Menaces de mort. Lettres anonymes. Insultes et agressions physiques. Dégradations. Dans le Tarn-et-Garonne, une commune vit dans un climat délétère. La nouvelle équipe municipale de Verdun-sur-Garonne subit, depuis plus d’un an et demi, des pressions permanentes. Des plaintes ont été déposées. La justice est saisie. Mais malgré des appels aux secours répétés, le préfet et le procureur de la République refusent de se saisir du dossier. Plusieurs demandes de rendez-vous ont été adressées à la préfecture et au parquet de Montauban. Elles sont restées lettres mortes. Enquête sur une drôle d’histoire.
Verdun-sur-Garonne, avec sa halle et sa tour de l’horloge, a toutes les apparences d’une cité paisible. Et, pourtant, derrière les murs et les façades se cachent de vives tensions. Depuis mars 2015, un « corbeau » déverse des lettres anonymes dans les boîtes aux lettres. Elus municipaux et habitants de la commune reçoivent des missives contenant des injures. Un cap est franchi avec un courrier manuscrit adressé le 30 septembre 2016 au maire de la commune, Aurélie Corbineau. Le texte est sans ambiguïté : « Tu vas me le payer. Je vais te crever… J’attends le moment fatidique« .
Une préfecture et un parquet étonnamment silencieux
Des menaces aussi claires contre une élue de la République devrait mobiliser préfecture et parquet. En fait, le préfet du Tarn-et-Garonne estime que l’affaire n’est pas de son ressort. Aurélie Corbineau a sollicité plusieurs rendez-vous. Sans succès. Contactés par France 3 Midi-Pyrénées, les services préfectoraux déclarent : « les faits évoqués par la maire de Verdun-sur-Garonne relèvent du parquet. La préfecture accompagne par ailleurs les projets de la commune et la maire a été reçue à plusieurs reprises dans ce cadre ces derniers mois« .
D’un point de vue strictement juridique, la préfecture du Tarn-et-Garonne n’a pas (complètement) tort. L’engagement de poursuites dépend du procureur de la République. Néanmoins, le préfet est le « patron » des services déconcentrés de l’Etat dans son département. A ce titre, il peut donner des directives aux services de gendarmerie et de police. Tous les préfets de France et de Navarre le font régulièrement. Ainsi, lors de la manifestation des agriculteurs à Montauban, le 14 novembre dernier, le préfet du Tarn-et-Garonne était en première ligne. Sur le site de la préfecture, un bulletin d’information recense les effectifs de police et de gendarmerie mobilisés sur le terrain. Ce même bulletin fait un compte rendu des opérations des forces de l’ordre et notamment de l’utilisation de gaz lacrymogène.
Visiblement, il existe une exception s’agissant de l’ordre public à Verdun-sur-Garonne. La préfecture du Tarn-et-Garonne se mobilise contre les cambriolages. En revanche, la protection fonctionnelle des élus (pourtant prévue par les textes) ne vaut même pas un rendez-vous entre les élus concernés et les autorités préfectorales.
Face à une menace de mort (proférée par écrit et au domicile privé d’un maire), le préfet refuse d’ouvrir sa porte ou de décrocher son téléphone et renvoie vers le parquet. Un parquet qui partage avec le préfet une même ligne de conduite : pas de communication avec la mairie. 6 plaintes et 2 mains courantes ont été déposées. Mais les demandes de rendez-vous sont classées sans suite. Contacté par France 3 Midi-Pyrénées, le parquet de Montauban ne souhaite pas s’exprimer.
Le silence du parquet n’est pas forcément synonyme d’inaction. Des enquêtes peuvent être menées en toute discrétion. D’ailleurs, selon nos informations, des analyses ont été effectuées par la gendarmerie sur la lettre proférant les menaces de mort. Néanmoins, l’attitude des pouvoirs publics est étonnante. Elle devient franchement troublante lorsque la mairie demande une protection pour la tenue d’un conseil municipal et que la gendarmerie… refuse. Mais, d’une manière générale, le « mutisme » et la « passivité » des pouvoirs publics interpellent.
Il existe peut-être une explication. En effet, Verdun-sur-Garonne est un véritable terrain miné. La gestion de la commune par l’ancienne majorité est entre les mains de la Chambre Régionale des Comptes. L’ancienne majorité est sur la sellette et son ex-patron est un proche du ministre Baylet. En langage administratif cela s’appelle une « patate chaude ».
Verdun-sur-Garonne, un terrain miné
Simple coïncidence ou conséquence ? Les premières manifestations du « corbeau » débutent avec l’intervention de la Chambre Régionale des Comptes (CRC). Le « verdict » doit tomber début 2017. Mais le rapport de la CRC risque de pointer de sérieux accrocs sur les marchés publics. Plusieurs centaines de milliers d’euros pourraient être épinglés. Le déclenchement des hostilités peut être lié à un fait : la transmission de documents aux juges financiers. Au delà d’éventuelles « représailles », il peut également s’agir d’un simple mouvement de dépit. La nouvelle majorité peut être en butte avec des soutiens de l’ex-équipe municipale.
Pendant 26 ans, la mairie a été dirigée par une figure forte du PRG départemental. Denis Roger est un proche de Jean-Michel Baylet. Fils d’un sénateur allié de la famille Baylet, l’ancien maire de Verdun-sur-Garonne a été battu aux municipales de 2014. Denis Roger reste président de la Communauté de Commune Pays de Garonne et Gascogne. Mais il a du faire le deuil de son fief. Une nouvelle équipe Sans Etiquette a conquis l’hôtel de ville. Après le décès prématuré du nouveau maire, Philippe Botkovitz, c’est une jeune élue, Aurélie Corbineau, qui prend le relais. Une telle alternance laisse forcément des traces. Des rancœurs peuvent toujours naître. De là à faire dans l’insulte et la menace… Mais la nature humaine est ainsi faite que même les comportements les plus improbables et irrationnels peuvent se produire.
D’ailleurs, les raisons pour alimenter une rancœur ne manquent pas.
L’actuelle majorité municipale a réduit des financements. La Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) a notamment subi une sévère coupe. De 230 000 euros, le financement. est passé à 75 000 euros. Ce qui explique, probablement, que le président de la MJC a relayé lui-même (avec un mail à en-tête de son établissement) une lettre anonyme. Du côté de la mairie, Aurélie Corbineau refuse de pointer du doigt son opposition et les soutiens de l’ancien maire. Néanmoins, elle n’exclut pas complètement l’hypothèse.
En revanche, la maire de Verdun-sur-Garonne insiste sur des détails troublants. L’envoi des lettres anonymes et les menaces ont été adressées au domicile des élus. Par définition, ces données ne sont pas publiques. Elles sont confinées dans des fichiers. De même, un des courriers contient des éléments issus d’un rapport interne aux services municipaux. Aurélie Corbineau ne tire pas de conséquences de ce fait. C’est un mystère de plus dans cette (ténébreuse) affaire.
Laurent Dubois (@laurentdub)