Montpellier est connue pour sa Place de la Comédie. Depuis le vendredi 15 avril, la ville peut revendiquer le titre de la Cité du « Grand Guignol ». La première assemblée plénière montpelliéraine est passée du sketch au mauvais gag. A la fin de la séance, menaces physiques et insultes ont manqué de faire basculer l’assemblée régionale dans la rubrique fait-divers. Des élus Front National ont fait physiquement pression sur un élu d’opposition.
Vendredi 15 avril. La séance de l’assemblée plénière n’a encore pas débuté. La présidente de la région, Delga Carole demande s’il est possible de mettre la « clim’ ». C’est prémonitoire. Rapidement, une fois session ouverte, la température monte.
Conditions de travail
Au début, les échauffourées sont « normales ». Deux élus de l’opposition (Thierry Deville et Sacha Briand) mettent en cause les conditions de travail dans l’auditorium qui héberge l’assemblée plénière. Les mots sont sévères : « conditions de travail indignes et manque de respect ». Un mouvement d’humeur secoue les rangs. Mais on reste dans le cadre habituel d’un débat démocratique : des piques et des répliques.
Une bronca et les premières huées arrivent lorsque le président du groupe PS, Christian Assaf, défend la tenue des « plénières » à Montpellier. Le climat devient tendu. Dominique Reynié, visiblement agacé, se lève et appelle ses collègues à « la dignité ».
La réunion a commencé depuis moins d’une heure. Mais ce n’est que le début. Un épisode folklorique va intervenir avant que l’atmosphère devienne franchement délétère.
Le sketch du Panama
L’épisode folklorique a pris la forme d’un sketch organisé par un élu du Front de Gauche, Jean-Christophe Sellin. Lors du débat budgétaire, l’élu régional lance aux élus du Front National : « La France, aimez la fiscalement ou quittez-la ». A la fin de son discours, Jean-Christophe Sellin se lève, traverse l’auditorium, et offre un chapeau « Panama » à la présidente du groupe FN !
Il s’agit d’une allusion évidente au scandale « Panama Papers » et à des affaires d’évasion fiscale dans lesquelles le nom de Jean-Marie Le Pen est cité.
La mise en scène de l’élu de gauche est moyennement appréciée sur les rangs de l’opposition. Un élu de droite lance : « nous sommes dans une salle de spectacle (NDLR l’auditorium du Corum) mais on ne doit pas tomber dans le théâtre de bouffon ». Et encore Sacha Briand n’a pas tout vu et entendu.
Carole Delga insultée
La suite et surtout la fin de la séance vont carrément basculer dans la « chienlit ». Un élu du Front National va insulter la présidente Delga («Toi je te respecte pas !»). Le maire FN de Beaucaire, Julien Sanchez, s’est montré particulièrement véhément.
Aux propos tenus dans les travées ou au micro s’ajoutent de « l’agit-prop» : « aller-retour » pour prendre en plein débats des photos postées ensuite sur Twitter, cris « Cahuzac » couvrant l’intervention du président de groupe PS, pancartes « Delgastan » brandies à bout de bras au sujet du nom de la région…
Un élu de droite physiquement intimidé
Un élu LR a été particulièrement visé. Aurélien Pradié est en conflit ouvert avec le Front National dans son département, le Lot. Le conflit s’est déplacé dans l’assemblée régionale. Aurélien Pradié a été empêché physiquement de retourner à sa place : « j’ai dû joué des coudes et c’était vraiment très tendu ».
Un élu socialiste, Michel Boussaton confirme : « Coté PS on s’est vraiment demandé si on ne devait pas s’interposer et intervenir. Ce sont des méthodes de voyous ».
« Méthodes de voyous », « hystérie », « grand n’importe quoi »
L’ensemble des événements laisse un gout amer. L’assemblée plénière a duré plus de 8 heures. Des dossiers ont été traités et des votes sont intervenus. Les incidents de séance, vociférations et autres altercations n’ont pas complètement « tué » la réunion du Conseil Régional.
Mais la première assemblée plénière à Montpellier est vraiment (au mauvais sens du terme) extra-ordinaire et totalement stupéfiante. Pour ne pas dire délirante. Plusieurs élus de droite comme de gauche parlent d’un « grand n’importe quoi et d’une véritable hystérie« .
Cette première montpelliéraine laisse un goût amer.
Comme le déclare une personnalité qui a connu les chaudes assemblées du temps de Georges Frêche : «Perso, je n’ai vu jamais cela ».
Laurent Dubois (@laurentdub) et Fabrice Valery (@FabValery)