Encore un pavé dans la mare, mais les vignerons eux en ont marre ! Le laboratoire Excell de Mérignac communique sur des analyses réalisées sur 100 échantillons: 59 % auraient des quantités significatives de phtalate. 11% des vins analysés sont « non conformes ». Les vignerons considèrent que l’étude est faite par un laboratoire privé qui souhaite vendre ses services.
Arrêtez de tirer sur l’ambulance ont envie de dire les vignerons que nous avons rencontrés ! Après le millésime 2013, après la polémique sur les pesticides, voici un nouvel épisode qui jette l’opprobe sur la profession de vigneron.
D’après le laboratoire privé Excell situé à Mérignac en Gironde, « les installations vinicoles sont à l’origine des contaminations des vins et spiritueux par des résidus de phtalates: 59 % des vins analysés par le laboratoire Excell recèlent des quantités significatives de DBP (di-butyl-phtalate) »
« Dans les vins et les spiritueux il n’existe pas de teneurs limites admissibles. En conséquence, dans l’Union Européenne, c’est la quantité maximale d’une substance autorisée dans les denrées alimentaires qui s’applique, (règlement CEE 2011/10). Globalement, si l’on compare les teneurs mesurées dans notre échantillonnage de vins et de spiritueux Excell constate plus de 11% des vins analysés sont non conformes. En ce qui concerne les spiritueux, 19% des échantillons analysés sont jugés non conformes; les eaux-de-vie anciennes analysées sont parfois excessivement contaminées par du DiBP non autorisé au contact alimentaire. », d’après le laboratoire Excell et son dirigeant Pascal Chatonnet, oenologue.
« C’est l’utilisation de matériaux ou de contenants présents dans les entreprises depuis plusieurs dizaines d’années qui peuvent potentiellement poser problème. Ces molécules-là étaient utilisées de manière massive dans certains matériaux notamment dans les revêtements de cuves epoxy ou comme plastifiants dans certains tuyaux vinaires. Et ils sont encore utilisés par les viticulteurs et peuvent potentiellement contaminer la vendange ou les vins », selon Stéphane Boutou, responsable technique et ingénieur chimiste au laboratoire Excell.
Ces perturbateurs endocriniens sont montrés du doigt, sans doute à juste titre, car ils peuvent affecter potentiellement la reproduction chez l’homme.
Toutefois Daniel Fenelon, vigneron à Belvès-de-Castillon reste dubitatif sur cette polémique qu’il ne voudrait pas voir se transformer en nouveau « scandale » sanitaire. « Il n’y a pas de norme européenne au niveau des phtalates » concernant explicitement le vin, ajoute Daniel Fenelon. Le raisonnement est donc fait par extrapolation avec la directive visée ci-dessus.
S’il reconnaît que bon nombre de viticulteurs en Gironde utilisent encore des cuves recouvertes d’époxy, notamment pour les vieilles cuves en ciment ou celles qu’il avait racheté au Baron Philippe de Rothschild à Pauillac, il considère que ce problème de phtalates est certes un danger mais déjà connu de tous, en revanche il trouve fort que le laboratoire ait trouvé une solution pour éviter la contamination avec le revêtement en applicant une surcouche dont il aurait trouvé le secret…
« Que ce soit un laboratoire indépendant, très bien, je le crois, mais que derrière il préconise un produit, pour commercialiser un produit qu’il a inventé…Pour moi, c’est un petit peu choquant qu’un laboratoire indépendant…moi je trouve ça un peu gros quand même ! » dixit Daniel Fenelon, viticulteur à Belves-de-Castillon.
A cette heure, les deux parties se renvoient la balle. Le laboratoir incite à faire des analyses, ce d’autant que la Chine a mené toute une campagne contre les phtalates et a commencé à faire analysé des vins français…Pour Daniel Fenelon, cette question mérite peut-être un débat, mais il rappelle, comme le laboratoire lui-même, qu’il y a beaucoup de phtalates dans l’atmosphère et notre environnement. « On se pose moins de question pour les tuyaux PVC qu’on utilise pour l’eau » selon Daniel Fenelon.
Reportage de Jean-Pierre Stahl et Sylvie Tuscq-Mounet