24 Août

Sous le soleil : la crise ! volet 1 des Carnets des Vacances de Patrick Noviello

Sous le soleil : la crise !
A l’heure où le gouvernement fait sa rentrée avec un programme de lutte contre la crise, cette série d’été vous emmène à la rencontre des français en vacances (dont je suis en ce mois d’août) et à la rencontre de leurs modes de consommation estivales.

Pas une enquête statistique exhaustive mais plutôt des instantanés pris sur le vif.

Loudenvielle (Hautes-Pyréneés), fin juillet.
Les Prix au sommet
Dans un ciel bleu limpide, au-dessus du lac de Génos, les parapentes défilent à la queue leu leu. La passion a un prix plutôt élevé mais n’en parlez pas à ces amateurs de sensations fortes et de panoramas imprenables. Non loin de l’aire d’atterrissage, les jeux gonflables d’un parc d’attraction ne désemplissent pas et là le tarif s’affiche clairement : huit euros de l’heure. Mieux vaut ne pas avoir de famille nombreuse pour s’envoyer en l’air.
Pas mal d’ados préfèrent s’adonner aux joies gratuites du street  basket ou du beach volley, certains y passeront l’après-midi, à l’ombre d’un bâtiment imposant, celui du centre thermo ludique local. On dirait qu’ici la crise n’existe pas. Chaque matin, une imposante file de touristes y attend l’ouverture, qui pour s’y baigner en famille, qui pour un Spa, qui pour un soin. « Le soins c’est le top » s’enthousiasme une mère de famille. A trente euros, les vingt minutes de massage, il vaut mieux.
Pour ceux qui ne sont pas fans de piscines à bulles et préfèrent le patrimoine ou les us et coutumes locaux, direction le moulin de Saoussas. La propriétaire des lieux explique tout sur les métiers d’autrefois dans les Pyrénées, le tout pour quatre euros par adulte. Dans son moulin à eau qui fait tourner meule à farine et scierie, elle a entreposé un pan d’histoire du coin. Et la dame ne compte pas son temps pour expliquer aux curieux de passage comment se transportait l’huile d’Espagne en France dans des outres géantes ou encore comment on battait et fauchait le blé sans aucune machine mécanique.
« Comment vous avez fait pour avoir tous ces objets, ça doit coûter de l’argent, non ? » s’exclame un gamin un peu hors-sujet. « Avec mon mari, c’était notre seul luxe de se les acheter. Parfois j’aurais aimé aller au cinéma ou changer de paire de lunettes, mais non, on préférait agrandir notre collection » lui répond la guide des lieux, sans se démonter.
A la sortie du site, pas d’attrape-touriste ou autre marmotte en peluche qui siffle, en revanche une échoppe est associée au moulin. On y vend des produits locaux. Un quinquagénaire y dévore des yeux les fromages vache ou brebis. Son épouse le rappelle immédiatement à la raison : « N’y pense pas, c’est trop cher ». Les étiquettes affichent pourtant des tarifs raisonnables mais cette année plus que jamais, chacun surveille ses dépenses. Le couple de randonneur s’en va sans se retourner, Monsieur devra sans doute se contenter d’un bout de Comté ou de Cantal (pas très pyrénéen tout ça) acheté à la superette.
Cette dernière ne désemplit pas. Enseigne de grande distribution associée à la montagne, elle accompagne ses clients tout au long de l’année. Les prix affichés en rayon sont toutefois loin de ceux exposés dans les hyper de la même marque. De toute façon, autochtone ou vacancier, personne n’a le choix, dans le village il n’y pas d’autre épicerie donc pas de cas de conscience à avoir si vous vouliez faire travailler le commerce local. Une seule chance pour se rattraper « le mini-marché » artisanal, une fois par semaine en fin d’après-midi, sur la place de l’office de tourisme. Sympathique mais pas de quoi nourrir son randonneur à la semaine.
Commerces toujours, à 20 kilomètres de là, la grande avenue qui mène aux thermes de Luchon, charrie sa foule habituelle en cette fin juillet. Les badauds pénètrent toutefois peu dans les boutiques, qui, pour certaines, ont étendu la période des soldes pour écouler quelques fins de séries aux clients de passage. Les terrasses de café, en revanche, font le plein en cette fin de matinée contrairement aux restaurants qui peinent à faire leurs chiffres des grandes saisons, et ce n’est certainement pas la faute aux régimes imposés aux curistes. Désormais, chacun se serre la ceinture pour d’autres raisons que l’entretien de sa ligne.
Retour en vallée du Louron, la nuit tombe sur Loudenvielle et avec elle, une légère brume qui rase et parfois engloutit les sommets environnants. Les lumières commencent à s’allumer dans les résidences mais nombre d’appartements restent dans l’obscurité. « Cette année, c’est difficile » me confie une responsable d’agence immobilière. « Les propriétaires préfèrent ne pas louer du tout que baisser les prix ou d’accueillir une famille pour deux ou trois jours plutôt qu’une semaine voire une quinzaine ». Dans la maison voisine de la mienne, résonnent des cris de nombreux enfants : la bâtisse a été louée par trois familles en même temps. A 800 euros la semaine, c’est plus économique mais aussi plus chaleureux.
Patrick Noviello