01 Juil

« L’amer de Toulouse », « Un si grand Saurel » : ces comptes parodiques qui veulent pimenter la campagne des municipales à Toulouse, Montpellier, Lavaur…

On a connu par le passé des journaux ou des blogs satiriques qui ont mis du sel dans les campagnes électorales locales. La campagne des municipales 2020 s’annonce piquante grâce à quelques comptes sur Twitter qui ne ménagent pas les candidats (et surtout les maires sortants de Toulouse et Montpellier).

Photo : F. Sommer / MaxPPP

Ils se nomment « L’amer de Toulouse » en référence au maire LR de Toulouse Jean-Luc Moudenc, « Un si grand Saurel », jeu de mots entre la série de France 2 tournée à Montpellier et le maire de la deuxième ville d’Occitanie, ou encore « Bernard Racayon », anagramme sans ambiguïté du nom du maire LR de Lavaur (Tarn) Bernard Carayon…

Tous ont fait leur apparition sur le réseau social Twitter ces derniers mois, voire ces dernières semaines. Avec en ligne de mire les municipales de mars 2020…

Tous sont anonymes mais n’ont pas forcément le même objectif. On a essayé d’en savoir un peu plus.

« L’amer de Toulouse » : dans la tête de Jean-Luc Moudenc

De tous, c’est sans doute le compte le plus caustique. Il fait parler Jean-Luc Moudenc à la première personne et lui prête des propos qu’il ne tiendra jamais. C’est le jeu de la satire. D’ailleurs le profil du compte sur Twitter affiche clairement la couleur : « Compte parodique qui dit à voix haute ce que personne n’oserait penser ». 

Qui se cache derrière ce compte, suivi, entre autres, sur Twitter par… le propre directeur de cabinet du (vrai) maire de Toulouse ?

Je suis lui en-dedans de sa tête »

Nous sommes un petit groupe de citoyens toulousains et non-toulousains, précise notre contact. Nous avons accès à un bon nombre d’informations sur les pratiques politiques, les mensonges, les alliances, qui permettent de mieux comprendre les comportements des uns et des autres ».

Etre « en dedans de (la) tête » de Jean-Luc Moudenc, c’est bien pratique pour sulfater bien comme il faut ses adversaires politiques et rappeler au passage quelques vérités sur ses alliés, passés, actuels ou futurs.

Parmi les cibles favorites de « L’amer de Toulouse », Sophie Iborra, fille de la députée LREM (ex-PS) Monique Iborra et dont le compte parodique dénonce régulièrement le rapprochement avec Jean-Luc Moudenc en vue des prochaines municipales.

D’autres élus locaux prennent régulièrement cher : le député LREM Mickaël Nogal, plusieurs adjoints au maire dont Christophe Alvès ou Olivier Arsac, l’élu PS candidat déclaré aux municipales Romain Cujives…

« L’amer de Toulouse » dit ne vouloir privilégier personne et au contraire « dénoncer les faux comptes parodiques qui préparent les campagnes de l’un ou l’autre des candidats« .

Qui d’autre dit cela aujourd’hui ? Ce sont des informations indispensables pour juger en conscience et voter (L’amer de Toulouse)

Mais alors pourquoi utiliser la parodie et ne pas être tout simplement un compte d’infos sur la campagne des municipales à Toulouse ?

Nous voulons donner un dessous des cartes qui ne soit pas anxiogène, la parodie ça fait marrer, ce qui aide à écouter et donne envie de revenir voir les nouvelles infos. L’objectif c’est d’empêcher de mentir, faire craindre la parution de la vérité, pour contraindre les candidats à plus de probité. On sait, on rêve. Mais on fait notre part ».

La limite de l’exercice, comme souvent dans la politique hyper-locale, c’est que pour comprendre les tweets de ce compte, il faut parfois être initié, bien connaître les protagonistes, leur histoire, leur parcours. Les auteurs sont très bien informés, très bon connaisseurs du PPT (le paysage politique toulousain) mais ce n’est pas forcément le cas de tous les Twittos…

« Un si grand Saurel » : haro sur le maire !

A Montpellier, le compte Un si grand Saurel est tenu officiellement par « quelques copains avec des sensibilités politiques diverses qui trouvaient que les réseaux sociaux montpelliérains étaient politiquement trop uniformes à l’image du cher grand leader Philippe Saurel ».

Là, il ne s’agit pas de faire parler le maire de Montpellier à la première personne mais plutôt de tirer à boulets rouges sur son action.

Le contact du compte estime que ce n’est donc pas la perspective des municipales en 2020 qui a décidé ces « quelques copains » à passer à l’action sur Twitter mais plutôt la communication de Philippe Saurel :

Les municipales pour l’instant n’occupent pas plus que cela le compte mais cela va bien entendu monter en puissance. L’origine c’est surtout la communication façon Grosse Bertha du Maire de Montpellier, sans retenue et sans nuance. Heureusement on se marre en faisant cela car la cible est vraiment un bon client avec sa cohorte d’affiliés (La Saurélie) dont l’absence de subtilité politique n’a d’égale que leur vanité !

La vraie raison d’existence de ce compte serait donc, selon notre contact anonyme, « d’introduire un regard critique (parfois humoristique et parfois non) sur l’action du cher grand leader Philippe Saurel qui exerce le pouvoir sans partage à la manière des leaders soviétiques et russes qu’il affectionne tant ! »

Bernard Racayon :

La parodie n’est pas réservée aux deux grandes métropoles d’Occitanie. A Lavaur, dans le Tarn, un compte tout nouveau vient d’ouvrir renommant le maire LR de la commune, Bernard Carayon en Bernard Racayon. Comme avec L’Amer de Toulouse (dont les auteurs tarnais indiquent s’inspirer), le maire parodique parle à la première personne.

Le duo qui anime ce compte avoue s’inspirer surtout des propres tweets du maire de Lavaur, connu pour son franc-parler et ses punchlines parfois surprenantes.

Notre principale source d’inspiration est Carayon lui-même. Au début, c’est de la déconne autour d’un verre en rigolant des tweets du parodié. Mais nous espérons clairement favoriser l’alternance politique à Lavaur et que le compte permettra d’animer la campagne sur un ton humoristique, stimuler les électeurs en caricaturant le parcours, la gestion municipale faiblarde, son attitude hautaine et méprisante pour les électeurs, ses positions très à droite »

 

Ici, notre contact assume l’aspect politique et se place en adversaire du maire de Lavaur. Il souligne aussi les limites de l’exercice caricatural :

Idéalement il faudra que notre duo s’élargisse. Caricaturer nécessite d’avoir du temps, de l’esprit et le sens de la formule. C’est pas évident. On pourrait plutôt aussi parler des limites (respect de la laïcité et respect de la famille) difficiles dans ce cas de figure car Carayon brandit à tout bout de champ ses convictions catholiques et son fils lui succède au GUD en animant de manière assez vigoureuse l’UNI à la Fac d’Assas. Plus sérieusement, si la caricature politique contribue à réduire l’abstention, on ne va pas se plaindre ! »

Caricature, parodie, liberté d’expression…

De tout temps les politiques ont été parodiés, caricaturés. L’époque n’y échappe pas. Avec internet et les réseaux sociaux, la tendance est même au développement. Tant que la caricature ne franchit pas les lignes blanches de la légalité, les élus concernés font plutôt le dos rond.

Pour les besoins de cet article, on a renoncé à demander aux élus concernés ce qu’ils pensent de ces comptes qui les parodient. Histoire d’éviter les réponses garantie 100 % langue de bois (« Je suis pour la liberté d’expression ») ou bien préparées par les services de communication.

Chaque lecteur se fera donc sa propre opinion sur les comptes parodiques que nous citons aussi. Les parodiés ont sans doute leur (vrai) avis là-dessus. Mais nous, nous ne sommes dans « en dedans de leur tête » !

FV @fabvalery