Pierre Fabre et le Tarn. Le Tarn est « Pierre Fabre« . Pour l’opinion publique, les deux noms sont synonymes. L’industriel castrais incarne la vie économique du département de Jaurès. Le pays tarnais abrite quelques PME innovantes. Mais il a perdu ses cheminées d’usines et ses grands sites de production. Les mégisseries, les fonderies, la mine appartiennent au passé. Le Groupe Fabre est le dernier fleuron. L’ultime poumon. Après le décès de son fondateur, la presse a rappelé le poids et l’influence des « labos ». Un poids, une influence qui s’étendent à la vie sportive, culturelle et médiatique. Financement du Castres-Olympique. Participation au capital du quotidien régional. Propriété d’une maison d’édition…Pierre Fabre ne restait pas enfermé dans ses laboratoires. Et en matière politique ? Le sujet est plus tabou. Il est moins évident. Les visites ministérielles et les rencontres avec des personnalités – de droite comme de gauche – sont de notoriété publique. En revanche, les interventions dans les carrières ou les décisions restent dans l’ombre. Jacques Thouroude éclaire ces coulisses. Le conseiller régional UMP les connait bien. Salarié du Groupe Fabre pendant des années, il est maire adjoint de la ville berceau des « labos » : Castres. Conseiller général du Tarn de 2001 à 2010, son terroir politique s’enracine dans le terreau Fabre. A ses yeux, une constante a guidé le fondateur du groupe pharmaceutique. D’après Jacques Thouroude, Pierre Fabre » ne voulait pas que l’on puisse épingler une étiquette politique à son entreprise ». Celui que les salariés appelaient « Monsieur » était donc discret. « Il n’a jamais assisté à un meeting ou à des réunions politiques ». Cela n’empêchait pas certains signes de soutien. Notamment à l’égard d’un très proche ami, ancien ministre, ancien député et maire de Castres : Jacques Limouzy. Jacques Thouroude se souvient d’une anecdote parlante. « Un jour, avant des législatives, un rendez-vous est fixé à 19 heures à côté de la pharmacie de Pierre Fabre, à Castres. En arrivant (Jacques Thouroude) voit Pierre Fabre et Jacques Limouzy qui l’attendent. Pierre Fabre demande ou (ils) peu(vent) aller manger dans un endroit où il y a du monde ». Pour Jacques Thouroude « c’était une manifestation publique de soutien. Un geste fort ». Pierre Fabre cultivait la discrétion. Mais cela n’interdisait pas les affinités électives. Et une aide financière. Pierre Fabre, reconnaît Jacques Thouroude, « a aidé des personnalités de droite et de gauche. Il l’a fait à titre personnel et dans les limites fixées par la loi ». Parmi les heureux bénéficiaires, le nom d’un député midi-pyrénéen, ancien ministre de Gauche. Et, à l’opposé de l’échiquier idéologique, celui d’un responsable d’extrême-droite du Grand Sud. Pierre Fabre a incontestablement exercé une influence politique forte. L’ancien maire de Castres, Arnaud Mendement, en sait quelque chose. Le socialiste a expérimenté les rapports de force avec le puissant patron des « labos ». L’influence de Pierre Fabre sur la vie politique est réelle. Mais elle est relative. L’entourage de Pierre Fabre ne voulait pas entendre parler d’un Philippe Folliot à la mairie de Castres. Les quatre pieds du fauteuil municipal ont été méthodiquement sciés. Le député UDI n’a jamais pu s’asseoir dedans. Néanmoins, il a pu décrocher un siège au Palais-Bourbon. En face de lui, un autre candidat revendiquait le soutien de Pierre Fabre. Bernard Carayon a été battu. Avec ses 9000 salariés en Midi-Pyrénées et presque 2 milliards d’euros de chiffre d’affaire, le Groupe Pierre Fabre dispose d’un pouvoir qui va bien au delà de l’argent. Mais ce pouvoir s’arrête au rideau de l’isoloir. La disparition de son fondateur va accentuer cette évidence.
Laurent Dubois