Mercredi 18 novembre, Philippe Saurel a présenté à la presse un sondage. Mais c’est un drôle de « sondage ». Aucun détail sur l’échantillon et la méthode. Un institut toulousain totalement inconnu. D’après un « vrai » sondeur : « méfiance absolue, c’est ubuesque ».
Face à la presse, Philippe Saurel a décliné une série de chiffres. Ils portent sur les intentions de vote au 1er tour des Régionales. L’étude a été réalisée par Elysées Consulting.
Problème : le « sondeur » est totalement inconnu.
Son site indique : « Etudes en Marketing & Conseils ». Le cabinet est composé d’une économiste, d’un ingénieur en génie civil, d’une spécialiste de psychologie génétique et d’une fondatrice associée « à la retraite mais qui reste disponible ».
Un sondeur (appartenant à un grand institut) n’a jamais entendu parler d’Elysées Consulting. Un autre, contacté par SMS, réagit immédiatement : « c’est qui ? C’est quoi ? ». Un dernier déclare : « sans doute bidon la dénomination le montre »
La profession de sondeur n’est pas réglementée. A la différence des avocats ou des médecins, il n’est pas nécessaire d’appartenir à un ordre pour exercer. Mais il existe, de fait, une liste des instituts de sondage ayant pignon sur rue et dont les études sont reconnues. Elysées Consulting n’est pas du tout référencé.
Sur son site, le cabinet évoque ses activités (études qualitatives, quantitatives et sémiologie) et son champ d’intervention (alimentaire, hygiène et cosmétique, presse, politique…). Le profil n’est pas vraiment celui de l’IFOP, de la Sofres, d’Opinionways ou CSA Opinion.
On peut toujours considérer qu’Elysées Consulting est un petit nouveau. Un novice qui va se faire une place dans l’univers des sondeurs. Problème. C’est mal parti. Les règles élémentaires du métier ne sont pas respectées.
Un sondage doit toujours être accompagné d’une fiche technique. Une fiche indiquant : la taille de l’échantillon, les dates de réalisation, la méthode utilisée. Le «vrai-faux » sondage de Philippe Saurel indique seulement l’échantillon (1006 personnes) et la « méthode » (Sondage réalisé sur internet).
Pour un sondeur, « c’est grotesque. C’est bon pour être mis à la poubelle. Quand nous réalisons un sondage, nous déposons en parallèle un dossier devant la Commission des Sondages (NDLR : autorité de régulation et de contrôle) et dans lequel est mentionné le brut, la méthode, les techniques de redressement ».
Pour un autre professionnel des sondages, c’est clair : « il n’y a aucun calibre de redressement. On ne sait pas comment l’échantillon est composé. Il peut être vérolé. 1006 personnes ce sont peut être 1006 copains qui cliquent sur internet ».
Un sondeur qui travaille actuellement sur les Régionales éclate de rire : « c’est la bonne vieille intox avec une boîte amie. Ce n’est pas nouveau. Mais c’est bien fait. Les chiffres ne sont pas d’une aberration absolue. 30 % pour Aliot, c’est vraiment la fourchette haute. Mais cela reste crédible ».
La « supercherie » est tellement crédible que deux medias ont repris le « vrai-faux » sondage. En revanche, du côté de Philippe Saurel, question crédibilité c’est raté. Le personnage ne manque pas de charisme et de talent. Mais, un tel faux pas est tout simplement incroyable.
Un vrai sondage, réalisé par un vrai institut, va être publié demain, jeudi 19 novembre.
Dans cette étude, publiée par l’hebdomadaire Paris Match, Philippe Saurel obtient 6% d’intentions de vote. Pour 3 petits points (le « sondage » Elysées Consulting donne 9,9 % à Philippe Saurel), le leader des Citoyens du Midi s’est lancé dans une stupéfiante histoire. Une histoire qui fait tâche.
Laurent Dubois