Inconnu et incontournable. Le grand public ne connaît pas le nom et le visage de Yoann Rault-Wita. Mais, au sein de la droite toulousaine, le collaborateur parlementaire de la députée Laurence Arribagé est un personnage central.
Sa personnalité ne laisse pas indiffèrent. Yoann Rault-Wita est décrit comme un Rastignac mâtiné de Raspoutine. Rastignac pour la soif d’ambition et le désir de briller. Raspoutine en raison de l’influence considérable qu’il exerce sur Laurence Arribagé et sur la fédération des Républicains de la Haute-Garonne. Une fédération présidée par la députée de la Haute-Garonne. Quel est le parcours de Yoann Rault-Wita ? Quel est son poids et son rôle ? Après Laurent Blondiau au Conseil Régional, Arnaud Mounier au Capitole, portrait d’un autre « homme de l’ombre », celui d’une parlementaire.
Yoann Rault-Wita
« C’est un personnage très particulier, comme on en croise peu ». Le jugement vient d’un vieux routier du cercle fermé et feutré des collaborateurs d’élus. A première vue, le caractère hors norme, très particulier, de Yoann Rault-Wita ne saute pas aux yeux. Le collaborateur de Laurence Arribagé a un profil classique : des études de droit, une carte à l’UMP, «petite main» pour des législatives et une municipale puis un recrutement en tant qu’assistant parlementaire.
Etudiant en droit et salarié dans le privé
Avant de coller les affiches et de militer chez les « Jeunes Populaires », Yoann Rault-Wita a connu les bancs de la faculté de droit. Issu d’une famille modeste, le jeune étudiant quitte Montauban pour Toulouse. C’est aussi l’occasion de découvrir le monde du travail : « J’ai toujours travaillé en parallèle de mes heures à la faculté pour aider mes parents qui se sont sacrifiés pour que je puisse réussir mes études dans de bonnes conditions. J’ai été surveillant de collège. J’ai fait du télémarketing » déclare Yoann Rault-Wita.
Une dernière année d’étude et un contrat en alternance vont permettre au futur collaborateur de Laurence Arribagé de décrocher un Master 2 en droit des Entreprises mais aussi de signer son premier CDI. L’entreprise « diplômante » n’est pas n’importe quelle entreprise. Il s’agit de « WebSourd », une société qui offrait des services et des produits à destination des personnes malentendantes.
Durant sa période « WebSourd », Yoann Rault-Wita apprend la langue des signes. Mais il va surtout faire un geste qui va déterminer le reste de son parcours professionnel : adhérer au « Jeunes Populaires » de l’UMP.
Une attirance pour les « Jeunes Pops » et Laurence Arribagé
Pendant ses années « facs », Yoann Rault-Wita a déjà les mains dans la politique : « C’est durant les années universitaires que nait mon engagement politique et je décide d’adhérer à l’UMP juste avant les élections régionales de 2010 » raconte Yoann Rault-Wita. C’est à cette époque, en 2010, que Yoann Rault Wita rencontre Laurence Arribagé : « J’ai tout de suite adhérer à sa personnalité. Elle est authentique. Elle incarne une certaine fraicheur à mes yeux. Une nouvelle manière de faire de la politique, sans filtre, sans tabou, sans dogme ».
Yoann Rault Wita n’a pas attendu Laurence Arribagé pour avoir envie de basculer dans la politique professionnelle. C’est après la législative partielle de 2014 et le jeu de chaises musicales entre Jean-Luc Moudenc et Laurence Arribagé que Yoann Rault-Wita devient (enfin) un collaborateur d’élu. Mais, avant cette date, il dépose sa candidature pour travailler au sein du groupe d’opposition au Conseil Régional. Sa candidature est alors écartée.
En 2012, lors des législatives, Yoann Rault-Wita a également participé à la campagne d’Elisabeth Pouchelon. En réalité, c’est après les municipales de 2010 et la victoire de Jean-Luc Moudenc que Yoann Rault-Wita envisage de faire de la politique son métier. L’opportunité va se présenter en 2014 avec l’élection à la députation de Laurence Arribagé. Comme le précise, Laurence Arribagé : « Il a relevé le défi d’être mon directeur de campagne sur la législative partielle. Je lui ai proposé d’être mon collaborateur ».
Une relation hors norme avec Laurence Arribagé
« Je n’ai jamais vu cela. C’est une relation exclusive avec une forme de jalousie. Il fait tout pour écarter les gens qui, selon lui, s’approchent trop de Laurence. Il l’appelle : « ma Lolo ou ma Laurence ». C’est un mélange total entre le professionnel et le privé, avec une proximité étonnante. Yoann a une influence énorme sur Arribagé ». Ce témoignage est loin d’être unique. Les observateurs du duo « Rault-Wita-Arribagé » insistent sur le côté atypique, hors norme, du duo formé par la députée et son collaborateur. Pour un élu de la droite toulousaine, « Yoann apaise Laurence. Elle est montée très vite et elle a peur de ne pas être à la hauteur et de mal faire. Contrairement aux apparences, Laurence Arribagé est une anxieuse. Yoann lui permet de se poser et elle s’est aperçue qu’elle pouvait lui faire confiance et lui confier les choses».
Quand la députée lui souhaite son anniversaire sur Twitter, c’est d’ailleurs en utilisant le possessif « mon » Yoann Rault-Wita :
Sur son compte twitter, Yoann Rault-Wita se présente d’ailleurs comme le « partenaire particulier » de Laurence Arribagé :
Un élu a connu Laurence Arribagé dans le cadre de son mandat régional (avant son élection à l’Assemblée). Il ne voit pas le côté « positif » du duo « Arribagé-Rault-Wita ». Au contraire. « J’ai connu Laurence quand elle était au Conseil régional et j’ai fait des déplacements sur le terrain avec elle. Elle suscitait spontanément la sympathie. Elle attirait les gens. Depuis qu’elle est députée et qu’elle est avec Rault-Wita, elle a changé. Elle est devenue plus agressive« .
Béquille psychologique. Meilleur copain. Porte voix et porte flingue. Influence néfaste ou positive. Yoann Rault-Wita n’est pas un simple collaborateur. L’assistant parlementaire a un rôle politique. Y compris au sein de la Fédération LR31 « Il s’auto-invite aux réunions du bureau politique de la Fédé. Normalement, statutairement, il ne doit pas y assister et il parle à la place de Laurence Arribagé ».
Une influence sur la Fédération LR 31
Pour un cadre de la Fédé, l’assistant de Laurence Arribagé ne se contente pas de prendre la parole au bureau politique. Il pèse sur la vie de la droite haute-garonnaise : « Yoann, c’est quelqu’un qui fait le vide. Il manie sans cesse la carotte et le bâton. Il est totalement manichéen. Si on n’est pas pour lui, on est contre lui. Il est toujours dans le clivage. La Fédé Moudenc, c’est on parle et on trouve un consensus. La Fédé Arribagé-Rault-Wita, c’est le clivage permanent ».
Un élu toulousain va plus loin : « Rault-Wita est sans cesse dans le conflit. Il aime le conflit. Il est même prêt à inventer des choses pour monter les gens les uns contre les autres. Je l’ai vu faire. C’est incroyable. Et quand on interpelle Laurence Arribagé sur le comportement de son assistant, elle donne toujours raison à Rault-Wita ».
Rault-Wita/Arribagé : un « vrai-faux » duo
« Yoann exacerbe les défauts de Laurence. Ce n’est pas du tout quelqu’un de cartésien et rationnel. Laurence est également là-dedans. Elle n’est pas dans les faits concrets. En fait, c’est quelqu’un qui exacerbe ses défauts. Ils ne sont pas du tout complémentaires. Mounier (ndrl : directeur de cabinet du maire de Toulouse) a des qualités que Moudenc n’a pas. Jean-Luc est souvent trop en rondeur et il a du mal à trancher. Mounier, au contraire, il tranche. C’est un vrai duo entre le numéro 1 et le numéro 2 » déclare un vieux routier de la droite toulousaine.
Yoann Rault-Witat irrationnel et pousse au crime ? Laurence Arribagé dément : « Il est bienveillant et carré. Il aime l’échange comme moi ». Un proche de l’assistant parlementaire, Valentin Chemineau, est sur la même ligne… de défense : « sa méthode est carrée dans le bon sens du terme et il fait en sorte que l’équipe de Laurence Arribagé travaille en bonne intelligence et en tenant compte de l’avis des uns et des autres ».
En tout cas, il est un domaine dans lequel Yoann Rault-Wita donne raison à ses détracteurs comme à ses « avocats ». C’est celui des relations avec la presse. Des relations qui oscillent entre choc frontal et entente cordiale.
Brutalité et bienveillance avec la presse
« Je vais me le faire !». La phrase (cinglante et menaçante) vise le rédacteur en chef d’un site toulousain d’information. Selon un témoin de la scène, c’est une attitude fréquente chez Yoann Rault Wita. Les invectives et les menaces fusent facilement. Plusieurs journalistes de la place toulousaine peuvent témoigner (Sms ou messages Facebook à l’appui) du caractère volcanique de l’assistant de Laurence Arribagé.
Un représentant de la droite toulousaine plaide pour l’excuse « psychologique » : «Yoann sait qu’il dépasse les bornes mais il ne peut s’en empêcher. Il faut qu’il franchisse tout le temps les limites et pas uniquement vis-à-vis de la presse. Il ne peut pas se retenir ».
Un média échappe à cette absence de retenue. « Laurence Arribagé et Yoann ont de bonnes relations avec La Dépêche et son responsable local. Laurence est toujours bien servie par le quotidien de Baylet et c’est Yoann qui sert d’interface ».
Néanmoins cette entente cordiale a un «coût». Du coté de Jean-Luc Moudenc et de la mairie de Toulouse la proximité avec le quotidien régional alimente une suspicion : « La Dépêche épingle régulièrement Jean-Luc et on peut se demander si l’informateur, la taupe, ce n’est pas Rault-Wita».
Du coté du «suspect», la réponse est évidente : «Je suis parfois celui qui prend les coups de celles et ceux qui n’osant pas s’attaquer à elle (ndlr : Laurence Arribagé) s’en prennent lâchement à son entourage. Le courage n’est pas la marque de fabrique de tous ».
Laurent Dubois (@laurentdub)