Le Jackpot, c’est fini. Avant les Régionales 2015, les candidats pouvaient empocher de belles sommes. Un pactole dont ils bénéficiaient à titre personnel et qu’ils pouvaient dépenser pour partir en vacances ou acheter une voiture. Une faille dans la législation encadrant le financement des campagnes électorales permettait de « détourner », en toute légalité, de l’argent public.
Ce système, inconnu du grand public mais parfaitement connu des initiés, appartient au passé. Le législateur a rectifié une anomalie qui, entre 1995 et 2010, a coûté des centaines de milliers d’euros au contribuable. Un élu régional est à l’origine de cette évolution : Gérard Onesta. Explication.
Depuis la semaine dernière, la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements politiques (CNCCFP) notifie le remboursement des dépenses de campagne pour les régionales 2015. « Nouveau Monde » a reçu un courrier l’informant de la validation de son compte et d’un prochain virement pour un montant de 630 333 euros. Dans les prochains jours, ce sera le tour du Front National. Louis Aliot doit envoyer un RIB à la Préfecture.
Mais, à la différence de la cuvée 2010, les têtes de liste régionales ne vont pas profiter d’un cadeau de l’Etat. Pendant des années, le Trésor Public remboursait les taux d’intérêt bancaires de manière forfaitaire. Pour financer une campagne, le guichet d’une banque est un passage obligé. Les sommes empruntées sont importantes et les taux d’intérêt représentent des sommes non négligeables.
Problème. Pendant des années, l’Etat remboursait 12 mois de taux d’intérêt alors que ceux-ci ne couraient que pendant 6 ou 8 mois. Cette différence entre les sommes prélevées par les banques et les sommes remboursées aux candidats constituaient une enveloppe qui atteignait parfois 5 chiffres !
Applicable à toutes les élections depuis 1995 (date de la mise en place du financement des campagnes), ce système a profité à tous les candidats aux cantonales, législatives, sénatoriales et régionales.
Cet enrichissement personnel des candidats pouvait aller de quelques centaines d’euros pour une élection cantonale à plus de 10 000 euros pour un « grand » scrutin comme les régionales.
10 486 euros et 89 centimes, c’est d’ailleurs la somme que Gérard Onesta a refusée et qu’il a tenu à rembourser. En 2010, c’est un refus de la Préfecture.
Les services de l’Etat opposent une fin de non-recevoir. Motif : il n’existe aucune procédure de remboursement. L’affaire remonte au ministère de l’Intérieur. Même son de cloche.
«Cet argent vous appartient, vous pouvez en faire ce que voulez !». C’est le discours opposé à Gérard Onesta.
L’élu régional contacte alors la CNCFP. L’autorité de contrôle reconnaît que l’Etat perd ainsi des sommes considérables et fait un cadeau injustifiable aux candidats. Mais la loi est la Loi. Le diable est dans un détail : les textes prévoient un remboursement forfaitaire (calculée sur 12 mois) et non un remboursement au « réel » (le nombre de mois durant lesquels les taux bancaires s’appliquent réellement).
Gérard Onesta ne renonce pas et menace d’organiser une conférence de presse. Une conférence de presse au cours de laquelle la tête de liste EELV aux régionales prévoit d’étaler les 10 000 euros offert par l’Etat en petites coupures.
L’activisme finit par payer. Le Parlement rend service aux caisses de l’Etat. Le législateur adopte enfin le mécanisme du remboursement au «réel ». Quant à l’élu régional, il obtient enfin le droit de rembourser la somme trop perçue :
Ce n’est vraiment pas de chance pour les candidats aux régionales 2015. La campagne a été la plus chère de toutes les élections régionales. Pas beaucoup de grands meetings. Mais de méga-indemnités kilométriques à la taille d’une hyper-région et des frais d’imprimeries XXL pour éditer des millions de bulletins de vote et de profession de foi.
Face à cette montagne de dépenses, le bonus aurait pu être joli. C’était sans compter sur un sursaut de bon sens de la part du législateur.
Une campagne n’est pas faite pour enrichir personnellement les candidats.
Il a tout de même fallu attendre 15 ans et les régionales de 2010 pour corriger le tir.
Laurent Dubois (@laurentdub)