Le militant du Larzac repart pour un deuxième mandat, avec cette fois-ci un objectif supplémentaire : la présidence de la commission européenne, poste pour lequel il pourrait être le candidat de tous les Verts d’Europe. Mais avant cela, il nous dévoile son programme et sa vision européenne.
José Bové©CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Pourquoi êtes-vous candidat ?
José Bové : Mon engagement en tant que député européen a permis d’éviter que la réforme de la Politique Agricole Commune passe sous silence la nécessité d’une répartition plus équitable des soutiens publics entre les paysans et entre les différents états membres. Avec le groupe des Verts, nous avons réussi à arracher un certain nombre d’avancées pour que les pratiques agricoles respectent mieux l’environnement. Il faut aussi aller plus loin dans la lutte contre le réchauffement climatique qui doit être la priorité de la prochaine mandature. La transition énergétique doit passer par le développement des énergies renouvelables et une meilleure efficacité énergétique qui permettront de créer des centaines des milliers d’emplois non délocalisables.
L’Union européenne traverse une période critique. Les politiques d’austérité imposées depuis 2008 pour faire face aux conséquences de la crise financière qui a éclaté aux Etats-Unis, ont plongé des millions d’européennes et d’européens dans la misère. Le chômage a explosé, des centaines de milliers de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et n’ont plus accès aux soins. Les populistes de tous bords soufflent sur les braises. Ils utilisent des arguments démagogiques, dangereux et erronés qui doivent être combattus. Nos concitoyens doivent comprendre que le repli nationaliste ne nous permettra pas de protéger nos concitoyens des délocalisations. Une sortie de l’euro entrainerait automatiquement une chute du niveau de vie des français. La monnaie commune est loin d’être parfaite. Notre rôle doit être de l’améliorer et non pas de la jeter aux orties. Les partis politiques grecs, dont le parti de gauche mené par Tsipras, ont abandonné l’idée de quitter l’Euro, car ils savent que seul ils ne sont pas en mesure de faire face aux spéculateurs. Les Etats membres de l’Union européenne doivent sortir ensemble de cette crise, ensembles et renforcés dans l’idée que l’union fait la force.
Des élus écologistes nombreux Parlement Européen permettent de peser sur les politiques mises en place. Nous dirons aussi dans cette campagne que nous ne pouvons pas accepter le traité en négociation avec les Etats-Unis (TAFTA). Ce traité remet en cause les fondements même du projet européen (http://josebove2014.eu/Le-traite-de-libre-echange)
À quoi doit servir l’Europe et son parlement selon vous ?
JB : L’Europe a été créée pour protéger ses citoyens et pour améliorer leurs conditions de vie. L’Union européenne, qui compte plus d’un demi-milliard d’habitants, peut imposer sa volonté et faire plier les multinationales et les autres états si elle est capable de parler d’une voix unie. La diplomatie européenne n’existe toujours pas comme nous le rappelle cruellement la crise ukrainienne ou notre impuissance à peser sur la guerre civile en Syrie.
La protection des européens passe également par le maintien de normes sociales et environnementales élevées. Un salaire minimum dans chaque pays, l’harmonisation des taxes sur les bénéfices des entreprises doivent être mis en place de manière accélérée pour que les habitants d’Europe de l’ouest n’aient plus le sentiment que leurs emplois sont accaparés par des Polonais, des Roumains ou des Bulgares.
S’il y avait un dossier prioritaire à traiter par le Parlement quel serait-il et comment le mener à bien ?
J.B : Le réchauffement climatique ! Les derniers rapports du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) sont très clairs. Si nous ne faisons rien le réchauffement climatique pourrait atteindre 2°C en 2030 et dépasser les 4 degrés à la fin de ce siècle. Les grandes tempêtes et les inondations qui ont frappé les départements de l’ouest de la France ont entrainé des dégâts considérables qui ont des conséquences économiques bien réelles sur le tourisme par exemple mais également pour l’agriculture.
A l’échelle mondiale, si on ne fait rien, le cout humain sera considérable et les couts financiers quasi insurmontables.
Le Parlement européen doit être beaucoup plus exigeant sur les mesures qui doivent être prises au niveau européen et mondial. La conférence sur le climat qui se tiendra à Paris fin 2015 doit prendre les mesures à la hauteur des enjeux. Ne l’oublions pas, la lutte contre le réchauffement climatique c’est aussi la lutte contre les pollutions et toutes ses conséquences sur la santé.
Existe-t-il selon vous une identité européenne ?
J.B : Depuis le Moyen Âge l’Europe existe, même s’il est impossible de tracer précisément ses limites géographiques. La Renaissance puis l’esprit des philosophes des Lumières ont créé les conditions d’échanges entre des scientifiques, des artistes et des hommes politiques. D’un bout à l’autre de l’Union européenne, la musique, la littérature ou la peinture sont européennes. L’identité culturelle de l’Europe ne se limite pas aux artistes et aux intellectuels. Il n’y a qu’à voir la fierté de nos régions d’un bout à l’autre de l’Union européenne pour leurs spécialités gastronomiques, que ce soit des vins, des fromages…
L’identité européenne prend sa source dans notre histoire commune et dans la diversité de nos cultures et de nos territoires. Unis dans la diversité reste la base de l’identité européenne.
Et un sentiment d’appartenance à l’Europe ?
J.B : Lorsque le rideau de fer est tombé en 1989, pour les habitants des Pays de l’Est, l’adhésion à l’Union européenne était une évidence qui est devenue une réalité en 2003 pour la plupart d’entre eux ainsi que pour la Roumanie et la Bulgarie en 2005. La soif de démocratie, de transparence, et de liberté était le moteur de ce bouleversement historique. Ce sont des valeurs européennes pour lesquelles nous devons nous mobiliser tous les jours, car comme toutes choses précieuses, elles sont fragiles. Je milite pour la mise en place d’un passeport européen.
Que faire pour que le parlement soit mieux connu des citoyens ?
J.B : En France, comme dans de nombreux autres pays membres de l’Union, les élections européennes se focalisent la plupart du temps sur des questions de politiques nationales. Leur résultat est souvent analysé par les médias comme un soutien ou un désaveu pour les chefs de gouvernement ou les chefs d’état en fonction. La difficulté est de faire naître un débat transnational qui dépassent les limites de nos frontières internes et se traduisent par des propositions alternatives des différents groupes politiques. Poursuivre les politiques d’austérité ? Signer des accords de libre échange ? Lutter contre le réchauffement climatique ?… Le débat démocratique doit avoir lieu au niveau européen.
Pour la première fois, le Président de la prochaine Commission européenne sera proposé par le Parlement. Chaque grand parti a décidé de présenter son candidat pour occuper cette fonction. Il s’agit d’un premier pas qui va dans la bonne direction mais il n’est pas suffisant. Les Verts militent pour que les députés soient élus pour moitié sur des listes nationales et pour l’autre moitié sur des listes européennes. Ce sera une seconde étape dans la politisation de l’Europe et dans le rapprochement des citoyens du Parlement.
Les journalistes basés à Bruxelles ne sont pas suffisamment nombreux pour couvrir l’ensemble des sujets, la place dans les journaux réservée à l’Europe est bien mince. Les médias ont donc un rôle important à jouer pour informer nos concitoyens.
Qu’auriez-vous à dire aux citoyens pour les convaincre d’aller voter le 25 mai ?
J.B : Les évolutions de leur vie quotidienne, de l’emploi et de leur avenir se jouent en premier lieu au Parlement européen. Le bulletin qu’ils glisseront dans l’urne le 25 mai aura donc une traduction directe sur les politiques qui seront mises en place. Des écologistes forts au parlement européen c’est une Europe plus forte pour lutter contre le réchauffement climatique, l’exclusion sociale et le libéralisme effréné.
Patrick Noviello