Retour sur les 6 premiers mois d’une présidence de région qui ne ressemble à aucune autre.
Nouvelle région avec la fusion Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées. Nouveau nom et une appellation inédite : Occitanie. Nouvel exécutif régional avec une ancienne ministre qui inaugure une présidence taille XXL. Depuis son élection en janvier dernier, la socialiste Carole Delga doit gérer une majorité plurielle (composée de radicaux de gauche, d’écologistes et de membres du Front de Gauche). Mais elle doit surtout accompagner l’émergence d’un territoire et d’une institution régionale qui est encore sur les fonds baptismaux.
Comment Carole Delga a-t-elle vécue ses premiers pas de présidente d’une Grande Région ? Quel bilan sur les grands dossier du début de mandat ? Interview.
Le Blog Politique. Vous venez de passer le cap des 6 mois à la présidence de la Région. Comment vous sentez-vous dans vos nouveaux habits de présidente de Région ?
Carole Delga. Passionnée et parfaitement à l’aise. J’avais dit le 4 janvier, jour de mon élection à la présidence, que mon rôle premier serait de rassembler et de fédérer. C’est ce que je fais au quotidien. Je ressens une grande attente autour de la Région qui doit jouer son rôle de locomotive au service du développement de tous les territoires. D’où un rythme très soutenu : en six mois, nous avons voté un budget, mis en œuvre le plan de soutien au BTP, réorganisé les services de la Région, lancé deux consultations citoyennes. J’avais annoncé : pas d’année blanche. Nous sommes aussi en train de bâtir la stratégie régionale pour la croissance et pour l’emploi, qui sera approuvée début 2017. Chacune et chacun peut constater que je tiens parole.
Tout décider, d’en haut, sans connaître la réalité du terrain, ce n’est pas mon style »
Le Blog Politique. Depuis le début de votre mandat, vous parcourez la Région 7 jours sur 7 jours et vous multipliez vos déplacements. Quelle est la recette pour assurer une telle mobilité ?
Carole Delga. Le travail et la passion de ce territoire. En parcourant la Région, en dialoguant avec les habitants, les élus, les porteurs de projets, je constate une réelle volonté de construire, de jouer collectif. J’ai vraiment le sentiment qu’on peut faire de grandes choses et que nous sommes une Région « à part » dans bien des domaines. Cela mérite d’y consacrer du temps, de l’énergie. Et puis cela correspond à ma manière de faire de la politique : être sur le terrain, proche des gens, pour mieux les comprendre, les entendre. Tout décider, d’en haut, sans connaître la réalité du terrain, ce n’est pas mon style.
Le Blog Politique. Votre devise est « mon bureau, c’est le terrain ». Il faut tout de même assumer un travail de bureau avec signature de parapheurs et examen de dossiers. Vous appliquez la méthode Malvy avec une voiture-bureau ? Vous déléguez ?
Carole Delga. Oui, la voiture c’est mon bureau, comme celui de Toulouse et de Montpellier. Les trajets sont des moments de travail à part entière. Après, j’ai de la chance d’avoir des collaborateurs compétents et un exécutif qui vit bien ensemble. La production collective est exemplaire, ce qui explique qu’en six mois nous ayons lancé de nombreux chantiers. Cette majorité est à l’aise dans ses baskets, complémentaire : elle a envie de réussir pour la Région.
Le Blog Politique. Que répondez-vous à ceux qui prétendre que votre plan Marshall sur le BTP c’est juste de la com’ et un redéploiement de crédits ?
Carole Delga. Que ce sont eux qui font de la com’. Ou plutôt qu’ils font de la politique comme avant, c’est-à-dire : « quand je suis dans l’opposition, je m’oppose » et point à la ligne. Le plan de soutien au BTP ce sont des dizaines de réunions avec les acteurs clés. C’est un investissement de 880 millions d’euros en 2016, soit 46% d’augmentation au total par rapport aux deux ex-régions. Un plan qui s’accompagne d’une nouvelle commande publique régionale, au plus près des entreprises, de nos TPE et PME avec des petits lots et des avances de trésoreries. La Région accélère car elle connaît l’importance de ce secteur-clé pour notre économie. Dans le même temps, nous équipons la Région, en lycées, en CFA, en très haut débit, pour nos jeunes, nos entreprises pour les salariés, les usagers du train… C’est gagnant-gagnant pour tout le monde.
Je sais que je suis le visage et la voix de la Région. Mais je ne suis pas du genre à me plaindre. J’ai choisi de quitter Paris et le ministère pour ma Région. Et franchement, je ne regrette rien et je suis très déterminée à réussir »
Le Blog Politique. La région Occitanie est une des plus grandes régions de France. Lorsque vous devez assumer vos déplacements, il vous arrive de vous dire que c’est trop grand ?
Carole Delga. Vous savez, on peut avoir des territoires beaucoup plus petits mais avec des citoyens qui constatent une très grande distance avec leurs élus ! La proximité est un des défis, c’est vrai, et c’est pourquoi je souhaite une Maison de la Région dans chaque département. Mais la proximité, c’est d’abord pour moi, la connaissance des dossiers de chaque territoire, la volonté d’être toujours à l’écoute afin de prendre la meilleure décision. Je sais que je suis le visage et la voix de la Région. Mais je ne suis pas du genre à me plaindre. J’ai choisi de quitter Paris et le ministère pour ma Région. Et franchement, je ne regrette rien et je suis très déterminée à réussir.
Ce qui me marque aussi depuis le début, c’est la virulence du FN, les attaques sexistes, les insultes, le non-respect du travail de l’Assemblée »
Le Blog Politique. Quel fait, dossier ou situation vous a le plus marqué depuis votre installation à la présidence de la Région ?
Carole Delga. Je me suis battue pour avoir, dans le cadre du plan 500.000 formations du gouvernement, 30.000 formations de plus dans notre région pour les demandeurs d’emplois, soit au total 90.000. Savoir que demain, des jeunes, des gens sans travail depuis longtemps, vont pouvoir bénéficier d’une formation qualifiante qui pourra les ramener vers l’emploi, voilà quelque chose dont je suis fière. Je choisis volontairement cet exemple parce que tout ce que construit la Région doit être incarné, et singulièrement quand la priorité est l’emploi. La politique que j’aime, c’est celle qui a un impact positif sur le quotidien des gens. Je citerai aussi l’éco-chéque, 1500 euros, pour les ménages modestes pour la rénovation énergétique de leur habitation. C’est bon pour le pouvoir d’achat, les artisans, notre environnement. Après ce qui me marque aussi depuis le début, c’est la virulence du FN, les attaques sexistes, les insultes, le non-respect du travail de l’Assemblée. Mais ce cirque est une stratégie de l’extrême droite pour cacher la réalité de leurs votes : ils sont contre à peu près tout, le développement économique, le social, la culture, l’export, les associations… Je crois sincèrement que leurs électeurs ne connaissent pas cette réalité-là.
Le Blog Politique. La Fusion entre les deux ex-régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon c’est fait ?
Carole Delga. Nous avons entamé l’harmonisation des politiques publiques des deux ex-régions tandis que l’organisation des services a été revue pour être la plus efficace possible pour les habitants de la région et les territoires. « L’outil » Région est en ordre de marche. Il est au service des gens, avec un nouvel horizon, pas seulement plus grand, mais qui doit nous rendre plus forts. On ne créera pas « l’esprit région » sans donner du sens à ce nouvel ensemble. Ma vision est claire sur ce sujet : une Région forte, créative et solidaire. Faire une Région comme les autres ne m’intéresse pas. Nous sommes « à part » encore une fois dans bien des domaines et il faut le rester. Dans le monde d’aujourd’hui, la différence est un atout, et je veux la cultiver, notamment en étant en pointe dans le domaine de l’innovation.
Il y a depuis le 4 janvier une seule Région, une Présidente, un exécutif, une administration. Et une vision. Il ne sert à rien de ressasser le passé. Pour moi, la guéguerre Montpellier-Toulouse dans les services n’existe pas »
Le Blog Politique. Vous insistez sur la nécessité d’un équilibre des territoires. Pourtant, dans les services de l’Hôtel de Région, les Toulousains ont l’impression d’être perdants face aux Montpelliérains. C’est un juste une impression ? C’est lié à un manque de communication et d’explication ?
Carole Delga. Penser ainsi, c’est penser qu’il y a encore deux régions. Il y a depuis le 4 janvier une seule Région, une Présidente, un exécutif, une administration. Et une vision. Il ne sert à rien de ressasser le passé. Pour moi, la guéguerre Montpellier-Toulouse dans les services n’existe pas. Celles et ceux qui veulent jouer ce petit jeu ne sont pas à la hauteur des enjeux. Nous sommes une collectivité au service de gens qui comptent sur nous, un service public régional pour aider les entreprises, les producteurs, les porteurs de projets. Notre mission est là. Et les agents que je rencontre quotidiennement sont parfaitement conscients de cela. Je souhaite une relation équilibrée avec tous les acteurs de la Région, sans sentiment de supériorité, mais avec de l’équité.
Dans notre région, la concertation citoyenne ne sera pas bafouée. Mais avec Occitanie, soulignée de Pyrénées-Méditerranée, nous rassemblons »
Le Blog Politique. Le nouveau nom de la nouvelle Grande Région a été voté par le conseil régional. C’est Occitanie. Le nom doit maintenant être approuvé par le gouvernement. Simple formalité ? Vous avez évoqué le sujet lors de votre dernière rencontre avec Manuel Valls à Montpellier le 1er juillet ?
Carole Delga. Non, mais j’ai été sensible que dans plusieurs discours il cite à plusieurs reprises le nom de notre nouvelle région. Il était au courant de la consultation citoyenne que j’avais toujours annoncé durant ma campagne. Les gens ont voté, dans le cadre d’une procédure transparente, et le résultat est clair et placer « Occitanie » loin en tête, mais c’était aussi le choix très majoritaire des lycéens. Quand la démocratie parle, il faut la respecter. C’est le message de notre Assemblée du 24 juin : dans notre région, la concertation citoyenne ne sera pas bafouée. Mais avec Occitanie, soulignée de Pyrénées-Méditerranée, nous rassemblons.
Le Blog Politique. Des catalans rejettent le nom Occitanie. Cette contestation vous inquiète, vous agace ou vous interpelle ?
Carole Delga. J’ai proposé, après « Région Occitanie », la référence permanente à Pyrénées-Méditerranée, dans toute notre communication institutionnelle, telle que l’a exprimée la consultation et singulièrement dans ce département. Je me suis rendue à Perpignan pour rencontrer, dès le 30 juin, les acteurs économiques locaux et les élus. Je propose aux Pyrénées-Orientales un contrat d’avenir avec notamment la recherche de nouveaux investissements régionaux et la prise en compte de la catalanité avec la création d’un Office Public de la Langue Catalane. Ce sont des actes forts, qui n’avaient jamais été posés auparavant. Je constate que dans la Région voisine, la Nouvelle Aquitaine, le Pays basque existe bel et bien, et pourtant « l’identité » basque n’est pas inscrite dans le Nom de la Région. Celui-ci ne peut pas tout englober, singulièrement lorsqu’il y a 13 départements. Après, ce qui fait la force d’un territoire, ce sont ses projets. Et sur ce point, personne ne peut dire que la Région abandonne ce territoire car ce n’est pas vrai, ni dans les investissements depuis 2004 (plus d’un milliard d’euros), ni depuis mon élection. Je connais bien ce territoire. Il peut compter sur mon engagement et celui de la Région. Et je veux réaffirmer que nous avons deux belles cultures catalanes et occitanes.
Le Blog Politique. Ça ressemble à quoi les vacances de la présidente Delga ?
Carole Delga. S’aérer la tête, marcher, lire, se cultiver, passer des bons moments avec des amis, la famille. Je vais prendre un peu de hauteur, au propre comme au figuré tout en restant connectée à l’actualité de la région.
Propos recueillis par Laurent Dubois (@laurentdub)