La députée (PRG) du Lot, Dominique Orliac a employé son fils en tant qu’assistant parlementaire. Cet emploi a laissé une seule trace tangible : une déclaration (obligatoire) auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la vie publique (HATVP). Et c’est une trace troublante. Dominique Orliac a (volontairement) omis de préciser la profession de son fils : pharmacien.
La déclaration a été signée le 31 janvier 2014 par Dominique Orliac. Comme tous les parlementaires, la députée du Lot a dû remplir une déclaration d’intérêt et d’activités. Dans la rubrique « les noms des collaborateurs et les activités déclarées par eux », Dominique Orliac mentionne son fils et indique « néant » s’agissant d’un éventuelle activité. Cet « oubli » occulte un fait : le fils de la députée est étudiant en pharmacie de 2005 et 2013 avant de devenir pharmacien.
Un oubli volontaire : le statut de pharmacien du « fils-assistant parlementaire »
Contactée à plusieurs reprises par France 3 Occitanie, Dominique Orliac refuse de s’exprimer sur l’emploi de son fils. Même mur du silence du côté de l’ex assistant parlementaire. Mère et fils ne souhaitent pas donner de précision sur la nature du contrat du travail (temps partiel ou complet), le montant de la rémunération et la durée de l’emploi.
En revanche, un point est indiscutable. La déclaration (remplie de la main de la parlementaire lotoise) comporte une omission. Et cette omission est volontaire. Dominique Orliac ne peut pas ignorer les études de pharmacie et le parcours professionnel de son propre fils.
France 3 Occitanie s’est procuré un CV du fils de la députée. Pierre Orliac débute ses études de pharmacie en 2005. En décembre 2013, il soutient une thèse : « la pharmacie à l’ère de la dématérialisation ». A partir de 2012, le jeune pharmacien débute des remplacements dans différentes officines toulousaines et une pharmacie de Cahors. Il s’agit de remplacements de pharmaciens titulaires. A ce titre, il perçoit une rémunération.
Dans son entourage professionnel et universitaire, Pierre Orliac a fait preuve d’une totale discrétion. Sur les bancs de la faculté ou derrière le comptoir des officines, le jeune pharmacien n’a jamais évoqué une quelconque activité d’assistant parlementaire. Ce que, d’ailleurs, son CV ne mentionne pas non plus. Pierre Orliac n’a même pas évoqué le statut de députée de sa mère. En dehors de quelques propos sur son père ou sur sa sœur (médecin) et de sa passion pour la pêche, le jeune pharmacien ne s’est jamais livré à la moindre confidence auprès de ses employeurs ou de ses enseignants.
Cette discrétion ne remet pas en cause une évidence. Au moment de remplir sa déclaration d’intérêt Dominique Orliac aurait dû mentionner le statut de son fils. Pourquoi une telle omission ?
Contactée par France 3 Occitanie, la Haute Autorité n’a pas répondu à une question : les conséquences (juridiques) d’un tel oubli. En tout cas, avant de signer une déclaration (qualifiable au mieux d’incomplète et au pire de mensongère), Dominique Orliac pouvait lire (juste l’espace réservé à la signature) une mise en garde : « le fait de ne pas communiquer les informations et les pièces utiles est puni d’une peine d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende ».
Dominique Orliac est peut-être informée sur le manque (cruel) de moyens de la Haute Autorité et le caractère (trop souvent) virtuel de son contrôle. Mais le fait d’occulter des faits faciles à vérifier n’est pas vraiment prudent. C’est même franchement imprudent lorsque, dans le même temps et sur le même document, Dominique Orliac n’oublie pas de mentionner l’activité d’un autre de ses assistants parlementaires.
En pleine affaire Fillon, la députée du Lot applique toutefois un principe de précaution. Le grand déballage autour des emplois familiaux alimente la suspicion et les soupçons autour d’éventuels emplois fictifs. Dans ce contexte tendu, Dominique Orliac a pris le soin de s’exprimer pour justifier le travail de son fils. La parlementaire évoque la rédaction de rapports parlementaires.
La rédaction d’un rapport : une justification contestable
A Cahors, le travail d’assistant parlementaire de Pierre Orliac n’a pas marqué les esprits. Aucun appel à une rédaction, pas de communiqué de presse ou simplement de présence à la permanence de la députée. Plusieurs témoignages concordent. Pierre Orliac aime pêcher le brochet dans le Lot. Il a découvert sa passion pour son métier de pharmacien dans une officine de Cahors. Mais, dans le milieu politico-mediatique lotois, l’assistant de la députée Orliac est un illustre inconnu.
Dominique Orliac a (en quelque sorte) anticipé ce constat.
Interrogée par la presse régionale le 15 février 2017, la députée du Lot déclare :
J’ai eu l’occasion de faire travailler, entre autres, mon fils et ma fille, pharmacien et médecin, ils m’ont aidé pour la santé; mon suppléant Bernard Choulet est intervenu sur l’agriculture et la viticulture. Dans tous les cas, ces collaborations font l’objet de rapports qui ne permettent pas de douter du travail qu’ils ont fourni
Effectivement, la rédaction d’un rapport ne suppose pas de présence physique à Cahors ou dans le Lot. Elle n’impose pas de contact avec la presse locale ou les élus du département. Pierre Orliac a pu parfaitement rédiger (après une journée de travail dans une pharmacie toulousaine) un rapport parlementaire pour sa mère. Seul problème. Cette pratique n’est pas conforme aux usages de l’Assemblée Nationale.
La rédaction d’un rapport parlementaire : « ça ne fonctionne pas comme ça ».
Le contrat de travail liant un(e) député(e) est un contrat de droit privé. Le parlementaire définit librement son contenu. Il peut parfaitement confier la rédaction d’un rapport à son collaborateur ou lui demander (simplement) d’ouvrir le courrier. Mais, dans les faits, le recrutement d’un assistant pour rédiger un rapport est hors norme.
Un parlementaire, auteur de plusieurs rapports, est formel :
La rédaction d’un rapport n’impose absolument pas de recruter quelqu’un. Dès qu’un député est désigné, l’administrateur (ndlr haut fonctionnaire de l’Assemblée) se rapproche de lui. Il l’aide. Y compris pour prendre des rendez-vous et organiser des tables rondes. Les équipes de l’Assemblée font les recherches documentaires. L’Assemblée dispose assez de ressources intellectuelles et humaines sans avoir besoin d’embaucher un assistant
Un député est beaucoup plus cash :
Je ne connais pas d’exemple, on embauche pas quelqu’un pour écrire un rapport. Ou alors il faudrait un sujet super important et recruter quelqu’un d’hyper pointu. Encore une fois, je n’ai pas d’exemple. Si ça se produit ça sent le pipeau, c’est histoire de filer de l’argent de poche à un copain ou au fiston.
Contacté par France 3 Occitanie, les services de l’Assemblée confirment la procédure normale (ou du moins habituelle) des rapports : les techniciens hautement qualifiés de l’Assemblée que sont les administrateurs suivent et appuient les député(e)s. Inutile, pour le député rapporteur, de renforcer son équipe d’assistants « personnels ».
Une seule hypothèse est donc a priori défendable. Un besoin exceptionnel, un assistant ultra-compétent et un rapport hautement spécialisé. Un rapport sur lequel les administrateurs de l’Assemblée, les services du Palais-Bourbon où les assistants des groupes parlementaires ne seraient pas suffisamment compétents.
Pierre Orliac, un « super assistant » sur les questions santé : pas vraiment de rapport !
Pierre Orliac est pharmacien de formation et de profession. Ce profil de professionnel de la santé peut être utile dans le domaine de la…santé. Problème. La députée Orliac est médecin et s’intéresse aux questions de santé. Mais, dans le cadre de son activité de rapporteur, la parlementaire lotoise n’a pas produit beaucoup de rapports sur les questions médicales. Un seul et il ne mobilise pas vraiment des connaissances d’un pharmacien d’officine.
Entre mars 2013 et octobre 2016, la députée du Lot a rendu 3 rapports pour avis sur des lois de finances. S’agissant des rapports d’information, la députée a rédigé 2 textes. Parmi ces 2 rapports un seul est directement lié au domaine médical. Le premier concerne « la période légale d’interdiction de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur pour les femmes à l’issue de leurs congés liés à la grossesse et à la maternité ».
Le second porte sur la recherche sur l’embryon. Ce rapport a été rendu en mars 2013. A l’époque Pierre Orliac vient juste de soutenir sa thèse, en décembre de la même année. Le jeune pharmacien n’est pas un spécialiste des cellules souches ou de la bioéthique. Son apport essentiel au rapport (justifiant un recrutement pour renforcer l’équipe parlementaire de sa mère) est loin d’être évident.
Dominique Orliac refuse catégoriquement de s’exprimer sur l’emploi de son fils. Un emploi qui, selon la députée du Lot, aurait cessé en mars 2014. Mais les quelques bribes qui sont distillées dans la presse régionale sont loin d’éteindre les questions.
Au contraire.
Laurent Dubois (@laurentdub)