09 Avr

Chute de Jean-Michel Baylet : 3 questions et 3 réponses

S+1. La semaine dernière, Jean-Michel Baylet a perdu son fief. Pour éviter une défaite, il a choisi la retraite. Faute de majorité, il a abandonné un fauteuil qu’il occupait depuis 1985. Le 2 avril, c’est un nouveau président, Christian Astruc, qui s’installe dans l’ancien bureau de Jean-Michel Baylet. Retour sur cette fin de règne. Perspective sur le début d’une ère politique nouvelle. Un retour, une perspective qui s’articulent autour de 3 questions et de 3 réponses.

Jean-Michel Baylet

Jean-Michel Baylet

Question 1 : Brigitte Barèges voulait-elle le fauteuil de Jean-Michel Baylet ?

Réponse : NON

Le soir du 2nd tour, les soutiens de Jean-Michel Baylet jubilent. Pour la maire de Montauban, ce n’est pas le grand « Chelem ». Elle est confortablement élue sur le canton 3 de sa ville. En revanche, la gauche réussit à maintenir ses positions. Brigitte Barèges remporte 5 cantons sur l’ensemble du département. Pour le 3ème tour (l’élection du président), elle dispose de 10 voix. La majorité absolue est fixée à 16. Le camp Baylet fait immédiatement les comptes. L’addition est simple et, selon eux, fatale à Brigitte Barèges. Pour la députée (PS) Valérie Rabault, la maire de Montauban a perdu. Elle est incapable de devenir présidente du département. Son annonce du dimanche soir ( « je ne briguerai pas la présidence ») est un aveu d’échec.

En réalité, Brigitte Barèges n’a jamais eu l’intention de prendre le fauteuil de Jean-Michel Baylet. Un meilleur score, le soir du 2nd tour, renforçait sa stratégie : faire élire un  lieutenant (Pierre Mardegan) ou jouer les « faiseuses de Roi » en offrant, sur un plateau, une victoire à un (r)allié de circonstance. Mais, même avec une majorité en poche, la maire de Montauban ne souhaitait pas quitter l’Hôtel de Ville.  Évidement, Brigitte Barèges voulait la tête de Jean-Michel Baylet. Mais le remplacer supposait et imposait de quitter la mairie et la présidence de la Communauté d’Agglomération. L’interdiction de cumuler la présidence de deux exécutifs locaux est imparable, incontournable.

Brigitte Barèges est une femme de pouvoir. Elle ne manque ni d’autorité, ni d’ambition. Si la loi sur le cumul n’existait pas, elle aurait probablement voulu mettre dans son escarcelle la mairie et le département. Mais les textes sont les textes. Contrainte à un choix, Brigitte Barèges sait, dès le début, que la présidence n’est pas pour elle. En terme tactique, c’est bien joué. En quittant la scène, la nouvelle conseillère départementale évite de transformer le 3ème tour en duel frontal « Barèges-Baylet ». Cela permet de rallier des soutiens qui sont anti-Baylet mais par forcément pro-Baréges.

Question 2 : Jean-Michel Baylet victime d’un complot ?

Réponse : NON et OUI

« Le Tarn-et-Garonne est en train de devenir la capitale de tous les complots et de toutes les trahisons« . Pour Jean-Michel Baylet, sa chute est liée à de coups de couteaux dans le dos. En septembre dernier, au moment de la perte de son siège de sénateur, le patron du PRG employait les mêmes mots pour désigner un même Mal : la trahison de son propre camp. A l’époque, il visait les socialistes. Une chose est certaine. S’agissant du PS, le soutien a été sans faille. Mardi (deux jours avant le 3ème tour), lors d’une réunion à la Fédération du PS, une candidature socialiste a été brièvement envisagée. Mais c’était face à un sentiment d’échec programmé (notamment du au manque de combattivité et de réactivé de Jean-Michel Baylet) et l’hypothèse a été rapidement écartée. Malgré les aigreurs et les rancœurs, les socialistes ont été loyaux. La preuve par les chiffres. Les 4 voix PS n’ont jamais défaut tout au long des 3 scrutins du jeudi fatidique (élection du président, des vice-présidents et de la Commission Permanente). Elles se sont agrégées aux 8 voix du PRG. Au delà de l’arithmétique, une socialiste a fait des kilomètres et passé des heures en négociation. La députée, Valerie Rabault a été très active en coulisses. Malgré un (lourd) contentieux remontant aux municipales, la 1ère fédérale du département a été d’une loyauté sans faille. Une loyauté largement alimentée par une hargne contre Brigitte Baréges. Mais, au final, le PS n’a pas poignardé Jean-Michel Baylet. Bien au contraire.

Cela dit, des « Brutus » ont bien œuvré dans l’ombre. Le maire de Castelsarrasin, Jean-Philippe Bésiers a notamment précipité la chute de Jean-Michel Baylet. C’est la découverte de son double jeu qui, quelques minutes avant le 3ème tour, a conduit, jeudi matin, au retrait de Jean-Michel Baylet. Pendant toute la semaine, Jean-Philipe Bésiers avance « en sous-marin » et donne des gages. Mais, mercredi matin, il se sait démasqué et il finit, le lendemain, par avouer à l’intéressé qu’il ne votera jamais pour lui. Ce revirement (non anticipé par Jean-Michel Baylet) s’explique par une longue brouille. Au moment des municipales, Jean-Michel Baylet a placé, de manière autoritaire, Sylvia Pinel sur la route de Jean-Philippe Bésiers. Ce « délit » de favoritisme vire au « drame familial » et se termine mal. Sylvia Pinel est battu par un autre radical : Jean-Philippe Bésiers. Cet embrouillamini a laissé des traces profondes. Même dans le camp Baylet, on reconnaît que le « patron » n’aurait jamais dû agir de la sorte. Le 2 avril 2015, c’est le temps des règlements compte. Ils se paient cash.

Question 3 : Christian Astruc est-il entre les mains de Brigitte Barèges ?

Réponse : NON mais

Brigitte Barèges ne voulait pas devenir présidente à la place du président sortant. Mais attention. La maire de Montauban a envie de prendre les rênes du département.  Elle y travaille même ardemment. Une 1ère vice-présidence, une commission des finances et du personnel, les délégations de signature, permettent d’exercer le vrai pouvoir. Seul problème, une fois élu président, c’est Christian Astruc qui distribue les cartes. A ses côtés, l’artisan de sa victoire (Yvon Collin) veille aux grains. Pour la 1ère vice-présidence, c’est loupé. Le « bâton de Maréchal » revient à une proche du nouveau président. A gauche, cette attribution est analysée comme un premier signe d’indépendance.

Il reste le levier du budget, du personnel et les fameuses délégations. Ce week-end, dans les tribunes d’un match de Rugby, les échanges entre Brigitte Barèges et Christian Astruc ont été vifs. Le nouveau président fait l’objet de sollicitations pressantes et pesantes. Christian Astruc a été élu grâce aux voix de Brigitte Barèges. Mais il n’entend pas devenir un président de paille. A demi-mots, par des silences appuyés ou des réponses évasives, on comprend clairement que le mot d’ordre est : cordon sanitaire.

La justice pourrait apporter une réponse à cette préoccupation.

Brigitte Barèges est sous le coup d’une inéligibilité assortie d’une démission d’office.

C’est la solution idéale pour Christian Astruc. Si Brigitte Barèges ne peut plus siéger au conseil départemental, il est « libéré ». Pour lui, c’est objectivement une bonne nouvelle. Plus besoin de cohabiter, sous le même toit, avec une élue qui sait se faire entendre et occuper le terrain. De plus, cela peut permettre au nouveau président d’élargir sa majorité. Le PS refuse de le rejoindre tant que Brigitte Barèges est dans les parages. Le Conseil d’État (en statuant en appel sur la condamnation du Tribunal Administratif de Toulouse) tient, dans ses mains, l’avenir politique de Christian Astruc.

Seul problème, encore faut-il que Brigitte Baréges soit condamnée (1er point) et qu’elle perde tous ses mandats (2nd point déterminant). Ce dernier aspect juridico-juridique occupe tous les esprits. Valerie Rabault, après consultation (informelle) du Conseil d’Etat affirme que seul le mandat municipal est dans la balance. Brigitte Barèges, au contraire, prétend qu’elle risque de perdre son mandat municipal et son mandat départemental.

Évidemment, cette question est hautement stratégique. Un repli de Brigitte Barèges sur le conseil départemental (suite à sa démission d’office de la mairie) mettrait en danger Christian Astruc. Surtout s’il est convaincu qu’il peut céder, sans conséquence, aux demandes de Brigitte Barèges. On peut toujours offrir un ticket gagnant à un « mourant ». Il remporte le gros lot. Mais Il ne pourra jamais l’empocher. Comme par hasard, c’est la version « perte de tous les mandats » que Brigitte Barèges et son entourage défendent auprès de Christian Astruc. C’est peut être vrai. Mais ce n’est certainement pas innocent.

Intox. Manipulation et jeu de billard à plusieurs bandes sont toujours d’actualité dans le Tarn-et-Garonne

Laurent Dubois