement radical ». Pour Vincent Garel, président du PRG81, le passage de relai n’est pas une simple formalité. C’est un vraie chance pour les radicaux de gauche.
Sylvia Pinel, nouvelle « patronne » d’une PME rentable.
La première tâche de Sylvia Pinel est de faire tourner la « boutique ». Le PRG c’est, en effet, une vraie PME. Dans la région Languedoc Roussillon Midi Pyrénées, ce sont 17 élus au Conseil Régional, 2 au conseil départemental de Haute-Garonne et des dizaines de maires.
Mais surtout, au niveau national, ce sont 7 sénateurs, 2 ministres, 1 secrétaire d’Etat et 17 députés.
Pour un vieux routier du PRG, « c’est la boutique la plus rentable de France. Elle produit des ministres, des vice-présidents de conseils régionaux ou dans les départements. Une rentabilité de succursale car les élus PRG sont élus sur la base d’accord avec le PS. Sans le parti frère, les radicaux n’auraient pas un tel fond de commerce ».
Un fond de commerce qui a d’ailleurs de bonnes caisses. Tous les partis politiques perçoivent des dotations de l’Etat. Dans la loi de finance 2016, l’enveloppe globale s’élève à 68,7 millions d’euros. Le PRG reçoit sa part. Une part fixée par décret et calculée à partir du nombre de parlementaires et en fonction du résultat des législatives de 2012.
Sur la base de ces deux critères, Sylvia Pinel disposera d’un budget de 1 588 784,01 euros.
A cela s’ajoute des sommes versées par le PS. Plusieurs centaines milliers d’euros. Entre 400 et 800 000 euros.
Enfin, pour être complet, il faut ajouter les aides « indirectes » ou en « nature » dont bénéficie le parti. Les élus versent une contribution et ils mettent à disposition des assistants parlementaires. Cette dernière pratique est fréquente dans les partis. Mais elle peut poser des questions juridiques. Cette semaine, la justice a mené des perquisitions dans les locaux du Front National. Des assistants parlementaires sont soupçonnés de travailler exclusivement pour le parti de Marine Le Pen sur les deniers du Parlement Européen.
De l’argent. Des permanents. Des élus. Sylvia Pinel est désormais la patronne d’une vraie « place forte ».
Mais la nouvelle présidente va-t-elle être la « vraie » présidente du PRG ?
Une « vraie-fausse » présidence Pinel ?
Sylvia Pinel n’est pas « bombardée » à la tête du PRG. Elle est adoubée depuis des années par Jean-Michel Baylet. La députée du Tarn-et-Garonne (1ère vice-présidente à la Région) connait les méandres du parti et pratique les arcanes radicales depuis 14 ans. L’ex-ministre est multipositionnée dans l’organigramme PRG : 1ère vice-présidente, comité exécutif, commission des finances, présidente du cercle tarn-et-garonnais « Moissac-Castelsarasin ».
Dans 6 mois, à la fin de son interim, Sylvia Pinel sera, sans surprise, élue à la présidence du parti. Son expérience, l’appui de la figure historique du PRG, Jean-Michel Baylet, devraient lui assurer une maitrise de l’appareil. Sur le papier, cela semble évident. Sylvia Pinel connait les codes et les réseaux du parti. Mais, dans les faits, le véritable président risque de rester…Jean-Michel Baylet.
Un cadre du PRG estime que le parti restera entre les mains de Jean-Michel Baylet : » Nous sommes le dernier parti de France a pratiqué le centralisme démocratique (NDRL référence à la conception léniniste de l’organisation du parti communiste). Les opposants ont la velleité d’en découdre mais Baylet arrive leur met deux bouffes et c’est réglé ».
Un fin connaisseur des radicaux de gauche ajoute : « Jean-Michel Baylet est le propriétaire du parti. Tout est tenu par Jean-Michel. L’élection de Sylvia ne changera rien. C’est Jean-Michel qui va rester le président par procuration ».
Laurent Dubois (@laurentdub)