C’est parti pour les foires aux vins et le manège devant les rayons de supermarchés. Lecture attentive de catalogues, de guides, avec parfois les téléphones portables vissés à l’oreille: conseil à un ami ou 50-50…Non c’est plutôt 71 % qui avouent ne pas s’y connaître selon Terre de Vins. D’où les conseils avisés des « sommeliers », cavistes et des journalistes spécialisés. Si les hypermarchés sont sur le pont pour conseiller les clients perdus, les cavistes ne sont pas en reste.
Les foires aux vins, c’est un peu comme l’angoisse de la page blanche pour l’écrivain…Pour le consommateur, difficile de s’y retrouver parmi l’offre pléthorique de vins, de cépages, d’appellations et de régions viticoles. Le client est aussi angoissé devant son caddy que l’écrivain devant son poème. Osons la métaphore, certes il ne subira pas les foudres de ses lecteurs (quoiqu’il y aura bien les lecteurs d’étiquettes) mais les critiques de ses amis avec lesquelles il aura ouvert une bouteille dénichée en foire aux vins: « pas terrible ! », « tu l’as achetée où ? », « pas mauvais, mais manque de longueur en bouche »…bref la douche si le choix n’est pas bon ! D’où le réflexe de bon nombre d’acheter des vins chers ou des grands crus classés, ce qui est généralement gage d’une certaine qualité (mais pas toujours) alors que certains petits vins peuvent se révéler être de véritables petites pépites.
Le constat est sévère, c’est Terre de Vins qui l’a sorti dans son numéro spécial la semaine dernière: « 71% des Français ne s’y connaissent pas » en vin. 43% « pas du tout », contre 3% disant s’y connaître « beaucoup » et 26% « assez ». 43% des cadres et professions libérales disent connaître le vin, contre seulement 30% des professions intermédiaires, 20% des employés et 16% des ouvriers (selon Viavoice pour Terre de Vins).
Ce matin au lancement de la foire aux vins d’Auchan Bordeaux-Lac, les avis divergeaient: Micheline de Bordeaux nous certifie qu’elle n’est « pas du tout perdue », qu’elle « connaît les étiquettes » car elle a « fait un petit peu des cours d’oenologie et a « travaillé dans le milieu du vin ». Un peu plus, loin un client nous confie « bon connaisseur, je sais pas mais j’aime le bon vin avec les bonnes choses car on mange de bonnes choses sur la région de Bordeaux, tout ce qui est fromages, viandes rouges, on a les bons vins qui vont avec. »
Dans les hypers et supermarchés, de nombreux conseillers, du caviste au chef de rayon en passant par le chef de secteur, ici Matthieu Grall, orientent les consommateurs (Gérard d’Artigues) © JPS
« Je ne bois pas beaucoup de vin, mais quand j’ouvre une bouteille j’aime qu’elle soit bonne, et de ce fait j’aime les vins assez charpentés qui ont une belle couleur de telle manière que quand on les verse dans des jolis verres, ça met en valeur le vin ! C’est pour le plaisir. « , nous confie Gérard d’Artigues-près-Bordeaux. Toutefois, il avoue que c’est trop vaste pour être connaisseur, » j’ai une petite idée mais c’est vraiment humble par rapport à tout ce que l’on peut voir ici. »
Pour David de Villenave d’Ornon: « j’ai eu le catalogue en arrivant, je vais regarder, Monsieur m’a bien conseillé, je vais voir si il y a de bonnes affaires. Je suis un petit amateur. Je fonctionne surtout aux coups de coeur, aux notations, aux vins médaillés, je suis rarement déçu. »
Durant ces quinze jours à Bordeaux-Lac, ce sont ainsi 50 000 bouteilles qui seront mises en rayons, 600 références que le consommateur pourra étudier tranquillement parmi les 64 pages du catalogue chez lui ou en rayons. Avec l’aide des conseillers, mais aussi en téléphonant à un ami pour se faire confirmer une information, ou en comparant les notes et critiques des hebdomadaires et de la presse spécialisée. Dans les rayons des supermarchés, 44% des linéaires sont occupés par les vins de Bordeaux durant ces foires aux vins.
Pour Virginie Thibault-De Paz, chef du rayon liquides d’Auchan: « Même si c’est un achat plaisir, par manque de connaissances, on peut passer à côté de petits vins qui sont très bons, donc ces conseillers qui ont eu des formations vont pouvoir transmettre leur savoir par rapport aux demandes du clients. »Effectivement, c’est compliqué, mais chaque AOC a un terroir différent, et ce terroir va apporter des arômes différents. Pour moi, il n’y en a pas trop. Par exemple, on peut s’y retrouver aujourd’hui plus facilement dans les Côtes de Bordeaux, on a allégé et après on peut aller rechercher des spécificités entre Blaye, Cadillac, Castillon, Francs. »
Certains cavistes viennent de recevoir leurs caisses car eux aussi réalisent à leur niveau leur propre foire aux vins, un peu plus tard. A la Maison Désiré à Bordeaux, c’est l’effervescence. On commence à remplir les rayonnages. Cette année en prime, une recrue de poids est venue gonfler les effectifs: Guillemette de Castelbajac, tout juste diplômée d’un Magister Sommelier de Worldsom.
Nicolas Désiré qui a repris l’affaire fondée par son père Alain Désiré en 1992, reconnaît l’utilité des petits cavistes: « il y a une majorité de clients qui nous disent: « il me me faut du vin, aidez-moi, conseillez moi », la plupart du temps ils nous font confiance ». »Parfois le client a une idée bien précise, on lui pose des questions, pour quel événement; c’est tellement compliqué suivant les appellations et les millésimes, on passe du temps avec le client pour le conseiller au mieux, c’est notre métier de caviste. »Il y a de plus en plus d’apéritifs aux vins, il est nécessaire d’aiguiller le client. »
On l’aura compris, cette période des foires aux vins est un moment où il ne faut pas se louper: et pour l’hypermarché qui va réaliser 10% de son chiffre d’affaire annuel en vins et champagnes, et pour le petit consommateur, une fois bien conseillé et éclairé, qui va refaire les niveaux…de sa cave !
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et Didier Bonnet