01 Mai

Primeurs 2013: « la campagne la plus mauvaise depuis trois décennies » selon un négociant

Confirmation de tendance. La campagne des primeurs est « super dure », le marché est atone… Hormis quelques rares exceptions, il faut aller chercher les clients alors que traditionnellement, les clients s’arrachaient les Bordeaux sortis en primeurs. En cause, la baisse insuffisante de prix sur le 2013, une qualité moyenne et des stocks trop importants.

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Un millésime 2013 pour lequel on doit remettre les pendules à l’heure…@ JPS

Pour Jean-Pierre Rousseau, directeur de la maison de négoce Diva, « C’est une campagne un peu mort-née en fait. Hélas, elle n’a jamais vraiment commencé. Tous les vins sont sortis, et malheureusement elle n’a pas recueilli les suffrages de nos clients à l’heure actuelle , même s’il y aura quelques mises à jour. Mais clairement, on n’a pas atteint à ce stade-là le niveau rapport qualité-prix qui suscite l’intérêt de personnes qui seraient prêtes à payer à l’avance des bouteilles à sauvegarder dans leurs caves tant pour les professionnels que pour les particuliers. »

Rien ne se vend ? « Pas tout-à-fait. Des 1ers crus classés et des vins produits en très petite quantité se sont vendus (histoire de sécuriser la bonne affaire car la rareté fait toujours monter les prix), mais pour le reste le téléphone ne sonne pas beaucoup dans notre environnement. C’est nous qui allons solliciter nos clients, sollicités par de nombreux confrères par ailleurs, du coup ils se disent que ça va être difficile à vendre et c’est un cercle vicieux. »

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Jean-Pierre Rousseau, directeur de Diva @ JPS

Non seulement, ils se montrent nettement moins intéressés, mais ils négocient les prix (chose extraordinaire !), et ils nous disent qu’il y a d’excellents Bourgogne, vins italiens, espagnols et californiens ! » selon Jean-Pierre Rousseau, directeur de Diva maison de négoce.

« On peut déjà dire que cette campagne est à inscrire dans les anales comme l’une des plus mauvaises depuis trois décennies », conclut-il.

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Christophe Reboul Salze, président de the Wine Merchant © Sylvie Tuscq Mounet

Chez « The Wine Merchant », Christophe Reboul Salze explique pourquoi certaines ventes et allocations ne sont pas honorées: « on a eu du mal à intéresser nos clients qui ont encore des stocks de 2012, de 2011 et de 2010 parfois et dont les trésoreries sont un peu tendues; ça ajouté à la force de l’euro par rapport au dollar, au yuan , au dollar Hong-Kong. On a assez peu de clients aux Etats-Unis, assez peu de clients intéressés aussi en Chine, on n’est plus dans le même business modèle qu’il y a 2 ou 3 ans, et cela on en a peut-être pas tenu suffisamment compte. »

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De nombreux stocks déjà à écouler © Sylvie Tuscq-Mounet

« Ca veut dire que c’est compliqué pour vous négociants ? « Ah, oui, c’est très compliqué, nous sommes obligés de faire des choix parce que nous n’avons pas la capacité financière à financer des campagnes comme celle-là sur des millésimes qui ne sont pas des grands millésimes. »

« On ne voit pas très bien les prix s’améliorer plus tard dans un système de primeurs qui devrait normalement assurer une plus-value à ceux qui prennent le risque d’acheter en primeurs. »

En trois ans, on a agrandit nos chais pour stocker. On avait gagné de l’argent avec Bordeaux donc on ne veut surtout pas cracher dans la soupe et on essaie de soutenir au maximum. On l’a fait en 2011, on l’a fait en 2012, maintenant, ça devient difficile en 2013 car on a beaucoup de stocks en 2011, 2012 et 2010 ! » selon Christophe Reboul Salze Président de The Wine Merchant.

Donc pour le 2013 ? « Ah non, on ne peut pas tout acheter (fonction des allocations dans le système d’achat et d’attribution du nombre de caisses aux différents négociants de la place de Bordeaux), on essaie de s’expliquer avec les propriétés et on espère qu’ils nous rouvriront leurs portes quand on reviendra. »

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Olivier Bernard, Président de l’Union des Grands Crus de Bordeaux © JPS

Pour Olivier Bernard Président de l’Union des Grands Crus, « le négoce a demandé à baisser de 20 à 30 % sur un certain nombre de propriétés mais pour des marques comme Carbonnieux, elles n’ont pas besoin de baisser de 20 à 30 % car elles ne sont déjà pas chères ! Il y a un certain nombre de vins qui avaient besoin de donner un petit signal à la campagne, 5 % suffisaient, et d’autres avaient besoin de se remettre à un prix de consommation et non pas de spéculation. »

« Aujourd’hui, il y a une inégalité dans la mise en marché de ces grands vins. Certains ont très bien marché comme Lynch Bages parti dans la matinée et d’autres qui sont un peu plus calmes.C’est lié à comment s’est située l’affaire sur les trois dernières années. Globalement ces 2013, quand ils seront livrés dans 2 ans, ils seront très bons. »

Pour David Bolzan, directeur général de Cordier-Mestrezat, « la campagne est super dure, le marché est atone mais c’est un épi-phénomène ! »

« On juge les millésimes trop vite et ce n’est pas le bon timing…La leçon, c’est 2007, moi aujourd’hui j’en rachète en pagaille. »

« Il faut se dire qu’il y a eu une baisse de production de 50 à 80 % sur les grands crus classés et de 30 à 40 % sur les petits. Au final les vins sont corrects, même si parfois ils manquent de complexité. Conséquence, ils ne peuvent pas beaucoup baisser d’un point de vue comptable. »

« 2001, 2002, 2004 et 2008 ont été décriés également et après ils ont été beaucoup demandés. Donc pour moi, c’est un épi-phénomène ».

D’autres négociants confient que Bordeaux a été « arrogant » ces dernières années, et donc les Britanniques, les Chinois et les Américains, leur font payer cette attitude avec le 2013.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et Sylvie Tuscq-Mounet