Cette nuit de nombreux viticulteurs étaient mobilisés pour combattre un gel tant redouté et qui est finalement arrivé dans les secteurs traditionnellement « gélifs. » Les températures sont descendues par endroits de -1 à -2,5°C, un souci pour toutes les parcelles qui ont vu la vigne débourrer avec 15 jours d’avance. La semaine prochaine, d’autres températures négatives sont à craindre…
Non seulement il y a cette sacrée pandémie, non seulement les viticulteurs éprouvent toujours des difficultés pour vendre, mais aussi revoilà le gel. Le tout donne un climat anxiogène, qui ce matin a mis en pleurs quelques viticulteurs.
Ils étaient quelques-uns à allumer vers 3h30 – 5h leurs bougies, ballots de paille ou système Frostguard. Sophie Aribaud, conseillère viticole dans le libournais et l’Entre-deux-Mers commente : « quand cela commence à geler à 3h30 du matin et que cela continue jusqu’à 7 heures, c’est plié, en général une demi-heure suffit parfois pour faire des dégâts Je suis sur un groupe What’App. Certains châteaux ont allumé, d’autres ont fait tourner les hélicoptères ».
Quand c’est encore dans le coton, ça tient, mais on a vu les feuilles et petites grappes déjà bien sortir par endroits, et avec des températures de -2 à -3, cela crame… Ce qui est plus gélif a été impacté ce matin… » Sophie Aribaud conseillère viticole.
Nicolas Lesaint au château de Reignac me confie: « vues les températures, c’est limite, ce ne sont pas les grands froids de 2019 et surtout 2017. » Et après un tour d’horizon à 10h30, 11h, « on est touché, tous les coins gélifs habituels sont touchés. J’ai perdu mes deux derniers bourgeons de latte, cux-là ont été balayés, mais bon les vignes sont à des stades étalés… Tout n’est pas encore sorti. Ce n’est pas la cata pour l’instant. »
A Martillac, Fabien Teitgen directeur du château Smith Haut Lafitte :
Il a fait froid, on y était…On a allumé des bougies vers 3H30 dans les coins froids, notamment sur l’autre château Cantelys où on a deux éoliennes avec générateur de chaleur. A Cantelys, c’est descendu à -3°… » Fabien Teitgen directeur Château Smith-Haut-Lafitte
Et d’ajouter : « hier matin, ils annonçaient plus froid et on n’a rien eu, ce matin c’était annoncé 1° au dessus et on a eu 3 degrés de moins ! On verra cet après-midi que cela donne. Mais enfin ce sont vraiment les coins froids usuels. Sur Smith Haut-Lafitte, c’est plus chaud autour du château, on a d’ailleurs une pousse de 7 à 8 centimètres de haut. Je pense c’est passé à côté ce matin. Mais on a 3 matins qui vont être compliqués, plus inquiétants… »
Dans les Côtes de Baye et Côtes de Bourg, Michaël Rouyer et Didier Gontier, les directeurs respectifs des syndicats viticoles se renseignent. Pour Michaël Rouyer« a priori pas de gros dégâts dans le Blayais », quant à Didier Gontier me confie avoir eu un de ses vignerons qui l’ a appelé, « dans les bas-fonds ça a du morfler mais il faut attendre 2 jours, mais ce qui est inquiétant c’est ce qui arrive mardi… »
Jean-François Galhaud, président du Conseil des Vins de Saint-Emilion, se dit inquiet pas tant pour ce matin mais surtout pour la semaine prochaine: « j’ai entendu les hélicos, mais autour de chez moi c’était positif, mais cela a du taper par endroits…Mais enfin tout n’était pas sorti, un pied sur 5 avait débourré. Ils annoncent une gelée forte pour la semaine prochaine, il ne manquait plus que cela… » Il faut dire qu’il est sur plusieurs fronts, à essayer d’organiser des conseils d’administration en Visio-conférence, confinement oblige, pour gérer les problèmes actuels d’aides à l’emploi, de chômage partiel et après la sortie de crise…Et après un tour d’horizon, » les dégâts ne sont pas significatifs, je n’ai vu que quelques petites feuilles gelées, mais Alain Vauthier comme François Despagne qui sont de grands techniciens ne sont pas inquiets, si cela débourre cela va être plus compliqué la semaine prochaine, je suis plus inquiet par ce qui va arriver mercredi ou jeudi prochain… »
Au château Croix de Labrie en Saint Emilion Grand Cru, Pierre Coudurié a mis les grands moyens avec de nombreuses bougies dans ses vignes et publie sur Facebook : « 2eme nuit @croixdelabrie -1C dans les vignes . On se bat « 🔥
Le gel arrive tôt cette année
Joint ce midi, Pierre Coudurié me confie : « on vient de décharger deux nouvelles palettes de bougies à la main ». Cela fait deux nuits de suite qu’il est sur le front du gel : « hier soir, c’était limite, avec quand même des endroits touchés et aujourd’hui « un peu plus chaud » comme on dit. Le plus dur, ce sera dans la nuit de dimanche à lundi et de lundi à mardi. Cela arrive tôt, avec deux semaines d’avance et on n’est pas encore au mois de mai… »
Frost is coming. Fighting spirit in Saint-Emilion👍
Stay home and keep warm !
We will save 2020 @croixdelabrie #wine #winelover #Frost pic.twitter.com/BWZ9dgE3oK— Croix de Labrie (@croixdelabrie) March 27, 2020
En Pessac-Léognan, Arnaud Thomassin du château de France : « on a eu -2,5°C, mais on avait anticipé, cela fait 2 nuits qu’on travaille, on avait anticipé avec des bougies, éoliennes et appareil qui souffle de l’air chaud. On a de petits dégâts dans le bas de la propriété, mais cela a l’air d’aller. Mais c’est surtout la semaine prochaine, cela risque d’être encore plus compliqué, car encore plus froid. Cela devient usant mais on sera prêt. »
#Gel #Bordeaux
1ère nuit de lutte contre le #gel dans les vignobles de #Pomerol et #SaintEmilion #LaVigneContinue#Petrus #ChevalBlanc pic.twitter.com/EwQFK1Hedw— Pascal Hénot (@oenoBlogue) March 27, 2020
Avec les températures qui s’annoncent aussi ce week-end, cela va encore favoriser la pousse comme me l’explique Sophie Aribaud: « on a des choses qui vont encore sortir au niveau des bougeons, ils annoncent 20°, mais dans la nuit de lundi à mardi, on devrait avoir des températures encore plus froides, selon MeteoBlue, ça craint, des températures qui mercredi ou jeudi pourraient être des températures négatives (de -1à -2° sur Saint-Emilion) qui pourraient avoisiner les -5 par endroits. (jusqu’à -8° en ressenti sur 2 ou 3 nuits). Autant dire un nouveau cauchemar. Tout le Bordelais a encore en tête ces 27 et 28 avril 2017 où 40% de la récolte avait été perdue, mais c’était un peu plus tard ce qui est rassurant, la vigne était encore plus avancée.
Pour Sophie Aribaud, dans l’immédiat: « il faut que les viticulteurs arrêtent de travailler les sols, de tondre, il ne faut pas plier, pendant 2 à 4 jours, il ne faut rien toucher au sol, sinon ça attire encore plus le gel.Et puis les viticulteurs avec ce réchauffement climatique vont devoir changer leurs habitudes notamment éviter de tailler trop tôt dès la fin novembre, il faut une taille plus tardive et choisir aussi des porte-greffes plus tardifs. »
Tous les vignerons croisent les doigts pour les jours à venir. Ils vont une fois de plus se tenir prêts à combattre le gel avec les moyens du bord. Suffiront-ils ? A suivre… Bon courage à eux.
Dernière minute : ce week-end les prévisions météo misent sur un léger réchauffement. Des températures qui pourraient repasser positives… On croise les doigts.