Les négociants demandaient une baisse des prix de 20 à 30 %. Ils ont été servis: a minima ! A croire que le Bordelais a un côté « Auvergnat »…Sous couvert d’anonymat ou à visage découvert, les négociants de la place et des critiques trouvent en général ridicule la baisse sur le millésime 2013, certains soulignent par ailleurs le contexte « monstrueux » avec 50 % de production en moins et les répercussions pour leur maison de négoce.
Lors de la semaine de dégustation des primeurs, des négociants laissaient entendre que les propriétés devaient baisser de 20 voire 30 %, pour revenir aux prix de 2008. Rare sont ceux qui ont entendu l’appel. « On en est très loin » déclare l’un d’eux. Certains se sont fait tapés sur les doigts en demandant de telles baisses à l’époque avec des menaces pour leurs allocations.
Un autre d’ajouter sous couvert d’anonymat également: « c’est du gros délire. C’est planter l’affaire. Si on fait 15 à 20 % de ventes en primeurs, ce sera tout. C’est du foutage de gueule ! »
Pour Fabrice Bernard, directeur général délégué chez »Millésima », « les particuliers nous disent: « on attend que tous les vins soient sortis pour faire nos emplettes. » Aujourd’hui, les clients sont en attente. » Donc pas vraiment de vente pour l’heure, sauf pour une poignée qui se comptent sur les doigts d’une main…
Christophe Reboul-Salze, PDG « the Wine Merchant » © Jean-Pierre Stahl
Christophe Reboul-Salze, patron de « the Wine Merchant » enfonce le clou : « La baisse est insuffisante. Les 1ers ont baissé de 10 % en moyenne « (certains allant jusqu’à 16-17%, un rare 19 %), « mais on a des vins qui se vendent aux environs de 25 euros qui n’ont baissé que de 50 centimes ! »
« La campagne primeurs va être misérable ! La baisse est insuffisante, le marché s’attendait à des baisses plus importantes », selon Christophe Reboul-Salze PDG de The Wine Merchant.
« Bien sûr les propriétés ont enregistré – 30 à – 60 % de quantités mises sur le marché, malheureusement il y a des 2012 qui sont livrables aujourd’hui au même prix. La tension dans les maisons de négoce est plus tendue qu’elle ne l’a jamais été. On a beaucoup de stocks. Les 2012, les 2011, et encore des 2010. Et entre un 2013, à quelques rares exceptions et un 2012, il n’y a pas photo, le 2012 est meilleur surtout rive droite… », selon Christophe Reboul-Salze.
Pour les petits négociants, le portage va être compliqué. « Soit tu vends au prix de sortie voire un peu en dessous » pour écouler le 2013, « soit tu refuses et alors les choses (notamment les allocations (où le négociant s’engage à prendre un nombre précis de caisses)) peuvent bouger dans le temps » me confie encore un autre négociant de la place.
Il se peut que certains négociants aient du mal à passer le cap, ce d’autant que pour cette année, il ne faut pas se leurrer, ce sont les Italiens, les USA ou d’autres grandes régions viticoles dans le monde comme les Espagnols qui risquent d’occuper le terrain.
Pour Thierry Decré, Président Directeur Général de LD Vins, ce n’est pas tant la petite baisse qui le chagrine mais bien la chute des volumes. « De temps en temps, on a un millésime décrié à tort. Mais regardez Talbot ou Rauzan Ségla, on n’a jamais gardé une caisse sur les bras. Le grand problème, c’est qu’on n’a pas fait de vin ! »
On n’a pas fait de vin, c’est un vrai sinistre agricole ! On ne sort que 50 % de ce que l’on fait d’habitude, c’est monstrueux ! C’est comme si vous étiez à mi-temps dans votre boulot… » Thierry Decré, PDG de LD Vins.
» Avec des prix qui baissent et un marché difficile, on va avoir du mal à faire nos affaires. Quand les prix sont à la baisse, ils n’achètent pas, quand c’est à la hausse ils achètent ». Ainsi va la dure loi du marché du vin, un marché pour lequel il faut relativiser car dans l’immobilier en ce moment c’est n’est pas mieux « vous vous faites ratisser », ajoute-t-il.
Le problème du marché des primeurs tourne pas mal autour de la spéculation. Car en 2009 et 2010, il y avait beaucoup d’acheteurs pour revendre plus cher après. Pour Thierry Decré, avec ces prix baissiers ces dernières années, « je pense qu’avec une campagne comme celle-là, ils ne vont pas perdre ! C’est une campagne dure, elle démarre très tôt. Avouez avec des 1ers vins dans les 240 à 300 euros, ça revient à 50 euros par tête, c’est quand même accessible ». Et d’en terminer « 30 % de baisse, c’était utopique. Faut pas rêver non plus. »
Certains tendent à revenir vers des prix proches de 2008: 13% de baisse pour Branaire-Ducru, ou encore Rauzan Séglan, Canon, les deux premiers ont divisé par deux par rapport au millésime 2010.
Voici quelques exemples des prix Hors Taxes sortis ces derniers jour des plus grands châteaux du Bordelais pour le millésime 2013:
Haut-Brion 2013 : 250 euros HT (prix du 2012: 282 HT)
Lafite-Rothschild 2013 : 330 euros HT (prix du 2012 : 380 HT)
Château Margaux 2013 : 250 € HT (prix du 2012 : 299 € HT)
Château Angélus 2013 : 189 € HT (prix 2012 : 210 € HT)
Château Cos d’Estournel 2013 : 90 € HT (prix 2012 : 98 € HT)
Château Lynch-Bages – Pauillac 2013 : 57,50 € HT (prix 2012 : 71 €)
Château Rauzan-Ségla 2013 : 38 € HT (prix 2012 : 44 € HT)
Canon La Gaffelière 2013 : 43,80 € HT (prix du 2012 : 46 € HT)
Château Grand Corbin Despagne 2013 : 17,35 € HT (18,75 € HT en 2012)
Jacques Dupont, journaliste du Point @Jean-Pierre Stahl
Pour Jacques Dupont, célèbre journaliste critique du Point qui s’apprête à sortir le 22 mai son Guide en kiosque, »Bordeaux ne sait toujours pas baisser, quand il faudrait baisser, c’est une vieille tradition. On a vendu les 1972 très chers, jusqu’à ce que le marché se casse la gueule… »
« ça donne une mauvaise image de Bordeaux. Payer des bouteilles entre 100 et 300 euros pour un millésime pas terrible, c’est quand même un peu fort de café ! » selon Jacques Dupont journaliste au Point, auteur du Guide de Jacques Dupont sur les primeurs 2013 .
Par ailleurs il souligne de très belles choses, « les Sauternes et Sainte-Croix-du-Mont, c’est excellent ! Les blancs secs aussi, sont d’une grande complexité, c’est du plaisir cette année, avec une belle acidité et un subtil mélange sauvignon-sémillon, on joue moins sur le boisé. »
Et d’ajouter malgré tout quelques vins sont très bien faits. Voici d’ailleurs ci-dessous ses notes à paraître prochainement…
A lire les notes attribuées par Jacques Dupont, journaliste spécialisé, que l’on retrouvera avec ses commentaires dans le Point du 22 mai et notamment « le Guide de Jacques Dupont »
Calon-Ségur (Saint-Estèphe) 17,5 – Cos d’Estournel (Saint-Estèphe) 17 – Meyney (Saint-Estèphe)16,5 – Mouton-Rothschild (Pauillac) 17 – Grand-Puy-Lacoste (Pauillac) 17 – Pichon Baron (Pauillac) 17 – Ducru-Beaucaillou (Saint-Julien) 17 Léoville Barton (Saint-Julien) 17 Haut-Brion (Pessac-Léognan) 16,5/17 – Carmes-Haut-Brion (Pessac-Léognan) 17 – Pétrus (pomerol) 17,5 – Gazin (pomerol) 16,5/17 – Figeac (saint-émilion) 17 – Ausone (saint-émilion) 17 – Troplong-Mondot (Saint-Emilion) 17 – Fonroque (Saint-Emilion) 16,5 – Climens (barsac) 18 – Doisy-Daene (barsac) 17 – Yquem (Sauternes) 18 – Guiraud (Sauternes) 17 – Domaine de Chevalier blanc (Pessac-Léognan )18- La Mission Haut Brion blanc (Pessac-Léognan)17,5
La suite dans le spécial Bordeaux à paraître le 22 mai…