05 Juin

Jean-Pierre Bel sur la réforme territoriale : « On a simplifié »

AFP PHOTO / PATRICK KOVARIK

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Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon, est-ce le bon mariage selon vous ?

Jean-Pierre Bel : Sur ce point précis, je vais dans le sens de Martin Malvy pour dire oui. Souvenons-nous que Midi-Pyrénées est en position centrale, tournée soit vers l’Atlantique, soit vers la Méditerranée. Alors que j’habitais près du Stadium, j’ai trop de souvenirs d’enfance de concurrence entre Bordeaux et Toulouse. Plus sérieusement, le meilleur choix est évidemment celui de l’Occitanie, midi-pyrénéenne et languedocienne. Et puis n’oublions pas que les catalans sont nos cousins. Les échanges économiques fonctionnent également bien entre ces deux régions. Tout est naturel là-dedans. Il valait d’ailleurs mieux associer une région à une autre plutôt que de disséquer département par département. Même si là encore je me souviens très clairement de l’appel de Raymond Courrière alors président du Conseil Général de l’Aude qui avait demandé en son temps le rattachement de son département à Midi-Pyrénées.

A un moment, il faut trancher ! 

Des voix se sont élevées pour qualifier la méthode Hollande de « brutale » sur ce dossier, sans coordination avec les élus locaux. Vous qui les représentez, trouvez-vous ce jugement étayé ?

J-P.Bel : Ce débat est très ancien. Il y a eu le rapport Mauroy, la commission Balladur. On peut discuter ad vitam aeternam, mais à un moment il faut trancher. Et puis Manuel Valls, lui-même, l’a dit : « ce n’est pas figé ». Donc pas d’inquiétude. Et puis le débat parlementaire est à venir.

Justement toujours au sujet de la consultation des élus, les Etats généraux de la Démocratie Territoriale que vous aviez impulsés ont-ils servi à nourrir la réflexion sur cette nouvelle carte de France et la réforme dans son ensemble ?

J-P.Bel : Sur la taille des régions tout d’abord, que nous avions souhaité plus adaptées par rapport à nos voisins étrangers, la Catalogne notamment. Ces états généraux ont duré plusieurs mois, mobilisé et consulté des milliers d’élus. Leur compte-rendu est à disposition. Nos préconisations sur le statut de l’élu et sur la simplification administrative ont également été approuvées. Et puis que les départements soient rassurés et qu’il n’y ait plus d’ambigüité. Oui on veut supprimer les Conseils Généraux, mais on ne supprimera pas les départements. On restera toujours ariégeois, gersois ou lotois. On va simplifier le mode de gouvernance.

La fin des conseils généraux, pas des départements 

Comment ?

J-P.Bel : Les prochaines élections aux conseils départementaux se feront selon les lois en vigueur. Mais après une clarification des compétences, il faudra s’orienter vers autre chose, un conseil départemental des intercommunalités. C’est d’ailleurs ce que dit André Vallini, le secrétaire d’Etat à la réforme territoriale. Il n’y aura ensuite plus d’élection départementale et donc une strate en moins.

Les deux premiers volets de cette réforme territoriale (découpage régional et loi électorale) vont être discutés en session extraordinaire en juillet au Sénat. Comment envisagez-vous ce débat ? Tendu ?

J-P.Bel : Je ne vois pas quelle raison on aurait de s’opposer à une telle réforme. Son objectif est l’efficacité des politiques publiques pour relancer l’économie et l’emploi. Moi je suis d’un département économiquement sinistré (NDLR : l’Ariège). Ce qui intéresse les gens là-bas, c’est « est-ce que je vais garder mon travail ? » ou « est-ce que je vais en retrouver un ?». Et je crois que c’est la seule question qui compte aujourd’hui.

Propos recueillis par Patrick Noviello

Fusion des régions, un sénateur PS prévient : « la proposition Hollande va passer au tamis »

Quel nom pour la nouvelle région ? Quelle ville va remporter le titre envié de capitale régionale ? Toulouse ou Montpellier ? Mardi dernier, François Hollande a annoncé une fusion entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Depuis c’est l’emballement. La presse s’empresse de consulter les midi-pyrénéens. Ils sont priés de faire jouer leur imagination. Dans les colonnes des journaux, c’est un concours Lépine. Occitanie ? Grand Sud ? Les futurs habitants de la future super-région sont prolixes. Un sénateur haut-garonnais rappelle une évidence. Tout cela est largement prématuré. François Hollande a fait une simple proposition. Le Parlement a désormais le dossier entre les mains. Le destin, le dessin d’une région allant de Nogaro à Nîmes passe par le vote d’une loi. Une loi qui va être discutée, en première lecture, au Sénat fin juin. Le sénateur Mirassou pronostique un débat rude. Pour le parlementaire midi pyrénéen, ce n’est que « le début du commencement ».

-Manuel Valls estime avoir le soutien d’une majorité pour voter la réforme des régions. Vous partagez ce sentiment ? Pensez vous que les parlementaires vont voter le projet défendu par François Hollande ?

-Jean-Jacques Mirassou. Il y aura forcément un débat. Le mot est faible. Tout est encore ouvert. La proposition de François Hollande va devoir passer au tamis du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Le débat va prendre du temps. On ne pourra pas l’expédier. J’aimerai notamment que l’on m’explique en quoi cette réforme est un mieux. Il ne faut pas présenter les länder allemands et les régions espagnoles comme un totem ou un mirage. L’histoire d’un pays n’est pas celle d’un autre.

-François Hollande accélère un projet de réforme qui traine dans les cartons depuis des années. Que pensez-vous de cette accélération ?

-Jean-Jacques Mirassou. J’ai peur que cette précipitation ne cherche à s’adresser à une opinion publique à laquelle on a mis dans la tête que les élus coûtent chers.

-En septembre prochain, des élections sénatoriales sont prévues. Existe-t-il un risque de télescopage entre le calendrier législatif et le calendrier électoral ?

-Jean-Jacques Mirassou. Le gouvernement s’est engagé à ne pas utiliser une « procédure accélérée ». J’imagine mal qu’il revienne sur cette promesse. Des sénateurs qui vont plancher cet été sur la réforme régionale ne seront donc plus là pour la voter l’automne prochain. A titre personnel, je souhaite évidemment être réélu et pouvoir suivre de bout en bout le dossier des régions.

-Le président de la région Languedoc-Roussillon est opposé à une fusion avec sa voisine midi-pyrénéenne. Cette résistance peut elle influencer le débat sénatorial ?

-Jean-Jacques Mirassou. L’actuel président de Languedoc-Roussillon (Christian Bourquin) est profondément hostile au projet de fusion et il est sénateur. J’imagine qu’il va vouloir faire entendre sa voix. Il va mobiliser ses réseaux. Mais il y a aussi des sénateurs midi-pyrénéens et, comme moi, ils ne sont pas hostiles à ce que Midi-Pyrénées se retrouve avec une façade méditerranéenne. Même si il y avait des raisons de se tourner également vers l’Aquitaine. Il existe notamment de nombreux pôles de compétitivité avec nos voisins aquitains.

Propos recueillis par Laurent Dubois

04 Juin

Du Comminges au gouvernement

Carole Delga répond à France3 Midi-Pyrénées avant son intervention au Sénat de cet après-midi

Carole Delga répond à France3 Midi-Pyrénées avant son intervention au Sénat de cet après-midi

Nommée hier en remplacement de Valérie Fourneyron, souffrante, Carole Delga devient à 42 ans secrétaire d’état en charge du commerce de l’artisanat et de la consommation. La députée du Comminges confirme ainsi un parcours clair en politique et la reconnaissance de compétences acquises sur le terrain en Midi-Pyrénées.

« Mon nom avait déjà circulé en avril dernier au moment du remaniement » reconnait-elle. Mais elle n’y avait pas cru : manque de « réseaux parisiens », s’estimant moins armée ou légitime que d’autres « profils plus expérimentés ». Les ennuis de santé de Valérie Fourneyron ont donc forcé son destin. Hier en pleine séance de l’assemblée nationale, un « 01 » s’affiche sur son portable. « Comme il sonnait plusieurs fois, je me suis décidée à sortir de l’hémicycle et à répondre » confie-t-elle. Il y a des appels qu’il vaut mieux ne pas laisser en absence, au bout du fil : l’Elysée et François Hollande.

Non au cumul mais…

« Je suis évidement ravie qu’on ait pu penser à moi » avoue cette modeste qui se reconnait toutefois des compétences sur les secteurs où elle va devoir intervenir. « Le commerce, j’avais déjà beaucoup travaillé dessus à l’Assemblée au moment du débat sur travail du dimanche » (NDR : elle avait voté contre). Les Chambres de métiers, elle les a également côtoyé en tant que maire de Martres-Tolosane ou encore lorsqu’elle était à la Région.

Un mandat régional qu’elle abandonne pour ne pas cumuler. Au moment du vote de la loi, elle demande toutefois qu’une exception soit faite pour les maires de communes rurales comme elle. Une ruralité qui la passionne mais qui ne l’éloigne pas non plus des problématiques urbaines.
Pour elle un territoire fragile n’est pas forcément perdu dans la campagne, il peut aussi se retrouver au cœur de la ville, d’un quartier. C’est en substance ce que dira son rapport sur le maintien des services publics qu’elle rendra à Cécile Duflot alors ministre de l’égalité des territoires. Première incursion dans les arcanes du gouvernement pour elle.

Agenda chargé

Depuis hier, la vitesse supérieure est passée. Si, ce matin, elle lance aux côtés de Montebourg et Stéphane le Foll, la fête de la gastronomie, le plat de résistance est pour cet après-midi. Elle présentera devant le Sénat le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, un domaine qu’elle maîtrise moins même si elle a déjà eu à l’aborder, là encore lors de son mandat régional.
Elle sait que ses premières semaines en poste seront décisives : « décrets d’application de la loi sur la consommation, loi PME d’ici fin juin, réception d’un rapport sur les taxis et enfin, le statut de micro-entrepreneur au sénat jeudi, les priorités ne vont pas manquer ».

Patrick Noviello

Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon : castagne au menu

Les fourchettes se mettent à gauche. Les couteaux se placent à droite. Les voitures françaises roulent en sens inverse des véhicules anglais. Le Coca-Cola ne se mélange pas avec le foie gras. Dans la vie, il existe des principes sacrés. Ils sont immuables et incontournables. La liste de ces dogmes intangibles contient désormais un précepte politique.

Tous les citoyens de France et de Navarre, tous les albigeois, montalbanais et tarbais sont priés de partager une conviction : point de salut en dehors de grandes régions. Pas de croyance sans pratiquant. La présidence de la République a donc décidé de graver cette belle conviction dans les faits.

Mardi dernier, François Hollande a annoncé une réforme territoriale. A coup de ciseau, il propose de retailler la carte régionale. Midi-Pyrénées se retrouve avec une façade méditerranéenne. Le tracé de la nouvelle région s’étend des plaines gersoises jusqu’aux plages montpelliéraines.

Motif de cette fusion-acquisition entre Toulouse et Nîmes : les kilomètres carrés. Les cerveaux surpuissants de l’Elysée le disent. C’est donc forcément pertinent. La France souffre de régions trop petites. Elles ne sont pas de dimension européenne. Pour trouver le chemin de l’Emploi et de la Croissance économique une seule solution : de l’espace.

Des mauvais esprits peuvent toujours rappeler que des länder allemands et des régions espagnoles sont plus petits que l’actuelle Midi-Pyrénées. Cela ne les empêche pas de lutter efficacement contre le chômage et de faire décoller les carnets de commandes des entreprises. Des langues perfides sont même capables de souligner une évidence. L’attractivité et les performances des territoires sont liées à la législation fiscale et sociale. De l’autre côté du Rhin, l’empire BMW repose sur l’utilisation intensive de travailleurs de l’Est. L’absence de smic et la souplesse des licenciements ne sont pas des données géographiques. D’ailleurs, il n’est pas évident que ce genre d’exemple fasse rêver les midi-pyrénéens et les lorrains. Mais peu importe.

Le mouvement est une vertu absolue. Les cyclistes le savent bien. Il suffit d’arrêter de pédaler pour « manger » du gravier. La Réforme c’est l’Alpe d’Huez des présidents. Touché à la carte de France, retoucher les régions est une épreuve noble. Elle est censée conférer l’aura des grimpeurs.

Mais François Hollande pédale plutôt dans la « choucroute ». Les alsaciens peuvent apprécier cet hommage à une spéciale locale. En revanche, pour les mangeurs de cassoulet, la recette n’est pas vraiment appétissante. Pas de critère convaincant. Les ciseaux passent et l’intelligibilité trépasse.

Pourquoi l’Aquitaine reste seule ? Pourquoi le Pays de Loire ne rejoint pas son port d’attache naturel, la Bretagne ? Pourquoi ne pas avoir choisi une approche plus fine ? On sait bien que Millau est tournée vers Montpellier et une partie de Gers vers l’Aquitaine.

Les raisons de ce brouillard sont limpides. La grosse voix d’un président de Région ou les intérêts d’un ancien premier ministre expliquent des choix incompréhensibles. La « Réforme » ressemble à une motion de synthèse d’un Congrès socialiste. Une mauvaise synthèse. De nombreux élus PS sont furieux et sortent les fourches.

L’annonce faite par François Hollande n’est que le début du commencement. Les albigeois ne sont pas encore sous le même toit que les nîmois. La découpe des régions suppose une loi. L’Assemblée et le Sénat (qui probablement va (re)basculer à droite en septembre prochain) vont entrer dans la danse. Ca va swinguer. François Hollande va gouter à un plat typiquement toulousain : la castagne.

Laurent Dubois