Carole Delga réagit aux propos du premier ministre devant l’Association des Régions de France. La présidente d’Occitanie revient sur les coupes budgétaires imposées aux collectivités. L’ancienne ministre socialiste épingle également le gouvernement sur le dossier de la LGV.
Le Blog Politique. Quelle est votre réaction au discours du premier ministre devant les régions de France ?
Carole Delga. Une sensation de gâchis, et même une petite pointe de mépris d’un gouvernement qui n’a pas trop l’air de sortir au-delà du périphérique parisien. On peut, tous les jours, faire des petites phrases sur « l’ancien monde » et le « nouveau monde », moquer les élus locaux. Mais on n’échappe pas à la réalité : dans ce discours, il y a la déconnexion avec le pays réel, les territoires, les attentes et les besoins des citoyens. Le budget 2018 est profondément injuste. Pour les gens, d’abord, pour les collectivités, ensuite, qui je rappelle, génèrent 70% de l’investissement public dans ce pays. Moins d’investissements, c’est moins de projets, donc moins d’activités pour les entreprises, notamment les PME, les TPE ou les artisans, et donc moins d’emplois. Pas dans le VIIe arrondissement de Paris, mais dans nos régions, dans nos départements, nos communes
Une pointe de mépris d’un gouvernement qui n’a pas l’air de sortir du périphérique
Le Blog Politique. Vous dénoncez une recentralisation et une perte d’autonomie des régions. C’est-à-dire ?
Carole Delga. On va à contre-courant de l’Histoire. Il faut poursuivre la décentralisation pour justement trouver les solutions au plus près des acteurs, des porteurs de projet. Dans la mythologie, Jupiter gouvernait la terre et le ciel. Mais on est au XXIe siècle. Il faut être agile et efficace en jouant collectif. Que demandent nos citoyens ? Pas moins d’Etat, mais mieux d’Etat, avec des services publics efficients et bien présents sur les territoires, plus de solidarité et de proximité. La Conférence nationale des territoires initiée en juillet par la Président de la République annonçait un nouveau dialogue avec les collectivités. Depuis, c’est la douche froide. Sur les dotations, les contrats aidés, sur le fonds de soutien au développement économique de 450 millions d’Euros. L’Etat s’engage, puis ce gouvernement recule. Sans aucune discussion. C’est inacceptable. L’Etat a t-il toujours une parole ? La question, de fait, se pose à tous.
L’Etat s’engage puis le gouvernement recule; Sans aucune discussion
Le Blog Politique; L’Etat annonce une baisse des dotations des collectivités. Comment allez gérer cette coupe dans les recettes. Va-t-il y avoir un impact pour les habitants d’Occitanie ?
Carole Delga. Depuis 2016, avec ma majorité, nous travaillons à mettre en place des politiques publiques marquées par la concertation et l’égalité entre citoyens, entre territoires. Des politiques marquées par des actes forts en matière de justice sociale. Dernier exemple : les 400 euros d’économie pour les familles dans le cadre de la rentrée scolaire avec les manuels gratuits, l’ordi, le premier équipement professionnel pour les apprentis. Vous le savez, je suis souvent sur le terrain et je vois la colère qui naît bien souvent de l’injustice, le sentiment que la vie n’est pas facile. Oui il faudra faire des choix mais cette vision d’une région plus juste, plus solidaire ne va pas être impactée, j’en prends l’engagement. Mieux, on va prendre des actes forts sur le « Produit en Occitanie » parce que nous devons compter de plus en plus sur nos propres forces.
Le Blog Politique. Une des conséquences des réductions budgétaires concerne les grands projets de transports. La LGV peut-elle survivre à ce coup de ciseau ?
Carole Delga. Ce dossier montre clairement l’absence de vision de l’Etat. Vu de Paris, il s’agit d’une ligne comptable. Et si on remettait les choses à leur place ? De quoi ont besoin nos territoires ? De développement, d’emplois. Et quand les territoires vont mieux, le pays va mieux. Les deux LGV Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan ne sont pas des caprices d’élus locaux ! La preuve, elles ont été actées par les gouvernements successifs depuis plusieurs années. Mieux, les deux anciennes régions, ont contribué financièrement, l’une sur Tours-Bordeaux, l’autre sur le contournement Nîmes-Montpellier. Nous l’avons fait en conscience, en votant en toute transparence, face à nos concitoyens. La Région s’est engagée, l’Etat aussi. Et aujourd’hui il reviendrait sur sa parole ? Vous le voyez, on ne peut pas fonctionner ainsi. D’autant que l’on parle d’infrastructures pour plus d’un siècle, de lignes qui nous connectent à Paris, à l’Europe. Mardi prochain, à Toulouse, nous réunissons avec Jean-Louis Chauzy, le président du CESER, les usagers, les élus de la région, le monde économique, le monde sportif et culturel. J’ai prévenu tout le monde à Paris : l’Occitanie ne se laissera pas faire.
Vu de Paris, la LGV est une ligne comptable
Le Blog Politique. La Région Occitanie va-t-elle augmenter sa participation financière pour compenser le désengagement de l’Etat ?
Carole Delga. Pour construire le Grand Paris Express qui va concerner 10 millions d’habitants, l’Etat va trouver 25 milliards d’euros voire peut-être plus. Pour la LGV dans notre région, la seule aujourd’hui qui ne possède pas cette infrastructure, pour 5 millions d’habitants, on ne trouverait pas 12 milliards ? A moins de penser qu’un Francilien vaut deux habitants de notre Région ? Dans ce cas-là, changeons la devise de notre République ! Parce que nous avons à cœur que chaque euro soit utile et bien investi, nous avons fait des propositions de financement innovants, présentées à la ministre des transports voici 3 semaines. J’attends sa réponse. Vous savez, chaque jour je parle avec les maires, les présidents d’agglo ou de départements de notre région, je vois des gens responsables, soucieux de l’intérêt général, inquiets bien souvent. On ne les voit pas au 20 Heures mais ils se battent. Idem pour les entrepreneurs, les associations… Un vrai pack territorial est en train de naître ici et je m’en félicite.
Propos recueillis par Laurent Dubois (@laurentdub)