Sous le soleil : la crise ! (2)
A l’heure où le gouvernement fait sa rentrée avec un programme de lutte contre la crise, cette série d’été vous emmène à la rencontre des français en vacances (dont je suis en ce mois d’août) et à la rencontre de leurs modes de consommation estivales.
Pas une enquête statistique exhaustive mais plutôt des instantanés pris sur le vif.
En route vers l’Espagne
L’avantage chez nos voisins ibériques, c’est que certains loueurs n’imposent pas forcément une réservation du samedi au samedi, un bon début de stratégie pour éviter les traditionnels bouchons, du moins si tout se passe bien.
Arrivés sur l’A9, à hauteur de Sigean, un panneau lumineux indique « Voitures : sortie 43 ». Qui a dit que le style télégraphique avait été abandonné en France ? Le temps de réfléchir à cette formule pour le moins laconique et nous voilà parvenus à Perpignan et déjà englués dans ce que la radio des autoroutes appelle ironiquement un « embêtement ». Difficile de faire plus diplomatique pour une radio financée par la société privée qui a la concession de ce qui n’est plus désormais qu’une piètre « deux fois deux voies » bien peu améliorée depuis son inauguration sous Giscard.
Pour plus d’informations, nous changeons de fréquence et passons chez nos confrères de France Bleue Languedoc Roussillon où la consigne est on ne peut plus claire : « Si vous circulez en direction de l’Espagne sur l’A9, quittez l’autoroute dès que vous le pouvez ! Un accident qui a mis en causes plusieurs véhicules dont un poids-lourds couché sur la chaussée occasionne de gros bouchons ».
Un camion sur le flanc arrive donc à paralyser un axe majeur de circulation du territoire. Il va falloir organiser au plus vite une émission sur le thème du ferroutage, d’autant que, le long du ruban de bitume, la future ligne grande vitesse Barcelone-Perpignan est aussi neuve que déserte.
Cap sur la sortie 41 et une situation cataclysmique sur la Nationale où bon nombre de conducteurs ont dû suivre les consignes de la radio locale publique. Retour sur la fréquence des autoroutes qui envoie allègrement les naufragés sur les aires de repos où ils auront tout le loisir de réaliser des dépenses imprévues en restauration et autres achats divers et variés de spécialités locales ou pas.
Pour notre part, nous cherchons en vain, un petit restaurant local pour y faire une halte mais les enseignes franchisées ont cannibalisé les bords de nos routes pour y servir des plats qui ne sont plus préparés mais simplement décongelés ou au mieux réchauffés, et ça pour le même prix. A regret donc, cap sur la zone commerciale de Perpignan-sud et la brasserie d’un centre commercial. Parmi les consommateurs accoudés au bar, difficile de savoir qui va prendre un vrai repas même si les prix restent ici raisonnables.
A la télé, on passe les infos régionales mais les gens se parlent, se connaissent même pour beaucoup : une communauté humaine crée sur un territoire totalement artificiel, entièrement consacré au consumérisme et aux derniers emplois industriels du coin. Difficile encore de savoir parmi cette clientèle qui ne partira pas en vacances. Quelques artisans débarquent sur les coups de midi trente, la pause s’impose, dehors le thermomètre dépasse les 35 degrés à l’ombre.
Après une addition de soixante euros, somme toute raisonnable pour un couple avec trois enfants, nous reprenons la route vers l’infranchissable Perthus, toujours par l’itinéraire Bis. Et les choses se compliquent sur la voie de contournement du Boulou, arrêt total. Nous mettrons une heure pour parcourir deux kilomètres. Notre véhicule est bloqué à droite par un muret central en béton et à gauche par cette satanée voie LGV toujours aussi vide. Au loin, on aperçoit l’autoroute à l’asphyxie en direction de l’Espagne.
Il est temps d’abandonner l’itinéraire Bis et de pénétrer un peu plus dans les chemins de traverse. Nous laissons donc là le flot incessant de véhicules sur un double constat : 1- Ce trafic, pour un lundi du mois d’août, atteste bien qu’une majorité d’européens (néerlandais, belges, allemands, britanniques, français…) partent encore en vacances en voitures malgré la crise et un litre de diesel à plus d’un euro cinquante. 2- Nos infrastructures routières frontalières sont moyenâgeuses en cas d’incident surtout quand nos gendarmes sont en congés et n’y assurent pas la circulation.
C’est donc parti pour un itinéraire ter et une autre France encore, à la fois celle d’un arrière-pays, celle d’une zone frontalière nichée à travers montagnes et pinèdes. Après Amélie-Les-Bains, la route commence à monter sévèrement, devant nous un camping-car néerlandais toutes options piloté au GPS. Aujourd’hui plus grand monde n’avance sans être géo localisé, le mal du siècle pour certains (dont l’auteur de ces lignes), une bouée de sauvetage doublée d’une grande avancée technologique pour d’autres.
A un peu moins de deux heures de l’après-midi, les terrasses de café vivent, prouvant ainsi que ces villages ont encore une âme et plus pragmatiquement de l’activité économique. En contemplant les usines désaffectées qui bordent la départementale, on aurait pu penser le contraire. Le tracé est sinueux mais agréable dans un paysage de carte postale, très touristique, les bouchons en moins. Pourtant ce panorama va changer du tout au tout à peine la frontière franchie.
Sur la route de Figueres, une fois traversé le bourg de Tapis, place à la désolation et une odeur âcre qui vous pique la gorge. A perte de vue des pins calcinés, vestiges des derniers incendies. L’activité économique est en tout lieu toujours suffisamment forte pour permettre à un mégot mal éteint de brûler plusieurs milliers d’hectares de forêt.
Patrick Noviello