Vous voulez utiliser gratuitement les parkings de l’aéroport de Toulouse-Blagnac ? Devenez député. Une générosité étonnante.
Prendre l’avion, ça commence par la voiture et des frais de parking. Avant de s’envoler vers leur destination, les usagers de l’aéroport de Blagnac mettent la main à la poche pour garer leur véhiculer. La facture peut s’avérer saler. Pour 3 jours, dans le parking de le plus proche de l’aérogare, cela coûte 56,20 euros.
Mais, grâce à la générosité de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac (ATB), c’est gratuit pour les parlementaires. Les voyages des député(e)s et sénateurs sont financés par les assemblées. Les élus de la Nation disposent d’une indemnité mensuelle pour régler les dépenses courantes. C’est la fameuse Indemnité Représentative de Frais de Mandat. Elle s’élève à 5770 euros pour un député.
Mais la société ATB a décidé d’économiser les deniers des représentants de la Nation. Avant sa privatisation partielle, ATB était gérée par la Chambre de Commerce et d’Industrie. L’institution consulaire offrait déjà des cartes de parking. Les nouveaux gestionnaires de l’entreprise perpétuent la tradition.
6075 euros de cadeau par parlementaire
La société aéroport de Blagnac n’a pas perdu de temps et visiblement elle suit l’actualité politique régionale. Dix-sept jours après son élection, la députée du Tarn-et-Garonne, Valérie Rabault a reçu une carte nominative (n°192 733) lui permettant de stationner gratuitement au Proxiparc P1. C’est le parking le plus proche des guichets d’embarquement : 1 minute à pied.
Cette proximité et cette facilité d’accès a évidemment un coût. Le « P1 » est le plus cher des parkings ouverts aux usagers. La carte d’abonnement est facturée 1215 euros par an. Dans le courrier envoyant la carte d’abonnement, la société Aéroport de Toulouse-Blagnac précise :
Pendant toute la durée de votre mandat, la société Aéroport de Toulouse-Blagnac a le plaisir de mettre à votre disposition une carte nominative permettant de stationner votre véhicule
La durée du mandat est de 5 ans. Le montant total du service offert est donc de 6075 euros.
Les député(e)s sont tenu(e)s de déclarer les cadeaux dont le montant dépasse 150 euros. Le Déontologue de l’Assemblée est censé avoir une trace des cartes d’abonnements de l’aéroport Toulouse-Blagnac. Le Déontologue s’est fait lui-même épinglé pour des problèmes de… déontologie. Mais, normalement, il existe des règles s’agissant de la générosité des entreprises envers les député(e)s.
Une facture globale de 115 425 euros
L’aéroport de Blagnac est le passage quasi obligé pour tous les député(e)s de la Région. Gersois ou Ariégois, de Haute-Garonne ou du Tarn, les parlementaires transitent par la zone aéroportuaire de Blagnac pour se rendre à Paris. En dehors d’une liaison à Castres, à Rodez et à Tarbes-Lourdes, les trajets passent par la capitale régionale.
Sur la zone « commerciale » de Toulouse-Blagnac on compte 19 député(e)s sur les 26 parlementaires d’ex-Midi-Pyrénées. Ce chiffre est à relativiser. Des parlementaires (Rodez, Castres, Tarbes-Lourdes) disposent d’un aéroport de proximité. C’est le cas, notamment, de Philippe Folliot dans le Tarn. Mais la fréquence des vols peut drainer des Tarnais ou des Aveyronnais vers Toulouse-Blagnac.
Si on reste sur l’hypothèse « basse » (le nombre de député(e)s pouvant utiliser exclusivement Toulouse-Blagnac), on arrive à une dépense de 115 425 euros sur 5 ans.
L’assemblée générale de la société Aéroport de Blagnac a versé 15 millions d’euros de dividendes. Ce coup de canif dans la trésorerie a été perçu comme un pillage organisé par les nouveaux actionnaires chinois. Malgré cela, la générosité envers les parlementaires reste une goûte d’eau pour le budget du 5ème aéroport de France.
Un soupçon de « trafic d’influence »
Une parlementaire n’apprécie pas du tout la générosité de la société aéroport de Blagnac. Valérie Rabault a renvoyé la carte de parking mise gracieusement à sa disposition. Et elle a accompagné ce retour à l’expéditeur d’une lettre au président du Directoire de Toulouse-Blagnac. L’ancienne rapporteure du Budget et actuelle membre de la commission des Finances ne mâche pas ses mots.
Valérie Rabault évoque un « trafic d’influence » :
J’avoue être très choquée au regard de la nécessaire déontologie qui s’applique aux parlementaires. J’ignore la motivation qui a guidé votre envoi (ndlr d’une carte gratuite de parking). J’espère seulement qu’elle n’interfère en aucune manière avec les futures discussions qui pourraient avoir lieu entre l’Etat Français et les actionnaires chinois de la Société de l’aéroport de Blagnac, sur les 10,1% de la société encore détenus par l’Etat français et qui font l’objet d’une option de vente
Depuis le début de la législature, Valérie Rabault porte le fer contre la politique fiscale du gouvernement. La députée du Tarn-et-Garonne est montée au créneau face au ministre des Comptes Publics s’agissant de la hausse de la CSG pour les retraités. Nouvelle membre de la direction nationale du PS, Valérie Rabault a compris que derrière l’affaire de la générosité de l’aéroport de Blagnac se trouve un vrai dossier politique. Celui d’une privatisation décidée par… Emmanuel Macron.
Laurent Dubois (@laurentdub)