Le conseil constitutionnel a annulé l’élection de Joël Aviragnet. En cause, des votes douteux et des signatures irrégulières mais également l’incroyable absence de liste d’émargement dans une commune.
Le PS vient de perdre son dernier siège en Haute-Garonne. C’est peut-être provisoire. Joël Aviragnet n’est plus député suite à l’annulation de son élection. Mais il est candidat à sa propre succession. Dans maximum 3 mois, probablement en février, une nouveau scrutin va être organisé. A peine le couperet tombé, Joël Aviragnet est reparti en campagne. Une campagne qui s’annonce intense.
Pour le PS la reconquête du siège perdu est une priorité absolue. La 8ème circonscription de la Haute-Garonne est la terre d’élection de la présidente socialiste de la Région Occitanie, Carole Delga. En juin dernier, pendant la campagne des législatives, le conseil départemental présidé par le PS et la fédération socialiste se sont fortement mobilisés. Après la décision du conseil constitutionnel et le choc d’une annulation de l’élection de Joël Aviragnet, l’appareil socialiste va, plus que jamais monter au front. Il s’agit de laver un véritable affront.
L’incroyable absence de liste d’émargement dans la commune de Gensac-de-Boulogne
En effet, la décision du conseil constitutionnel sanctionne l’incroyable « erreur » commise dans une commune. Une commune dont le maire (de gauche) est, comme l’atteste une vidéo en ligne sur le site de la municipalité, un proche de Joël Aviragnet. Le maire en question n’a pas transmis à la préfecture la liste d’émargement. Daniel Sabathé plaide sa bonne foi et récuse toute « tricherie ». Mais, pour le conseil constitutionnel, les faits sont les faits et le juge électoral en tire les conséquences juridiques.
Le bureau de vote de la commune de Gensac-de-Boulogne, dans lequel 124 électeurs sont inscrits et où 64 votes auraient été exprimés au second tour, n’avait pas transmis la liste d’émargement à la préfecture à l’issue du scrutin, mais seulement un document qualifié d’« interne » sur lequel les membres du bureau de vote relevaient les noms des électeurs ayant voté. Cette absence de production de la liste d’émargement rendait impossible le contrôle par le juge électoral de la régularité des opérations électorales, notamment la vérification du nombre de suffrages exprimés par rapport au nombre d’électeurs inscrits.
Le conseil constitutionnel n’a pas pu vérifier si les votes sur la commune sont réguliers. L’absence de liste d’émargement interdit de vérifier si les bulletins déposés dans l’urne ne sont pas plus nombreux que les signatures des votants. Autrement dit, le juge électoral n’est pas certain que les urnes n’ont pas été « bourrées ». Dans le doute, il « retire » les votes qui se déroulés à Gensac-de-Boulogne.
C’est cette « soustraction » qui coûte son siège à Joël Aviragnet. Sur l’ensemble de la circonscription, l’écart de voix entre le socialiste et son concurrent de La République En Marche, Michel Monsarrat est faible. Il est encore plus étroit après l’annulation des votes sur la commune de Gensac-de-Boulogne. D’autres irrégularités, dans d’autres bureaux de vote, sont soulevées par le conseil constitutionnel. Elles pèsent moins dans la balance. Mais elles existent. Des signatures sont déclarées irrégulières.
15 « vrais-faux » votes
Le conseil constitutionnel vise une disposition du Code Electoral et rappelle un principe :
Seule la signature personnelle d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin
Le problème dans l’affaire Aviragnet est que des signatures sont déclarées irrégulières. Autrement dit, le juge électoral estime que 15 votes ne correspondent pas à de vrais votes puisque les signatures ne sont pas régulières. Un spécialiste de droit électoral estime que ce n’est pas forcément synonyme de fraude. Selon ce juriste, il est fréquent que des personnes changent leur signature. Mais, pour le conseil constitutionnel, il ressort de l’instruction du dossier que des électeurs ne vont pas voter alors que leur signature figure dans la liste d’émargement.
La décision du conseil constitutionnel est lourde de sens. Elle signifie que des signatures ont pu être falsifiées. Seule une enquête pénale pourrait préciser la réalité de cette fraude éventuelle. Il est, d’ailleurs, possible que le parquet décide d’ouvrir une enquête préliminaire. Le constitutionnel intervient en tant que juge électoral. Il se contente de relever un problème de signatures et de sanctionner une élection irrégulière.
Seule la justice pénale permettrait de lever les doutes.
Laurent Dubois (@laurentdub)