Remue méninges dans le ménage UMP-UDI. La droite et le centre ont désigné, samedi dernier, leur tête de liste pour les régionales. Dominique Reynié a été élu par des grands électeurs réunis à Sète. Depuis cette investiture, les cerveaux s’échauffent. Interrogations et spéculations circulent. Le scrutin était-il plié d’avance ? Dominique Reynié est-il le candidat de Nicolas Sarkozy ? Des accusations et de forts soupçons agitent également les esprits. Jean-Luc Moudenc est pointé du doigt. Il aurait orchestré une vraie-fausse élection. Tour d’horizon et révélations autour d’un « psychodrame ».
Une élection tronquée et « truquée ».
Lundi matin, 48 heures après le vote de Sète, un responsable de l’UMP fait ses calculs. Il vient de recevoir les résultats d’un scrutin auquel il n’a pas personnellement participé : « je regarde les chiffres et franchement la messe était dite avant. C’est impossible autrement. Reynié fait un excellent score dès le 1er tour, largement devant Bernard Carayon (maire UMP de Lavaur) et Philippe Bonnecarrère (sénateur du Tarn). S’il (Dominique Reynié) s’imposait au 2nd au 3eme tour, on peut comprendre. Mais là, c’est pas possible ».
Un participant, qui a voté Reynié, pense la même chose : « bien sur, c’était plié avant ». Du côté des perdants et des déçus, l’accusation d’une élection truquée est compréhensible. Il s’agit d’habiller la défaite en criant à la machination. En revanche, un aveu de la part des soutiens à Dominique Reynié est plus troublant. Certains « Pro-Reynié » nient catégoriquement. C’est le cas du sénateur UDI, Pierre Médevielle ou de Jacques Thouroude (conseiller régional UMP). Ils sont dans leur rôle. Reconnaître un « ficelage » du scrutin revient à avouer l’inavouable : le vote de Sète est une mascarade.
Au delà des postures et des (éventuelles) impostures, des faits s’imposent. Le scrutin de samedi comprenait 4 tours. Au 1er tour, Philippe Bonnecarrère obtient 5 voix, Bernard Carayon 5 et Stephan Rossignol draine 7 suffrages. De son côté, Dominique Reynié récolte 12 votes. Comme le souligne, un responsable du centre : « on ne fera pas croire que c’est l’exposé oral qui a précédé le vote qui l’a propulsé aussi fort et aussi haut ». Un autre élu UMP rajoute : « l’exposé de Reynié n’était pas très bon. Il a lu son texte sur un ton monocorde. Il n’était pas à l’aise. Le fond y était pas la forme. Philippe Calleja (conseiller régional UMP) ou Carayon ont été plus percutants ».
Un score surprenant et « impressionnant » (plus du double de celui des « favoris ») pour certains, le « crime » est signé. Comme le dit, un participant au conclave de Sète : « on a inventé une procédure pour éviter que Paris impose son candidat et on se retrouve avec une candidature téléphonée par Paris ». L’ombre de Nicolas Sarkozy plane sur le scrutin.
Dominique Reynié, le candidat de Sarko ?
Le soir des résultats, contrairement à la version officielle, c’est une surprise. Comme le souligne Stéphan Rossignol (maire UMP de la Grande-Motte), « les élus que j’ai rencontré pendant ma campagne me disaient que Reynié n’avait aucune chance et on en n’en parlait pas ». Même son de cloche du côté d’une élue UMP : « Reynié était une simple option ». Pour un autre protagoniste, c’est évident :
« Sarkozy a téléphoné aux parlementaires. Deux choses expliquent la victoire de Reynié : Sarko et les gros réseaux « associatifs » de Dominique Reynié ».
Deux personnalités démentent catégoriquement cette version des faits. Bernard Carayon affirme : « c’était moi le candidat de Sarko ». De son côté, Alain Marleix est clair :
« Nicolas Sarkozy n’est pas intervenu, je suis formel ».
L’ancien ministre UMP et vice-président de la Commission Nationale des Investitures précise : « les aveyronnais étaient très dans le coup, Luche (président du conseil départemental) et Marc (député de l’Aveyron), Censi (député de l’Aveyron). Mais Sarkozy ne s’est absolument pas mêlé de cela ».
Alain Marleix rejette l’hypothèse d’une intervention de Nicolas Sarkozy. Mais il avance une autre explication :
« ils se sont tous auto-flingués ».
C’est possible. Visiblement, Stephan Rossignol suscitait un vrai rejet du côté du Languedoc. Sa conquête (à la hussarde) de la maire de la Grande-Motte aurait laissé des traces à l’UMP. De son côté, Bernard Carayon ne soulevait d’enthousiasme. Dans ce jeu de massacre entre « amis », il faudrait ajouter une scène. A Sète, entre le 3eme et le 4eme tour, les représentants de l’UMP se sont réunis. Jean-Pierre Grand (sénateur de l’Hérault) a haussé le ton pour barrer la route à Dominique Reynié. Ce coup de gueule aurait fini de « tuer » les chances de Bernard Carayon. Les électeurs UMP n’ont pas apprécié la méthode.
En fait, Dominique Reynié serait l’heureux bénéficiaire d’un vide politique. Comme le dit, un protagoniste, « je ne dis pas que Reynié a été élu par défaut mais franchement il n’y avait personne. Certains grands électeurs étaient anti-système et heureux de renvoyer dos à dos les partis. Du côté de Bonnecarrère, c’était encore plus simple. Dès le début, Sarko a dit que la tête de liste ne pouvait pas aller à l’UDI. Il était hors-jeu dès le départ ce qui favorisait, de fait, Dominique Reynié ».
Cette analyse est convaincante. Mais elle se heurte à des points d’ombre.
Dominique Reynié reconnaît avoir rencontré Nicolas Sarkozy. Il aurait alors obtenu une garantie : une investiture des instances nationales en cas de désignation par les élus régionaux. En contrepartie, le politologue se serait engagé à prendre la carte de l’UMP.
Cet accord « Sarko-Reynié » est un accord a minima.
Le politologue se serait donc lancé dans une aventure « aventureuse » sans véritable garantie. Ce n’est pas crédible.
Dominique Reynié a financé et organisé un sondage de notoriété. Il a pris des billets d’avion et louer des voitures. Tout cela constitue un vrai budget. Le professeur à Sciences Po et chroniqueur sur France 5 a probablement de solides revenus et une vraie passion pour les vignes de Cahors et les salins de Gruissan. Néanmoins, le temps et l’argent sont des denrées rares. On les jette rarement par les fenêtres. Comme le prétend un électeur de Sète, « Dominique Reynié ne s’est pas lancé sans de solides garanties ». Cela semble évident.
Question. Si elles ne viennent pas de Nicolas Sarkozy, qui les a fourni ? Certains pointent du doigt Jean-Luc Moudenc. Ce soupçon entame l’autorité (morale) du maire de Toulouse.
Jean-Luc Moudenc sur la sellette.
« Jean-Luc Moudenc devait rester neutre. Il est devenu le chef d’orchestre d’une élection préparée. On n’a pas vu venir les choses. Franchement, on a été des bleus. Je dis bravo les artistes. Mais on aurait pu nous épargner de faire campagne ».
Ce coup de gueule est un véritable réquisitoire. Certains candidats ont le sentiment d’avoir été bernés.
Ils ne remettent pas (forcément) en cause le résultat. Mais ils désapprouvent (franchement) la méthode. La procédure inventée par le maire de Toulouse devait garantir une égalité des chances et une transparence. L’impression finale est celle d’une vraie-fausse élection.
Aucun des protagonistes (candidats malheureux, ralliés au politologue et membres de la commission électorale) n’accuse directement Jean-Luc Moudenc d’avoir faire élire Dominique Reynié. Néanmoins, à l’UDI comme à l’UMP, certaines voix évoquent un sentiment de trahison. Du côté des languedociens, c’est un sentiment de déception : « on a cru en l’autorité de Jean-Luc Moudenc, nous sommes déçus ».
Le vote de samedi a fait un vainqueur mais aussi un « perdant ». Dominique Reynié a décroché régionalement une tête de liste qui va devoir être validée nationalement. Mais, à l’UMP et à l’UDI, certains souhaitent que, désormais, Jean-Luc Moudenc se concentre uniquement sur Toulouse et se consacre exclusivement à son mandat municipal. Après des départementales ratées, Jean-Luc Moudenc a loupé la première étape des régionales.
Seule une belle réussite en décembre prochain pourrait effacer l’épisode de Sète.
Laurent Dubois