Un cascade d’hommages. Un torrent de filiations posthumes. Le décès de Michel Rocard suscite une vague de « rocardisme ».
Certaines réactions sont sincères. Mais la tentation de la récupération et de l’instrumentalisation existe. La disparition de l’ancien premier ministre tombe en pleine convulsion au sein du PS. Frondeurs qui dégoupillent la grenade (à charge creuse) d’une motion de censure. Division autour de la réforme El Khomri. Polémique autour de l’utilisation du « 49-3 ». Abîme d’impopularité pour le couple Hollande-Valls. Dans ce contexte trouble, les socialistes sont déboussolés. Michel Rocard devient (subitement) une valeur refuge.
Lors de la cérémonie d’hommage (national) aux Invalides, François Hollande n’a pas hésité à revendiquer l’héritage de l’ancien premier ministre de François Mitterrand.
Dans ce contexte de « rocard mania« , Paul Quilès revient sur le réformisme prêté à Michel Rocard. L’actuel maire de Cordes a été un des ministres de Michel Rocard. Paul Quilès a mené une importante réforme des postes et télécommunications lors du passage de Michel Rocard à Matignon. Mais Paul Quilès a été également un des artisans de la victoire du meilleur adversaire de l’ancien premier ministre : François Mitterrand. Celui qui fut le directeur de campagne de François Mitterrand en 1981 s’exprime sur les filiations rocardienne qui fleurissent. Interview.
Le Blog Politique. Vous avez été plusieurs fois ministres à la Défense, à l’Intérieur, de l’Espace et du Logement. Et vous avez exercé un de vos portefeuilles dans les deux gouvernements Rocard (1988-1991). Vous avez notamment mené à son terme la double réforme des postes et des télécommunications. Comment s’est déroulée cette réforme ?
Paul Quilès. Michel Rocard m’a laissé faire. Il n’a pas eu à la regretter. 9 mois de concertation et de dialogue et c’est seulement à ce terme que j’ai présenté un projet de loi. Nous n’avions pas de majorité absolue et nous n’avons pas eu besoin de passer par la voie autoritaire du 49.3 (ndlr : adoption sans vote d’un texte). J’ai mené un débat et c’est uniquement ensuite, après la concertation, que j’ai rédigé le projet de loi en tenant compte du débat. La réforme a pu aboutir grâce à cette méthode. Une méthode qui alliait à la fois le fond et la forme.
Le Blog Politique. En tant que « mitterrandiste », vous vous êtes opposés à Michel Rocard. Quel opposant a été Michel Rocard ?
Paul Quilès. Michel Rocard a été très anti-communiste et anti-union de la gauche. Il n’a jamais voulu reconnaître que son positionnement n’était pas le bon. En 1981, François Mitterrand a été élu grâce à la stratégie que combattait Michel Rocard. On n’est pas obligé de dire des horreurs sur François Mitterrand pour canoniser Michel Rocard.
Le Blog Politique. On assiste à une captation de l’héritage rocardien. Votre réaction ?
Paul Quilès. Je connais trop l’histoire des hommes, du parti socialiste et de la France pour ne pas contester certaines filiations.
Propos recueillis par Laurent Dubois (@laurentdub)