15 Mai

Comprendre l’Europe (7) : Entretien avec Philippe Marty, tête de liste « Nous Citoyens » pour le Sud-Ouest.

Philippe Marty

Philippe Marty

Nous poursuivons le tour d’horizon des listes candidates aux Européennes dans le Sud-Ouest. Parmi elles : « Nous citoyens » emmenée par Philippe Marty. Ce Parti politique fondé par l’entrepreneur Denis Payre revendique 10 000 adhérents à ce jour.

Pourquoi êtes-vous candidat ?

Philippe Marty : Je suis profondément déçu par la défiance et le scepticisme des citoyens européens vis–à-vis des institutions comme des responsables élus par les peuples ou désignés par les Etats. L’Europe totalement désincarnée et mal administrée, devrait être politiquement mieux gouvernée. C’est pour apporter à la fois vision, lucidité et pragmatisme et contribuer à remettre l’Europe à sa place, sa juste place à l’intérieur comme vis-à-vis de l’extérieur. Enfin, je remettrai l’Humain au cœur des décisions économiques, sociales et sociétales.

Il est temps pour moi de m’engager dans l’action d’intérêt général, de rentrer en démocratie et non en politique politicienne. Les valeurs de responsabilité et de solidarité, fondées sur la confiance, sont les remparts aux nombreuses dérives du système politique actuel et à la peur de l’autre prônée par les partis populistes.

À quoi doit servir l’Europe et son parlement selon vous ?

P. M : Je pense que l’Europe est notre destin commun. Ce projet unique au monde a permis la paix et la prospérité pendant près de 70 ans au sein de notre continent. Pour la promotion d’échanges internationaux équitables, créateurs de richesses et de rencontres, la sobriété énergétique et les nouveaux enjeux écologiques, la sécurité de nos frontières et la régulation des flux migratoires, pour une aide coordonnée au développement, l’union fait la créativité et la force.
Pour autant, le projet européen est au milieu du gué. Les responsables en sont notamment nos dirigeants politiques, bloqués par le clivage gauche-droite ! Ils font de Bruxelles le bouc émissaire de tous nos maux et y envoient trop souvent les recalés de la politique nationale à la recherche d’un mandat alimentaire. L’Europe mérite mieux qu’un paquet de normes illisibles et de dirigeants politiques désabusés.
Nous voulons retrouver le sens commun. Alors que les crises ébranlent notre continent, nos concitoyens veulent contribuer à l’élaboration de solutions pour une vraie solidarité entre les territoires, entre les « inclus » et les « exclus » de la société et entre les générations. Il y a urgence, en particulier pour les plus jeunes, sur qui pèse le poids d’une dette irresponsable, et qui vivent dans de trop nombreuses régions de l’Europe un quotidien de chômage et de précarité.
L’Europe doit être à sa juste place et laisser le niveau local gérer les problèmes locaux : l’Europe n’a pas à légiférer sur la taille des tomates, sur la contenance des chasses d’eau, en revanche nous voulons une Europe forte sur les enjeux communs : politique économique et monétaire, politique énergétique, politique de défense…
L’Europe doit fonctionner avec des bénéfices visibles pour tous les Français dans leur vie quotidienne. Nous ne voulons pas plus ou moins d’Europe, nous voulons que le travail initié pour mutualiser un certain nombre de politiques soit enfin finalisé. Par exemple, investir en commun pour créer de l’emploi, notamment en faveur des jeunes, dans le numérique, les télécommunications, l’énergie, les transports, la défense.
Parce qu’une Europe qui fonctionne, c’est une Europe à la voix forte dans le monde, qui nous protège ! Une Europe qui nous protège dans le commerce mondial, qui nous fait respecter les normes sociales, environnementales issues de nos choix de société forts, pour assurer une concurrence loyale. Une Europe qui nous permet de lutter contre l’immigration illégale et de développer les programmes européens d’aide au développement. Une Europe qui nous protège des pollutions de l’air, de l’eau, qui lutte contre la destruction de la biodiversité : nous n’avons pas le droit de nous défausser de nos responsabilités sur les générations futures.
Pour porter ces ambitions, pour pousser les responsables politiques nationaux souvent plus préoccupés de leur réélection que des intérêts européens, nous voulons donner plus de voix et plus de poids au Parlement européen, seule institutions élue au suffrage universel direct par l’ensemble des citoyens européens !

S’il y avait un dossier prioritaire à traiter par le Parlement quel serait-il et comment le mener à bien ?

P. M : S’il ne faut en choisir qu’un, c’est la transparence sur les négociations en cours du projet de traité transatlantique et l’évaluation objective de ce que l’on a à y gagner, et à y perdre avant de nous engager plus avant. Je suis favorable aux initiatives qui vont dans le sens de la libéralisation des échanges, mais je déplore la grande opacité des négociations en cours – qui intéressent au contraire l’ensemble des citoyens – et l’insuffisante concertation avec le Parlement européen et les parlements nationaux. Personne ne sait vraiment ce qu’il en est… et ce n’est pas normal !
Ainsi, en quoi ce traité peut-il remettre en cause la PAC, qui deviendrait contraire au libre-échange, les Etats européens étant largement subventionnés ? Quel impact sur l’organisation de l’enseignement quand on sait que les budgets des grandes universités américaines sont jusqu’à 10 fois plus importants que les budgets des meilleures universités ou école européennes ? Nous ne partons pas à armes égales dans la compétition. Nous devons être très vigilants quant aux modalités de ce futur accord, notamment sur l’enjeu d’harmonisation de normes.

Existe-t-il selon vous une identité européenne ?

P. M : Difficile de répondre oui alors que la construction européenne est une réalité essentiellement mouvante. L’Europe n’est pas une réalité donnée, inscrite dans l’ordre naturel des choses, mais une création humaine, réalisée par ses habitants, ses citoyens, voulue pour faire la paix, pour faire la force.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de réalités européennes, mais celles-ci sont des réalisations historiques, vestiges, patrimoine, traditions. Elles s’inscrivent dans une intention, dans un choix fort de société, de solidarité. La réalité européenne est née d’un geste de rupture fondamental, d’une réinvention de notre destin : plus qu’une identité européenne, je parlerais d’un élan de liberté, d’une envie d’émancipation de nos petites habitudes

Et un sentiment d’appartenance à l’Europe ?

P. M : Oui, je pense qu’il existe un sentiment d’appartenance à cet espace unique au monde de libertés, de solidarité, de droits et de prospérité qu’est l’Europe. Dans un sondage IFOP pour la Fondation Jean Jaurès en mars 2014, à l’occasion des élections européennes de mai 2014, 74 % des Français entendaient exprimer par leur vote leur méfiance à l’égard de l’Europe telle qu’elle se construit actuellement. Dans le sondage ViaVoice pour Libération début mai, pour 49 % des personnes interrogées, l’UE évoque « quelque chose de négatif ». Mais n’oublions pas que 60 % sont contre une sortie de l’UE, 59 % contre la sortie de l’UE. 46 % considèrent l’UE comme « une chance pour la diversité culturelle ». Une majorité de personnes interrogées veulent une plus grande intervention des instances européennes dans l’emploi (57 %), la croissance économique (53 %), etc.
La construction de l’Europe est largement inachevée et des erreurs ont été commises, mais ce sont principalement les responsables politiques nationaux qui sont en cause. C’est à cela que Nous Citoyens entend apporter des solutions pragmatiques et réalistes.


Que faire pour que le parlement soit mieux connu des citoyens ?

P. M : Commençons par avoir des députés européens compétents et pleinement, exclusivement engagés pour servir la France et l’Europe et non pas se servir ! Des députés qui exercent un mandat complet, qui ne cumulent pas, présents aux sessions, qui participent activement à l’ensemble du travail parlementaire, de l’élaboration des textes législatifs au suivi de leur mise en œuvre, et on aura déjà fait une bonne partie du chemin ! Trop de députés européens ne vont à Bruxelles qu’en attendant « mieux » en France, pour se mettre au chaud en attendant les prochaines élections nationales.
La mission d’un député européen, c’est également rendre compte aux citoyens de son action au service de la collectivité. C’est informer les citoyens sur les clés pour se faire entendre : déposer des pétitions auprès du Parlement européen, répondre aux consultations publiques de la Commission européenne sur des projets législatifs en matière de commerce international, d’emploi, d’environnement… Franchement, quel électeur a déjà été informé par son député de cette possibilité de participer directement aux décisions européennes ? A l’évidence, on peut faire beaucoup mieux !

Qu’auriez-vous à dire aux citoyens pour les convaincre d’aller voter le 25 mai ?

P. M : Si on ne veut pas être au menu, il vaut mieux être autour de la table ! Pour cela nous avons besoin d’une Europe forte, qui fonctionne. Cela ne se fera pas sans nous, car si les responsables politiques actuels n’ont rien fait jusqu’ici, il est peu probable que par un coup de baguette magique ils changent du jour au lendemain pour servir nos intérêts et nos valeurs. Face à la défiance généralisée des Français vis-à-vis de la classe politique, face à la colère et à la désespérance, nous portons un projet alternatif et crédible pour l’Europe : le projet de citoyens qui cessent de sous-traiter leur destin commun à des politiciens de carrière et s’engagent ensemble pour remettre l’Europe en marche.

Patrick Noviello