06 Juin

C’était un petit jardin…

@MaxPPP

Vous connaissez peut-être cette chanson de Dutronc qui raconte l’histoire d’un coin de verdure à la Chaussée d’Antin convoité par les promoteurs immobiliers. Chaque fois que je l’entends, et ce depuis toujours (elle est plus vieille que moi), elle me fend le cœur, sans raison aucune. Mais aujourd’hui je comprends pourquoi elle me rend nostalgique.

Savez-vous que tous les sept ans en France, c’est l’équivalent d’un département qui est coulé sous le béton ? Imaginez qu’un jour, nos enfants ou leurs enfants, ne vivent plus que sur un carré de ciment pour les plus pauvres, de carrelage voire de marbre pour les autres…

La ministre du Logement, Cécile Duflot, est une écolo dans l’âme, et ce bien plus que moi. Croyez-vous que cela va changer quelque chose à l’emballement de cette machine infernale ?

Comme pour prouver qu’EELV savait aussi faire du social, la ministre prône désormais « la densification urbaine ». Si on m’avait dit qu’un jour ce terme serait à l’avant-garde de la défense de l’environnement… Pour faire simple, bétonner ou monter des étages supplémentaires sur les immeubles existants reviendrait à préserver la nature contre l’étalement des villes.  Autre avantage défendu par cette ligne politique : la création de logements sociaux ou moins chers qui permettraient à des familles de revenir s’installer en ville.

Ainsi aujourd’hui, à peine un pavillon est-il en vente que son emplacement est scruté sous tous les angles par la mairie et par les promoteurs. A Toulouse Pierre Cohen suit cette philosophie de « densification urbaine » s’inscrivant ainsi dans la ligne gouvernementale. Concrètement, on coule de l’immeuble au mètre carré, et surtout on n’élargit pas systématiquement les voies de circulation, et ce même si on rajoute 60 habitants dans la rue ou 600 sur l’avenue.

Mais la problématique s’étale aussi au niveau régional notamment dans des séminaires comme celui qui s’est tenu cette semaine dans la métropole : « Bimby, (build in my backyard, construire dans mon jardin) 10 000 logements individuels par an sans étalement urbain en Midi-Pyrénées ? »

Habiter en ville, toujours selon des experts urbanistes, ce serait désormais moins de circulation automobile et plus de transports en commun. Les constructeurs adhèrent totalement en ne réalisant qu’un ou deux niveaux de parkings souterrains là où il en faudrait le double. Comme ça, vous savez maintenant pourquoi il y a plus de voitures garées dans votre rue le soir et le week-end que la semaine en journée.

Evidemment je suis heureux pour ceux qui ont pu quitter le Mirail par exemple, pour vivre dans un quartier agréable et plus proche du centre (où ils ne vont jamais préférant les centres commerciaux de la périphérie ou la campagne). Pour ces trajets d’ailleurs, ils ont pour la plupart deux voitures par foyer. Maintenant eux aussi trouvent que cette « densification », ça commence à faire beaucoup. On ne quitte pas une cité pour se retrouver dans une autre, même neuve. Pas moins de six immeubles se construisent actuellement dans le pâté de maison où je vis. Nous, riverains, nous sommes résignés à l’application de cette politique. L’intérêt général passe peut-être par là.

Vous pourrez évidemment me rétorquer que sur mes désormais 500 mètres-carrés et ceux de mes voisins, s’étendaient à perte de vue, il n’y a pas si longtemps, des exploitations maraichères. Vous verriez le nombre de violettes qui poussent dans le coin à la saison. La nature reprend parfois le dessus. Tant mieux.

L’architecture et l’urbanisme évoluent en permanence, les intérêts économiques aussi. Dans mon quartier, trois bouchers continuent de cohabiter, autant de boulangeries… d’opticiens désormais et aussi… d’agences bancaires. Lors de notre émission « Spéciale Aveyron », le photographe Jean-Marie Perrier désormais rouergat avait bien raison de s’emporter contre ceux « qui veulent faire comme tout le monde ou comme à Paris » défigurant ainsi les villes et leurs faubourgs.

« De grâce, de grâce, monsieur le promoteur, de grâce, de grâce, ne coupez pas mes fleurs » disait la chanson de Dutronc.

Patrick Noviello