Les sondages n’ont pas bonne presse. Tous les médias les reprennent ou les achètent. Tous les candidats sont suspendus aux chiffres et attendent fébrilement leur publication. Mais, dans le même temps, les études d’opinions sont régulièrement clouées au pilori. Leur manque de fiabilité est régulièrement mis sur la sellette. Mais cette critique est la face publique du « procès ». En coulisse, dans les états-majors politiques, c’est l’instrumentalisation des sondages qui fait, fréquemment, polémique. Les Régionales 2015 ne font pas exception. Petit coup de projecteur sur la face sombre des sondages.
Des sondages bidonnés. Des scores injustifiables et incompréhensibles. Des échantillons téléguidés et destinés à obtenir la réponse souhaitée. Ces commentaires ne se font jamais face caméra ou en ON. Ces propos sont réservés aux confidences téléphoniques ou aux conversations en tête à tête. Ils se font entre « initiés » loin des (chastes) oreilles du grand public.
Philippe Saurel a publiquement mis en cause un sondage qu’il attribuait au PS. Les piques se sont affichées sur Twitter. En revanche, comme ses autres « camarades », Philippe Saurel n’a jamais brisé un tabou : les doutes et les accusations qui entourent quasi-systématiquement chaque sondage. Tout cela se fait en OFF.
Il y a une part de paranoïa et d’hystérie dans les soupçons de manipulation. Les instituts de sondage sont des professionnels. Dans le passé, on a connu des politiques qui achetaient des salles avec public. Mais il est totalement improbable qu’un sondage soit trafiqué avec des faux chiffres. La tension de la campagne, la fatigue et la nervosité peuvent rendre excessif et irréaliste.
On ne compte plus les remarques « sauvages » du genre : « on ne me fera pas croire que X ou Y peut faire 10 points ». Mais l’industrie des sondages est une industrie trop rémunératrice pour que le sondeur se comporte en « magouilleurs » à la solde du meilleur payeur. Le milieu est extrêment concurrentiel. Le premier qui brise la déontologie le paye « cash » par une mise hors jeu.
Chaque sondeur a ses clients privilégiés. Des clients VIP avec qui il entretient des relations commerciales suivies. Dans notre république, on bourre encore des urnes (et pas uniquement en Corse). Dans certaines élections, on téléguide des listes pour les mettre dans les « pattes » de l’adversaire. Mais on ne connait pas d’institut de sondage « corsaire » qui bidouille ses études.
Bref, les chiffres sont (toujours) vrais.
En revanche, certaines ficelles permettent d’orienter un sondage.
La plus simple est de jouer sur la liste des candidats testés.
Ainsi, pour faire baisser un concurrent, il suffit d’intégrer des listes « parallèles ». Des listes parallèles et « fictives » car elles ne seront jamais présentes sur la ligne de départ le jour du scrutin.
Le but est de faire baisser le concurrent.
Le sondeur peut éventuellement discuter l’opportunité d’intégrer un « petit candidat » dont le sérieux de la candidature n’est pas avéré . Mais le client est « roi ». Il peut dépenser son argent pour faire tester une liste « fantoche » dont la seule vocation est d’affaiblir Monsieur X ou Madame Y.
La méthode du sondage reste scientifique.
La taille de l’échantillon et la collecte se font dans les « règles de l’art ». Mais la représentativité du sondage est volontairement biaisée. Si, demain, on teste la candidature du Général de Gaulle aux Régionales on obtiendra sérieusement une réponse à une question absurde.
Pour un commanditaire qui veut émietter l’électorat de droite, la fin justifie le moyen. Peu importe l’absurdité du test, il faut simplement que des sondés se portent sur le Général de Gaulle.
Evidemment l’exemple du Général est caricatural. De manière plus réaliste, on pourrait imaginer une liste écologiste et citoyenne qui vient concurrencer une autre (vraie-fausse) liste écologiste et citoyenne. Pour un parti comme le PS, cela permettrait d’affaiblir le score de son concurrent de gauche.
Evidemment, c’est de la pure politique fiction. D’ailleurs, le dernier sondage publié n’a pas été commandé par le parti socialiste. Il a été acheté par le groupe de presse de Jean-Michel Baylet.
En toute hypothèse, ce petit jeu n’est pas sérieux. Comme le soulignait l’ancien patron de CSA Opinion, Stéphane Rozès, dans un de nos précédents articles, les sondages n’influencent pas l’électorat.
Autant d’effort et d’argent pour, au final, que les lignes ne bougent pas. C’est cher payé. Sans parler d’une facture autrement onéreuse : le respect des électeurs.
Laurent Dubois