Quand nous avions organisé le 17 novembre dernier une émission sur le thème de la moralisation de la vie politique, le sujet n’avait pas forcément bouleversé les foules. Pourquoi ? Peur de la langue de bois ? Fatalisme des citoyens ? Allez savoir…
Aujourd’hui ce sujet est plus que brûlant, revenu sur le devant de l’actualité avec le patrimoine des membres du gouvernement qui vient d’être rendu public et évidemment l’affaire Cahuzac. A l’époque où nous avions réalisé l’émission, l’accroche actualité était la remise du rapport de la commission Jospin sur la déontologie en politique. Cette commission avait été lancée à l’aube de la présidence Hollande et les socialistes pouvaient alors se targuer d’avoir une longueur d’avance.
Seulement, depuis novembre et la remise de ce rapport : rien ! Aucune véritable application des préconisations évoquées par les membres de la commission. Mais les scandales et l’actualité, eux, n’attendent pas. Nous pouvons, comme seul lot de consolation, nous enorgueillir ici à « La Voix est Libre » d’avoir essayé d’ouvrir le débat avant d’être rattrapé par les évènements ou de courir après.
Parmi nos invités de l’émission du 17 novembre : une juriste toulousaine de l’UT1, Wanda Mastor, membre de la commission Jospin. Déjà alors, elle regrettait que le rapport ne soit pas allé plus loin, déjà, elle était impatiente de voir ce qui allait en découler, quelles mesures politiques allaient en ressortir.
Aujourd’hui, on peut lire sa déception dans les colonnes de Médiapart, le site web d’investigation par qui l’affaire Cahuzac a été révélée. « On reste sans voix, explique Wanda Mastor à Joseph Confavreux. Nous sommes extraordinairement surpris qu’on réclame aujourd’hui une moralisation de la vie politique, parce que l’actualité y préside, alors que nous avons travaillé précisément pendant des mois, sur les moyens de rendre la République plus exemplaire et de redonner confiance aux citoyens. »
Et la professeur de Droit Public de poursuivre : « N’importe quel juriste sait qu’il ne faut pas réagir à chaud, comme lorsqu’on annonce une loi sur la récidive après un crime pédophile ». Réagir à chaud, c’est pourtant bien notre métier à Laurent et moi-même. Qu’il est souvent difficile de prendre du recul, d’expliquer. Au même titre qu’il est plus simples pour les « politiques » de prendre une mesure symbolique ou « coup de poing », il est aussi plus facile pour nous, commentateurs, plutôt que de s’efforcer de vulgariser une série d’articles de loi dont on ne sait pas vraiment comment ils seront appliqués.
Aujourd’hui, nous connaissons le patrimoine des ministres qui nous gouvernent. La belle affaire ! Et alors ? Est-ce cela la déontologie « coup de poing » ? Voilà que l’on se demande maintenant si on peut être riche et de gauche ou riche et honnête, et le Canard Enchaîné ironise même en se demandant si on peut être « pauvre et de droite ».
Toujours dans son excellent article publié par Médiapart, Joseph de Confavreux conclue en citant un autre membre de la commission Jospin, le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau. « Le problème est moins celui de l’élite, que le mode de production de ces élites. Dans tous les pays, il y a des élites, mais en France, leur formation est concentrée entre les mains de Sciences-Po et de l’ENA, ce qui fait qu’on retrouve les mêmes personnes à la tête des entreprises, des médias, des cabinets d’avocats ou des cabinets ministériels ».
La question est peut-être là : pourquoi n’y-a-t-il pas de leaders d’opinion d’origines plus modestes dans les organes décisionnaires de notre démocratie ?
« Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage » disait Boileau. C’est ce que nous ferons dès la semaine prochaine avec une nouvelle émission qui se demandera « comment moraliser la vie politique ». Sans doute aura-t-elle un autre écho que la précédente. Et tant mieux.
Patrick Noviello