Une touche de hipster et un profil de jeune trentenaire. Arnaud Mounier a le look pour passer ses journées au Palais de Justice ou dans une salle de marché. Mais l’avocat de formation a toujours mis son énergie au service d’une seule cause : Jean-Luc Moudenc. Depuis juillet 2015, Arnaud Mounier dirige le cabinet de Jean-Luc Moudenc. Son parcours ? Son style ? Ses relations avec Jean-Luc Moudenc ? Son poids sur les dossiers ? Réponses en forme de portrait. Après Laurent Blondiau, directeur de cabinet de Carole Delga, suite de nos portraits des « hommes de l’ombre ».
Un étudiant formé par Jean-Luc Moudenc
Homme de confiance, fidèles parmi par les fidèles, Arnaud Mounier rejoint Jean-Luc Moudenc en pleine traversée du désert, après la défaite aux municipales de 2008. Cette rencontre est le fruit du hasard. Même si Arnaud Mounier préfère parler de destin. Le jeune étudiant en droit arrive sur Toulouse sans connaître la ville. Arnaud Mounier commence ses études à Clermont-Ferrand. Des études qu’il finance d’ailleurs en travaillant comme DJ et serveur dans un bar de nuit. Comme le précise Arnaud Mounier : « j’avais besoin de changer d’air et donc de ville après un début d’études supérieures un peu laborieux. Disons que jusqu’alors je prenais mon temps. Cela m’a permis de couper avec mon rythme de vie clermontois qui, en raison de mon job étudiant, était axé sur la vie nocturne et peu compatible avec la réussite universitaire ».
A l’âge de 20 ans, Arnaud Mounier fait donc ses valises et direction Toulouse. Dans la ville rose, l’étudiant ne va pas simplement découvrir son intérêt pour le droit médical. Arnaud Mounier va découvrir l’engagement politique. Le jeune homme n’a jamais eu de carte dans un parti. Arnaud Mounier confesse même son désamour pour les étiquettes politiques et sa détestation pour les clivages idéologiques. Il pousse la porte de l’association au service de Jean-Luc Moudenc pour la reconquête du Capitole : « Toulouse Avenir ». Au départ la structure se réduit à un petit groupe d’une dizaine de personnes et de trois piliers: Brigitte Micouleau qui deviendra par la suite sénatrice et adjointe à la mairie, Emilion Esnault et Jean-Michel Lattes, professeur de droit privé, amateur de Tintin et des chants occitans.
C’est ce dernier qui va présenter Arnaud Mounier à Jean-Luc Moudenc. Au début du commencement, le futur directeur de cabinet est un étudiant qui s’investit dans la commission « Jeunesse » de « Toulouse Avenir ». Arnaud Mounier n’intègre pas la « Moudencie » par le biais d’un parti ou d’un réseau local. L’ancien Clermontois et nouveau Toulousain se contente d’intégrer une petite équipe resserrée. Jean-Luc Moudenc a perdu les municipales face à Pierre Cohen. Les soutiens ne se bousculent pas au portillon.
Le vrai tournant se situe en 2010. L’étudiant Arnaud Mounier devient le collaborateur politique de Jean-Luc Moudenc. A l’époque Arnaud Mounier envisager de passer le concours de l’école d’avocat. Mais l’appel de la politique est fort. Comme le dit Arnaud Mounier : « il est impossible de travailler et de faire en parallèle l’école d’avocat. Parce que tout le monde me le dit. Je l’ai fait ».
Je peux dire que je l’ai formé » (Jean-Luc Moudenc)
Arnaud Mounier devient l’assistant de Jean-Luc Moudenc au sein de l’opposition municipale. En 2012, il enfile une nouvelle casquette : collaborateur parlementaire du nouveau député de la 3ème circonscription de la Haute-Garonne. Dans sa jeunesse, Arnaud Mounier se voyait bien la tête dans l’aéronautique ou l’industrie spatiale. Il n’a jamais pensé mettre les pieds dans la politique professionnelle. En moins de deux ans, entre son adhésion à « Toulouse Avenir » en 2008 et les législatives de 2012, Arnaud Mounier bascule dans l’univers des réunions de travail et des équipes de campagne.
Ce basculement, Arnaud Mounier le doit (totalement) à Jean-Luc Moudenc. L’actuel maire de Toulouse ne va pas simplement offrir son premier vrai job et un tremplin professionnel à Arnaud Mounier. Il va lui ouvrir un nouveau monde et assurer sa formation. L’actuel maire de Toulouse a également fait ses armes, dans une précédente vie, comme collaborateur politique et directeur de cabinet. Jean-Luc Moudenc va transmettre les codes et les usages à son jeune collaborateur. « Il avait 25 ans, j’ai même exercé des fonctions de cabinet. Je peux dire que je l’ai formé » déclare Jean-Luc Moudenc
Une communauté de pensée avec Jean-Luc Moudenc
Entre les deux hommes ce n’est pas simplement une histoire de travail. Jean-Luc Moudenc salue les qualités professionnelles d’Arnaud Mounier : « Il a une capacité de travail considérable et il comprends très vite ». Mais le maire de Toulouse parle d’une « communion de pensée ». La période d’opposition, la députation et la campagne (victorieuse) des municipales de 2014 forment un ciment. Ce compagnonnage pouvait conduire Arnaud Mounier à la direction du cabinet de Jean-Luc Moudenc dès le début du second mandat. Mais il faut attendre juillet 2015 pour que le fidèle homme de l’ombre occupe cette fonction stratégique.
« Arnaud Mounier fait partie des 10 hommes qui nous ont fait gagner ». Pour un responsable de la droite toulousaine, aucun doute, Arnaud Mounier est un des artisans de la reconquête du Capitole. Le recrutement d’un directeur de campagne affuté et expérimenté, Francis Decoux, a joué un rôle majeur dans la victoire. Mais Arnaud Mounier peut revendiquer une branche de lauriers. Arnaud Mounier pouvait espérer le « saint Graal » : la direction du cabinet. Dans les premiers mois du mandat, il doit se contenter du titre de conseiller du maire et des relations presse. Jean-Luc Moudenc dresse la fiche de poste : « un rôle transversal de conseil général dans un système complexe. Faire la synthèse des avis des élus et de l’administration ».
Le conseiller du maire
Dans la droite toulousaine, certains sont étonnés de la « relégation » d’Arnaud Mounier à un « simple » poste de conseiller. « Arnaud a toujours suivi Jean-Luc Moudenc et il l’a rejoint au pire moment quand Jean-Luc Moudenc venait de perdre le Capitole. Il méritait le poste de directeur de cabinet » déplore un cadre de la fédération LR31. Un proche de Jean-Luc Moudenc et d’Arnaud Mounier relativise. Pour Emilion Esnault : « c’était normal, Arnaud comme moi étions jeunes, il fallait encore apprendre des choses. Je comprends que Jean-Luc Moudenc a laissé du temps au temps pour qu’Arnaud découvre le fonctionnement de la collectivité. C’est parfaitement normal ».
Un nouveau style à la direction du cabinet
En juillet 2015, tout rentre dans l’ordre. Antoine Grézaud (collaborateur historique de Dominique Baudis) laisse sa place. Officiellement, c’est pour des « raisons personnelles ». Dans les couloirs du Capitole, certains parlent d’une manœuvre d’Arnaud Mounier pour récupérer la direction du cabinet.
Une chose est certaine. La nomination d’Arnaud Mounier ne fait pas que des heureux. Elle soulève même une vraie résistance. La députée de Haute-Garonne et maire adjointe de Toulouse, Laurence Arribagé s’oppose frontalement et durement au choix de Jean-Luc Moudenc. Pour un élu de la majorité municipale, « la haine tenace et irréversible entre Arnaud Mounier et Yoann Rault-Wita (ndrl collaborateur de Laurence Arribagé) est à l’origine de la campagne anti-Mounier menée par Arribagé ».
Malgré les piques et le fiel, Arnaud Mounier enfile tout de même, au début de l’été 2015, son nouveau costume de directeur de cabinet. Le style « Mounier » est très différent de celui de son prédécesseur. Pour un habitué du Capitole, « Antoine Grézaud était dans la périphrase et le conditionnel, Mounier est un Toulousain. Quand il prend une claque. Il en donne deux. Il sait ce qu’il veut où il va ».
Un « frontal » qui dit les choses
« C’est quelqu’un de frontal. Il dit les choses. Il dit même parfois les choses que Jean-Luc ne peut pas dire ». Le jugement vient d’une spécialiste de la « Moudencie » : la sénatrice et adjointe au Capitole, Brigitte Micouleau. Et ce n’est pas la seule à mettre en avant le style direct et énergique d’Arnaud Mounier.
Il dit ce que Jean-Luc ne peut pas dire » (Brigitte Micouleau)
Un de ses amis va dans le même sens : « Arnaud est quelqu’un de déterminé et il a le sens de l’autorité. Mais ce n’est pas un psychotique comme on peut en croiser. Il n’est pas du genre à insulter ou à bousculer gratuitement ». Défaut de ses qualités, certains pointent une dérive autoritaire.
Un de ses proches l’évoque à demi-mot : « sous la pression, il peut manquer de recul et à force de vouloir réagir immédiatement il peut bousculer. Il est encore jeune. Avec la maturité, il verra les choses avec plus de rondeur ».
Visiblement Arnaud Mounier a conscience de sa tendance à l’autoritarisme : « j’essaye de gagner en diplomatie ». Ce manque de rondeur pèse parfois sur les services. Une ancienne collaboratrice n’hésite pas à parler d’un « comportement dictatorial » et ajoute « il faut avoir les reins solides pour travailler avec lui. J’ai vu le service de la com’ complétement désemparé face à l’énorme pression et aux demandes parfois contradictoires qu’il formule. Il s’occupe même de la couleur de la photo dans le journal municipal et il a parfois demandé 17 ou 18 maquettes pour un même numéro ».
Les critiques prennent parfois une tournure politique. L’opposition municipale se félicite du comportement du directeur de cabinet de Jean-Luc Moudenc. Le socialiste François Briançon évoque un Arnaud Mounier « tout à fait cordial, ouvert et avec qui il existe des relations très correctes. Quand il nous arrive de demander quelque chose, un document ou autre, nous l’obtenons sans problème. Même chose quand il s’agit de faire passer un message au maire ».
En revanche, un membre de la droite toulousaine déplore la mainmise d’Arnaud Mounier sur la municipalité : « chaque élu est coiffé par un membre du cabinet et le cabinet est dirigé par Mounier. C’est le cabinet qui dirige la ville. Le maire est coupé des élus. On ne peut plus le joindre directement. Si ça continue comme ça, il fait partie des 3 personnes qui vont finir par nous faire perdre la ville».
Laurent Dubois (@laurentdub)