Chers internautes et téléspectateurs, une opération du dos qu’on peut qualifier de « bénigne » va me tenir éloigné de vous durant un mois. L’occasion, à l’heure où notre politique de santé, est à nouveau au centre du débat d’idées, de vous faire partager à travers quelques chroniques l’expérience de mon parcours de soin. Du médecin généraliste, au praticien d’une clinique privé, de mon (court) séjour dans cette dernière au travail des infirmières libérales. Là encore il ne s’agit pas d’une enquête exhaustive mais plutôt de tranches de vie et de portraits d’acteurs de notre société, des acteurs ô combien importants puisqu’ils sont les garants de notre santé. Alors justement, à notre santé !
Partie IV :
Avez-vous déjà vu des brancardiers antipathiques ? Moi jamais. Celui qui me conduit ce matin au bloc est forcément précautionneux mais aussi très chaleureux :
– Excusez-moi, on va un peu vite mais c’est la procédure ! Ça va ? C’est une petite intervention que vous allez subir ? Bon tout va bien se passer alors…
Il me « gare » aux côtés d’un homme que j’ai du mal à apercevoir. Il faut dire qu’on m’a fait prendre un tranquillisant qui déjà commence à m’amener ailleurs. J’ai auparavant enfilé la désormais très polémique tunique opératoire fendue sur l’arrière, sur laquelle certains de nos parlementaires veulent légiférer pour la rendre plus digne pour le patient. Franchement, ils ont raison. J’aperçois le docteur qui me salue. Il a l’air plus détendu que moi. Puis le tranquillisant fait totalement son effet et je m’endors profondément.
Je me réveille six heures plus tard. On m’a changé de chambre et de service. L’infirmière de jour vient vérifier mon pansement. On m’interdit formellement de me lever jusqu’au lendemain matin. Je suis vaseux et dors une bonne partie de la journée. La nuit sera plus chaotique et je ne compterai pas sur les infirmières de garde pour me réconforter, tant leur seule et unique visite en début de soirée me dissuadera de les appeler durant la nuit.
– Et surtout vous ne vous levez pas tout seul, compris !
Comment leur en vouloir ? Elles s’apprêtent à surveiller je ne sais combien de patients pendant toute une nuit pour un salaire bien souvent sous-évalué (1500 euros pour une débutante). La France est un des pays d’Europe qui rémunère le moins bien ses infirmières par rapport au niveau de vie du pays.
Changement de rythme le lendemain matin. Le docteur passe sur les coups de 8h vérifier mon pansement et son œuvre. Il en semble satisfait. Je le bombarde encore de questions sur ma sortie et sur la suite des opérations.
– Surtout ne reprenez pas trop vite, me prévient-il à nouveau.
– Je sors quand ?
– Ce matin, dès que l’infirmière aura signé votre bon de sortie. Vous passerez ensuite à mon secrétariat chercher votre arrêt-maladie et prendre rendez-vous pour notre visite de contrôle.
– Combien de temps vais-je être arrêté selon vous ?
– Ecoutez, je vous le répète, il faut au moins un mois de cicatrisation et de soins infirmiers. Maintenant si vous voulez moins, à vous de voir, mais ce n’est pas recommandé.
Même en y ayant eu recours que très rarement dans ma carrière, l’utilisation de l’arrêt-maladie a toujours provoqué chez moi un sentiment de culpabilité. En Haute-Garonne, les arrêts de travail ont encore augmenté de près de 5% l’année dernière et ont coûté 166 millions d’euros à la Sécu. La CPAM 31 vient de lancer une nouvelle campagne de sensibilisation auprès de ses adhérents et compte intensifier ses contrôles.
– Ecoutez docteur, je vais me ranger à votre avis. Partons sur un mois.
Nous nous quittons là. Sa rude et longue journée commence. La mienne est plutôt placée sous de bons auspices : je vais abandonner cet endroit et la sensation d’être tour à tour « détenu » ou « infantilisé ». Et les choses s’accélèrent, on me fait comprendre qu’il faut que j’ai libéré ma chambre à 10 heures. Je fais un brin de toilettes, dans la mesure où mon état le permet, rassemble mes affaires et ouvre enfin la porte. Je cherche un visage connu à saluer et à remercier. Le couloir est quasiment vide, quelques patients pointent leurs têtes dans l’entrebâillement des portes. Tant pis, je file…ou plutôt je pars en claudiquant.