10 Nov

Jean Jaurès, ce symbole que les candidats aux élections régionales se disputent

Depuis quelques années, les hommes et femmes politiques nationaux ou régionaux se disputent (de nouveau) l’héritage de Jean Jaurès. Les élections régionales 2015 n’échappent pas à la règle.

Philippe Saurel et ses colistiers à Carmaux (Photo : Rémy Gabalda / AFP)

Philippe Saurel et ses colistiers à Carmaux (Photo : Rémy Gabalda / AFP)

Philippe Saurel, le maire de Montpellier et candidat « Citoyens du midi » aux élections régionales, était à Carmaux (Tarn) ce mardi 10 novembre pour lancer officiellement une campagne déjà bien entamée en compagnie de ses colistiers. Carmaux… Un hasard ? Certainement pas. Le maire de Montpellier a choisi la commune de Jean Jaurès, celle dont le héros socialiste fut le député, celle de ses batailles homériques en faveur des mineurs.

Socialiste ? Philippe Saurel, qui a été exclu du PS, a sa propre vision du socialisme : « Je ne suis pas animé ni par la vengeance, ni par la haine, ni par la jalousie. C’est la volonté d’affirmer que le socialisme c’est une chose et que le parti socialiste en est une autre ». D’ailleurs l’intéressé se revendique de Jaurès (et de quelques autres) mais pas du socialisme dans son propre ouvrage : « Je suis un tiers issu de Jaurès, un tiers bonapartiste et le dernier tiers anarchiste, écrit-il dans « Réparer la République » (éditions Privat). Pour Jaurès, Philippe Saurel retient « l’humanisme et l’esprit de coopérative ». Plus Jaurésien au sens historique, que socialiste au sens actuel. Il n’est pas le premier dans ce cas.

VIDEO / le reportage à Carmaux de France 3 Tarn :


L’exemple le plus frappant ces dernières années, c’est celui de Nicolas Sarkozy en 2007. Lors de la campagne de l’élection présidentielle face à Ségolène Royal, le futur chef de l’Etat revendique l’héritage de Jean Jaurès: « Quand Jaurès parle du travail dont la gauche ne parle plus, quand Jaurès propose une politique de l’éducation qui est le contraire de ce que la gauche prône depuis 40 ans, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas parler de Jaurès pour dire à la gauche pourquoi avez-vous oublier ce grand homme ? »

Nicolas Sarkozy donc, une partie de la droite également dans son sillage mais aussi le Front National se sont successivement attribués l’héritage du célèbre Tarnais. Le Front National, cela peut surprendre. Mais Louis Aliot, le tête de liste en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, se défend de tout pillage des idées ou du symbole de Jean-Jaurès. « Jaurès appartient à tout le monde, expliquait-il à Carmaux le 18 avril dernier lors du lancement de sa caravane des oubliés de la ruralité. Il appartient à l’histoire de France, et il n’appartient pas qu’à un parti politique, qu’à une famille politique, surtout lorsqu’on sait que cette famille politique, la gauche, a conduit la France au désastre (…) Nous ne sommes pas là pour piller une mémoire, accaparer un symbole, mais pour défendre des idées« .

Louis Aliot (FN) devant la statue de Jaurès à Carmaux le 18 octobre.

Louis Aliot (FN) devant la statue de Jaurès à Carmaux le 18 octobre (Photo : Rémy Gabalda / AFP)

Les idées de Jaurès défendues par le FN ? Cela fait bondir la candidate socialiste Carole Delga. Le même jour que Louis Aliot, elle était à quelques kilomètres de là, à la fête de la rose du Tarn, dénonçant une « obscénité« . « Je veux dire ici, solennellement, avait-elle expliqué, que si Jean Jaurès appartient à la France, il y a quand même une obscénité particulière à ce que ceux qui l’ont tué trois fois viennent ici à Carmaux revendiquer son héritageIls falsifient l’histoire sur les lieux même où il l’avait écriteMettre Jean Jaurès, l’homme de paix par excellence, à la devanture de cette petite boutique familiale de haine est pour moi, pour nous, une obscénité« . 

Carole Delga dans le Tarn en septembre (Photo : Rémy Gabalda / AFP)

Carole Delga dans le Tarn en septembre (Photo : Rémy Gabalda / AFP)

N’en déplaise à ces candidats, la dispute porte aujourd’hui davantage sur le symbole que sur les idées. Se revendiquer de Jaurès c’est vouloir se rapprocher des ouvriers quand les politiques se voient reprocher de ne s’intéresser qu’aux élites. Se revendiquer de Jaurès, c’est aussi un moyen d’affaiblir le camp adverse, de provoquer une réaction, d’avoir la main sur l’agenda de la campagne.

Mais une chose est sûre. L’élection des 6 et 13 décembre prochain ne se jouera pas sur ces idées ou même sur ces quelques mètre carrés autour de la statue du « commandeur » au centre-ville de Carmaux. La figure tutélaire ne pourra pas protéger tous les candidats des foudres du suffrage universel.

Fabrice Valéry