Début août, les Français ont découvert le hit-parade des ministres les plus riches. C’est une personnalité de la région Occitanie qui décroche la palme d’Or. Avec 6,5 millions de patrimoine, des voitures de collection, une locomotive et des participations dans l’entreprise familiale, Jean-Michel Baylet est sur la première marche du podium.
Les ministres ne sont pas les seuls à disposer de fortune personnelle. Mais surtout la transparence des patrimoines ne concerne pas uniquement les locataires de palais nationaux. Suite au scandale de l’affaire Cahuzac, la loi du 11 octobre 2013 soumet les parlementaires et une partie des élus locaux à une déclaration de patrimoine.
L’introduction de cette transparence (présente dans de nombreux pays européens) a soulevé une levée de bouclier. Le président de l’Assemblée Nationale, Claude Bartolone a dénoncé un « voyeurisme« . Le législateur n’a pas pu reculer. Mais les réticences et les résistances ont émoussé le dispositif. Les déclarations de patrimoine sont consultables uniquement sur rendez-vous en préfecture. La consultation se déroule en présence d’un agent et doit rester confidentielle (sous peine d’amende). Divulgation interdite.
En revanche, les déclarations d’intérêts sont publiques et consultables en ligne. A la différence des déclarations des patrimoines, elles ne contiennent pas la liste des biens immobiliers, des actifs, des comptes bancaires, dettes et emprunts des élus locaux et des parlementaires. Une déclaration d’intérêt, comme son nom l’indique, « vise à prévenir…toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’un mandat« . En clair, il s’agit d’éviter qu’un député siège dans le conseil d’administration d’un laboratoire pharmaceutique alors qu’il va voter des textes sur l’industrie du médicament.
Néanmoins, cette prévention des conflits d’intérêts repose sur la déclaration de l’origine et le montant des revenus des élus. France 3 Midi-Pyrénées a consulté les déclarations d’intérêts des élus locaux et parlementaires en Occitanie. Les déclarations d’intérêts en question sont mis à disposition par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Il s’agit d’une autorité administrative indépendante, présidée par un haut magistrat et auprès de laquelle les élus sont tenus de déposer un formule déclaratif. L’HATVP peut vérifier l’exactitude des déclarations et saisir la justice pénale en cas de doute sur la véracité des éléments. Cette « sécurité » n’est pas virtuelle. Une ancienne ministre s’est retrouvée devant le tribunal correctionnel. L’affaire s’est conclue par une relaxe partielle.
Quels sont les élus d’Occitanie les plus impliqués dans la vie économique ? Quels sont les sources de revenus parallèles aux indemnités parlementaires ou de maire-adjoint ? Réponse en chiffres.
Les » gros entrepreneurs » : Alain Chatillon, Jean-Michel Lattes, Daniel Rougé, Jean Glavany, Gilbert Collard
L’exercice d’un mandat à la mairie de Toulouse ou la détention d’un siège au Parlement n’empêche pas d’exercer un métier et de participer à la vie économique régionale. Parfois c’est un cumul « symbolique ». La députée de Haute-Garonne et présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, déclare des participations dans la société SNC Lemorton-Pillas. Il s’agit d’une officine de pharmacie. Mais, dans la colonne « rémunération ou gratification perçue », la parlementaire indique : – 4656 euros (perte).
Toujours en Haute-Garonne, le sénateur (UDI) Alain Chatillon a un pied dans une multitude de société commerciales et de Sociétés Civiles Immobilières (SCI). Mais, là encore, la rémunération n’est pas (toujours) à la hauteur de l’investissement. Une seule ligne correspond à un chiffre : « La Dépêche, Administrateur Jetons de présence 2013 : 5978 euros« . Cela n’empêche Alain Chatillon d’être l’élue d’Occitanie qui dispose du plus gros portefeuille de revenus fonciers et de dividendes : 81 107 euros en 2013. A cela s’ajoute la déclaration d’un Plan Epargne en Actions pour un montant de 260 368 euros (au 19/11/2014).
Les deux autres « champions » des activités « parallèles » siègent tous les deux à la mairie de Toulouse. Ils ont un point commun. Jean-Michel Lattes et Daniel Rougé sont tous deux universitaires. Ce statut professionnel leur permet de cumuler leur mandat avec des consultations ou des activités périphériques rémunératrices. En plus de son traitement de maître de conférences en droit privé (4460 euros brut par mois), de ses indemnités de maire adjoint (3000 euros mensuel au 4 avril 2014), de vice-président de la Communauté Urbaine (actuelle Toulouse Métropole, 2000 euros au 24 avril 2014), Jean-Michel Lattes déclare pour l’année 2013 : 83 343 euros. Cette somme correspond à des droits d’auteurs, des enseignements dans des structures publiques et privées.
Du coté de Daniel Rougé, des droits d’auteurs (223 euros), des honoraires d’expertise judiciaire (33 584 euros), des émoluments hospitaliers (61 167 euros) et des honoraires liés à des arbitrages (16 670 euros) viennent s’ajouter à un salaire de professeur d’université (66 436 euros).
La casquette d’universitaire n’est pas la seule casquette rémunératrice. Celle d’avocat existe également. L’ancien ministre et député des Hautes-Pyrénées, Jean Glavany est salarié d’une société organisatrice d’événements sportifs et culturels depuis 2003 (61 506 euros). Mais il déclare également 60 935 euros s’agissant d’une activité d’avocat. L’autre avocat est député apparenté Front National du Gard. Il s’agit du ténor du barreau, Gilbert Collard. En 2012, le député-avocat déclare 32 799, 90 d’honoraires pour l’année 2012. Gérant de la société qui porte son nom, Gilbert Collard a perçu (toujours en 2012) s’ajoute 393 599 euros de rémunération.
Les « micros entrepreneurs » : Christophe Borgel, Sacha Briand, Philippe Saurel
Un pied dans le monde de l’entreprise. C’est le cas du député de la Haute-Garonne, Christophe Borgel. Le numéro 3 du PS dispose d’une participation (1500 euros) dans une société : TFC, Territoire, Formation et Conseil. L’adjoint aux Finances de Jean-Luc Moudenc, Sacha Briand déclare également une activité en matière de formation d’élus locaux. Une activité rattachée à une fonction d’avocat (60 957 euros en 2013).
Un autre élu de la mairie de Toulouse appartient à la catégorie des consultants. François Chollet est professeur de neurologie au CHU de Toulouse (9 000 euros net par mois) et déclare plusieurs collaborations (laboratoire pharmaceutique Pfizer, Boston Scientific). Mais une seule est rémunératrice : 24 000 euros (2012-2014). La somme a été versée par l’institut de Recherche Pierre Fabre.
Toujours dans la catégorie « blouse blanche », le maire de Montpellier déclare également une activité rémunératrice. Philippe Saurel est chirurgien-dentiste de formation. Il exerce une activité auprès de la Mutualité de l’Hérault (12 000 euros). A cela s’ajoute un exercice libéral (4 000 euros de bénéfice imposable en 2013).
La plus grosse perte de salaire : Valérie Rabault
Contrairement à une légende, la politique permet de gagner de l’argent et même de s’enrichir. Prêt à taux zéro pour se constituer un patrimoine immobilier s’agissant des parlementaires. Mais, parfois, un mandat peut faire perdre des revenus. C’est le cas de la députée du Tarn-et-Garonne, Valérie Rabault. Avant son élection et une démission de BNP Paribas, la rapporteure du budget travaillait dans la finance. La parlementaire était responsable « risques du marché au sein d’une banque d’investissement ». En 2011, Valérie Rabault perçoit, à ce titre, 490 621 euros.
A partir du 17 juin 2012, Valérie Rabault devient députée et déclare un net imposable annuel de 50 262 euros. Perte : 440 359 euros.
Les « champions » des placements en bourse : Josette Durieu et François Bonhomme
Deux parlementaires (un sénateur et une sénatrice) disposent de portefeuilles boursiers. Josette Durieu (Hautes-Pyrénées) déclare des rémunérations liées à des actions (EADS, 7 titres, 391,09 euros. Sanofi-Aventis, 27 titres, 2 057,94 euros. LCL Sécurité 100, 120 titres, 12 613,20 euros). L’autre parlementaire disposant de participations financières dans des sociétés est le sénateur du Tarn-et-Garonne. François Bonhomme déclare un Plan d’Epargne en Action (PEA) pour un montant de 103 400 euros. Parmi les titres on trouve : Carrefour, Alcatel, GDF Suez, Danone, Total, Technicolor. Par définition, un PEA ne génère pas de rémunération annuelle. François Bonhomme ne déclare donc pas de revenus liés à ses investissements.
A coté des PME, TPE ou fonds d’investissements que sont certains élus d’Occitanie, il existe une immense majorité de parlementaires ou de maires adjoints qui font des déclarations « vierges ». Aucune activité parallèle au mandat. Pas de revenus complémentaires aux indemnités. La présidente de Région et députée de la Haute Garonne, Carole Delga mentionne une Société Civile Immobilière (participation 15 000 euros et rémunération mensuelle de 330 euros). Le sénateur de l’Hérault, Jean-Pierre Grand, se limite (même si c’est pour des montants plus importants que s’agissant de Carole Delga) à une part dans une SCI familiale.
Mais, entre les élus disposant de revenus complémentaires substantiels et les Delga-Grand, on trouve l’immense majorité des députés, sénateurs et élus locaux de la Région. Philippe Martin (député et président du Gers), Christian Assaf (députée de l’Hérault et Conseiller régional), Brigitte Barèges (maire de Montauban), Christophe Cavard (député du Gard), Jean-Jacques Bolzan (adjoint au maire à Toulouse et conseiller régional), Yvon Collin (sénateur du Tarn-et-Garonne), Yves Censi (député de l’Aveyron), Thierry Carcenac (sénateur et président du Tarn) affichent « néant » aux cases contenues dans la déclaration déposée auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique.
Laurent Dubois (@laurentdub)
Suite à la publication de l’article, le maire adjoint de Toulouse, Jean-Michel Lattes, a souhaité réagir :
Une présentation inexacte… il aurait suffit de me contacter pour plus de clarté.
Les revenus déclarés en 2013… donc de 2012 mais les deux années sont comparables… correspondent à mes années sans mandat. Cela correspond en effet à mes activités d’enseignant-chercheur par ailleurs directeur du service d’orientation de l’Université.
Dans votre article vous cumulez abusivement mes revenus d’avant l’élection…et mes revenus d’après l’élection.
En effet, lors de mon élection et de ma désignation comme premier adjoint, j’ai démissionné de mon poste de directeur, j’ai cessé toute activité d’enseignement parallèle et je n’effectue plus d’heures supplémentaires dans mon Université me limitant aux obligations statutaires de 128 h / an.
J’ai en outre cessé d’être consultant n’ayant plus le temps de me consacrer à des expertises juridiques souvent techniques et complexes.
Je n’ai plus en outre aucune activité extérieure.
Enfin, pour compléter vos chiffres, mon salaire de Maitre de Conférences de base est de l’ordre de 3500 euros nets… et non de 4460 euros nets comme vous l’indiquez. Je tiens à votre disposition mes bulletins de salaire.
Quand à mes droits d’auteurs, si j’ai eu la chance d’avoir des lecteurs fidèles, ils baissent rapidement du fait du vieillissement de mes écrits, n’ayant plus le temps de me consacrer à la recherche comme auparavant. L’écriture prend en effet beaucoup de temps dans le domaine de la recherche juridique.
De fait, un rapide calcul vous montrera que lors de mon élection j’ai environ divisé mes revenus par deux et cela a été compensé comme vous l’indiquez par mes indemnités de fonction. On est donc loin du cumul curieux que vous effectuez et qui est clairement de nature à tromper le lecteur.
Ne doutant pas que vous analyserez mon commentaire et que vous en assurerez la publication en réponse à votre propre écrit, je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire… comme je l’aurais été si vous m’aviez contacté avant votre publication.
Cette réaction appelle une précision. Les chiffres et dates publiés sont tirés de la déclaration déposée le 10 mai 2014 par Jean-Michel Lattes auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Politique (HATVP). L’adjoint au maire de Jean-Luc Moudenc conteste (notamment) son salaire de maître de conférences en droit privé. Mais le montant retranscrit par France 3 Midi-Pyrénées est celui mentionné par Jean-Michel Latttes dans le formulaire qu’il a lui-même rempli. S’agissant de Jean-Michel Lattes, comme de tous les autres élus cités, les informations publiées ne résultent pas d’investigations ou de recoupements. Elles sont issues de documents officiels consultables sur le site internet de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Politique. Les documents en question sont déclaratifs c’est-à-dire que leur véracité dépend de la bonne foi des déclarants. Mais un contrôle peut être exercé et une fausse déclaration est sanctionnée par 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.