27 Sep

Les « pousse-au-crime »

C’est peu de dire que le gouvernement Ayrault et le Président Hollande n’ont actuellement pas la côte dans l’opinion. Mais cette semaine, une limite a sans doute été franchie après les propos du sénateur UMP Eric Doligé. Des joutes verbales nauséabondes qui nous ramènent un siècle en arrière.

Voici les propos, qu’Eric Doligé a tenus sur le site Le Lab Europe 1 « Moi je dois vous dire que j’ai un instinct meurtrier en ce moment. Je suis comme la plupart des citoyens, moi je ne supporte plus Hollande et sa bande ! ». Et le sénateur de surenchérir : « Moi, j’ai une liste de gens que je peux vous donner sur qui il faut tirer, hein. Il y en a une quarantaine, c’est tous ceux du gouvernement. »

Croyez-vous qu’à ce moment-là, ses collègues de l’UMP qui l’accompagnent s’en offusquent ou en restent interdits ? Point du tout puisque que Jean-Claude Gaudin, le sénateur-maire de Marseille, rajoute même en riant : « Je peux donner les kalachnikov ». C’est vrai que quand on voit l’usage qui est fait des armes dans sa ville, il est bienvenu pour le premier magistrat de la cité de faire de l’humour autour des noms de fusil automatique…

Quelles sanctions ?

La première réflexion que m’inspire ce débordement verbal est la même que celle de mon confrère Hubert Huertas. A travers un édito brillant, ce dernier nous demande d’imaginer quelles auraient été les réactions et les sanctions si de tels propos avaient été tenus par un lycéen, un étranger ou encore un chanteur de rap. Exemple fictif de ce que cela pourrait donner dans la bouche d’un lycéen, toujours sous la plume du spécialiste politique de France Culture.

« Moi je vous dis que j’ai un instinct meurtrier en ce moment. Je suis comme la plupart des élèves, moi je ne supporte plus le proviseur et sa bande de profs. On a assez de profs sur qui tirer pour nous laisser libre de dire ce qu’on a envie de dire ». Quelles sanctions seront décidées par les instances de l’UMP à l’encontre d’Eric Doligé ? J’attends de voir…

Le souvenir de Jaurès

La deuxième réflexion que m’inspirent les paroles acides de Monsieur Doligé me ramène un siècle en arrière, en 1914, quand à l’aube de la première guerre mondiale, les adversaires politiques au pacifisme de Jean Jaurès appelaient également à un instinct criminel. Dans son ouvrage « 1914 » (XO Editions), l’historien Max Gallo nous en retrace bien le contexte. « Charles Péguy, devenu un patriote exalté met sa passion et son talent au service de sa nouvelle cause : « En ces temps de guerre, dit-il, il n’y a qu’une politique et c’est la politique de la Convention nationale. Mais il ne faut pas se dissimuler que la politique de la Convention nationale, c’est Jaurès dans une charrette et un roulement de tambour pour couvrir cette grande voix.» Voilà Jaurès promis à la guillotine. »

Aujourd’hui, les fusils automatiques ont remplacé la guillotine, Hollande n’est évidemment pas Jaurès, la guerre ne menace pas notre pays, mais il me semblait que les débordements verbaux du siècle dernier avaient servis de leçon. Apparemment non.

Patrick Noviello