Sous le soleil : la crise ! (3)
A l’heure où le gouvernement fait sa rentrée avec un programme de lutte contre la crise, cette série d’été vous emmène à la rencontre des français en vacances (dont je suis en ce mois d’août) et à la rencontre de leurs modes de consommation estivales.
Pas une enquête statistique exhaustive mais plutôt des instantanés pris sur le vif.
A ceux qui disent que la Costa Brava n’est qu’un amas de béton posé au bord de la mer, il faut répondre, sans scrupules : « Vous avez parfaitement raison. Il ne faut pas y aller ». Il y a ainsi quelques chances que vous puissiez encore trouver de la place sur des plages de calanques qui n’ont rien à envier à la Crête. D’ailleurs, sur le plan économique, les Grecs n’auront bientôt plus grand chose à envier à nos voisins espagnols. Le taux de chômage ibérique n’a jamais été aussi élevé, un actif sur quatre n’a pas d’emploi dans le pays.
La droite s’est laissée le temps de revenir au pouvoir pour ouvrir grand son parasol d’austérité, et sur les plages, barcelonaises et alentours notamment, vous rencontrerez pas mal de jeunes catalans préférant rester sur leur serviette ou dans l’eau, plutôt que de trimer pour quatre ou six cents euros par mois. Dans le pays, le chômage frappe plus de 24% de la population active et plus de la moitié des 16-24 ans. Face à cette situation, désespérée pour certains, c’est le départ à l’étranger : « mon fils est parti cette année vivre en Italie » nous confie notre logeuse. « Et il s’y plait ? » lui demandai-je. « Il a un travail, c’est le principal, après… » me répond-elle, fataliste.
La dette publique a doublé en quatre ans. En cause notamment, une bulle immobilière qui a fini par éclater. Pour sonder l’état des lieux de cette récession, il faut une fois encore prendre du recul dans les villes moyennes de l’arrière-pays, en s’éloignant des côtes : des quartiers entiers aux immeubles vides, neufs et qui n’ont jamais été occupés jusqu’à présent. Dans les grandes cités, c’est pire. Des milliers de personnes issues de la classe moyenne y fuient la précarité et nourrissent un cortège récent mais grandissant de néoruraux. « C’est un phénomène en plein essor qui va s’accentuer à mesure que la situation économique ira en s’aggravant » commente un anthropologue catalan, interrogé par le Journal du Dimanche.
Tout cela, la plupart des touristes, français ou autres, ne le voient pas. Ils continuent de faire leur shopping dans les rues de Figueras et trouvent toutefois que « tout a augmenté ». Dans les bars et restaurants, les prix varient parfois du simple au double, un litre de Gazole à quatre-vingt dix centimes voilà deux ou trois ans, s’affiche maintenant à un euro soixante. « Ça ne vaut plus autant le coup qu’avant » me confie une vacancière habituée du coin. Signe des temps, comme en France, le débat sur l’ouverture des commerces le dimanche, au moins en zone touristique, a fait débat ici. Figueras a tenté l’expérience, sans succès pour l’instant.
Retour sur la plage. Sur le parking, c’est la ronde des gros 4X4 et autres berlines allemandes des classes supérieures barcelonaises descendues pour le long et Saint week-end du 15 août. La crise n’a pas encore terrassé tout le monde au pays de Cervantès.
Patrick Noviello