L’avocat d’une salariée poursuivi par la présidente de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée Nationale. L’affaire n’est pas banale. Mais elle débute de manière assez « classique ». Une collaboratrice de la députée PS de Haute-Garonne Catherine Lemorton fait l’objet d’une procédure de licenciement. L’ex-employée tente une conciliation et finit par saisir la juridiction prud’homale. L’affaire est un contentieux du travail comme il en existe des milliers en France et la députée Lemorton n’est pas la première parlementaire à se retrouver sur la sellette.
Les législateurs entretiennent des relations parfois compliquées avec le code du travail. Mais la suite des événements est beaucoup plus originale. L’avocat de la salariée licenciée écrit au président de l’Assemblée, Claude Bartelone et au président du groupe PS, Bruno Le Roux. Catherine Lemorton n’apprécie pas du tout. Elle saisit, par l’intermédiaire de son avocate, le Bâtonnier de Toulouse en invoquant « un chantage sur un élu de la République ». Une enquête déontologique est ouverte.
10 septembre 2015, Véronique Dufor est convoquée pour un entretien préalable à un licenciement. Elle travaille pour la députée de Haute-Garonne depuis 2007. Catherine Lemorton souhaite rompre son contrat de travail. Motif : « absences répétées et prolongées (qui) perturbent le fonctionnement de la permanence« . C’est la fin d’une collaboration qui se déroulait sans grosse anicroche. Quelques remarques sur un manque d’investissement politique. Véronique Dufor est une militante PS (encartée jusqu’en décembre 2015) mais, selon l’ancienne salariée, sa patronne trouve qu’elle manque d’enthousiasme pour distribuer des tracts ou participer à des réunions. Rien de très méchant. En 2011, un accroc plus sévère se produit. Véronique Dufor utilise le téléphone fixe et le portable de la permanence parlementaire à des fins personnelles. La facture est salée : 1 801, 53 euros. Catherine Lemorton adresse un rappel à l’ordre à sa collaboratrice qui s’engage à rembourser les sommes. Ces faits (aujourd’hui prescrits) auraient pu motiver un licenciement pour faute. Mais c’est en 2015, quatre ans plus tard, que le divorce est consommé.
Le licenciement est engagé en 2015
Une série d’arrêts maladie et de longues semaines d’absence (9 mars au 10 avril 2015, 6 mai au 31 juillet 2015, 26 août au 30 septembre 2015) finissent par conduire à un licenciement. Un licenciement dont l’ex-salariée ne conteste pas le principe mais les modalités pratiques. Véronique Dufor prend un conseil, Maître Claude Yéponde, du barreau de Toulouse. Le 21 septembre 2015, l’avocat toulousain écrit à Catherine Lemorton. Dans le courrier, Maître Yéponde propose « une solution négociée » tout en laissant planer la possibilité d’une action en justice. La réponse ne tarde pas. Elle est datée du 28 septembre. Elle se résume à une fin de non-recevoir : « votre lettre…n’est en rien le reflet de la réalité… la formulation est empreinte d’affirmations inutilement menaçantes, je prends rendez-vous avec mon conseil ».
L’avocat écrit au président de l’Assemblée Nationale
Trois mois plus tard le ton monte d’un cran. Le 17 décembre 2015, l’avocat de l’ex-salariée fait remonter l’affaire vers le quatrième personnage de l’Etat, le président (socialiste) de l’Assemblée Nationale, Claude Bartelone, et vers le président du groupe PS au Palais-Bourbon, Bruno Leroux. Dans une lettre que s’est procurée France 3 Midi-Pyrénées, Maître Claude Yéponde écrit : « Compte tenu de ses fonctions et de ses hautes responsabilités au sein de cette Commission (ndlr des affaires sociales) et alors que sa connaissance et son application du droit du travail devraient être exemplaires, il me semblait essentiel de vous alerter sur les nombreux manquements qu’elle (Catherine Lemorton) a pu commettre à l’égard de ma cliente‘ ».
Voici la lettre envoyée au président de l’assemblée nationale :
L’avocat de la députée saisit le conseil de l’ordre
La lettre finit au panier. Mais du côté de Catherine Lemorton, pas question d’en rester là. Le bâtonnier de Toulouse est saisi et une enquête déontologique est ouverte. Contactée par France 3, Catherine Lemorton nie être à l’origine de la contre-attaque : « ce n’est pas moi mais mon avocate‘. Effectivement, selon nos informations, c’est bien Maître Vaysse-Lacoste, avocate au barreau de Toulouse et membre du conseil de l’Ordre qui a lancé la procédure. Une procédure qui a débouché, selon plusieurs sources concordantes, sur une convocation. Catherine Lemorton déclare : « Il peut être radié ou suspendu, c’est grave de faire pression sur un justiciable« . En réalité, selon une source judiciaire, l’épée de Damoclès se limite plutôt à un blâme ou à un avertissement.
En revanche, Catherine Lemorton cherche visiblement à calmer le jeu et à dégonfler les choses. La ligne « ce n’est pas moi mais mon avocate » va dans ce sens. Problème. Ce n’est pas très convaincant. Maître Vaysse-Lacoste la représente et agit au nom de sa cliente : Catherine Lemorton. D’ailleurs, c’est elle qui plaidera aux prud’hommes le dossier « Lemorton/Dufor ».
Les acrobaties verbales de la députée de Haute-Garonne traduisent simplement un malaise. C’est normal. Attaquer un avocat qui défend une salariée, c’est difficile à assumer. Surtout de la part d’une présidente socialiste de la commission des Affaires sociales
Laurent Dubois (@laurentdub)