20 Mar

Affaire d’épandages à Villeneuve : la défense parle de « chasse aux sorcières »

Aujourd’hui s’est tenu le procès de l’affaire d’épandages phytosanitaires , qui s’est déroulé le 5 mai 2014 à Villeneuve en Gironde. Deux châteaux viticoles étaient poursuivis suite aux plaintes de la Sepanso et de Générations Futures. 23 enfants avaient été intoxiqués, ainsi qu’une institutrice. La défense parle d’une médiatisation et d’une chasse aux sorcières, alors que les châteaux disent avoir respecté les règles.

Me Ruffié, avocat de la Sepanso Gironde © JPS

L’avocat de la Sepanso de Gironde a regretté aujourd’hui que les parents des enfants ne se soient pas portés partie civile, comme lui ou comme Générations Futures. Il l’explique par l’omerta qui règnerait dans cet environnement viticole autour de l’école, la maire de la commune elle-même est poursuivie en tant que personne morale avec son château Castel La Rose (elle était ce matin absente au procès), représentée juste par Me Gadrat. Me Ruffié explique par ailleurs que le sous-préfet de Libourne avait tenu une réunion avec les parents et la communauté éducative, ce qui a contribué à dégonfler l’affaire. Pourtant, 23 enfants ont bel et bien été pris de malaise en ce 5 mai 2014 à Villeneuve, en Côtes de Bourg.

La salle d’audience avant le procès à Libourne © JPS

La présidente du tribunal correctionnel a rappelé que les traitements réalisés par les 2 châteaux avaient démarré à 8h20 et s’étaient poursuivis toute la matinée et en début d’après-midi. Dès 11h20, certains élèves se sont plaints de maux de tête et de picotements dans la gorge. Le directeur Mr Sens avait appelé à ce moment-là appelé la mairie et laissé un message. A 13h20, alors qu’un autre tracteur traitait une parcelle, l’institutrice a alerté le directeur des malaises des enfants et d’elle-même. Un médecin scolaire était venu sur les lieux ainsi que des pompiers. Depuis cette affaire, la professeure des écoles a demandé sa mutation.  

La santé des enfants vaut bien un procès et il est heureux qu’aujourdhui on ait eu un vrai débat devant une juridiction, nous verrons bien ce qu’il en sera. On a des conclusions de l’administration, les premières des techniciens de la DRAAF (Direction régionale Agriculture et de la Fôret) qui disent qu’il ya imputabilité, le médecin scolaire dit qu’il y a une imputabilité, les enseignants il y en a une qui est partie à l’hôpital, elle est est bien placée pour vous dire qu’il y a eu une imputabilité ! » François Ruffié avocat de la Sepanso.

Me Ruffié a rappelé que 9 stations de Météo France  en Gironde ont relevé ce jour-là une force du vent supérieure à 3 Beaufort (19km/h). Une force du vent qui oscillait en rafale de 20 à 32 kilomètre à l’heure… Or sur ce fait il y a eu un non lieu partiel selon la Chambre de l’Instruction, car comme le souligne l’avocat de la défense Michel Gadrat, il n’y avait aucun relevé sur site, la première station se trouvait à 20 kilomètres à Pauillac ou à Saint-Gervais. Par ailleurs, François Clauzel directeur du château Barbe (ex-Escalette) a eu cette explication concernant les traitements qu’il décide : « l’appareil enjambe le rang et il ne peut pas y avoir de dérive car les jets sont dirigés vers la vigne ».

Un, on doit prouver que la vitesse du vent était supérieure à 3 Beaufort (19km/h), or le dossier est vide, deux on doit prouver que les produits phytosanitaires sont sortis de la parcelle, rien » Michel Gadrat avocat du château Castel La Rose

Quand bien même cet élément de vent donnerait-il une indication, pour François Ruffié « l’important, c’est la question de moyens appropriés à mettre en ouvre pour le traitement par des viticulteurs » (comme l’a rappelé la chambre de l’instruction pour renvoyer l’affaire en correctionnelle), « en l’espèce ce n’est pas le cas ». En effet, aucun ne s’était doté d’anémomètre, depuis cette affaire tout le monde semble s’être équipé, même si aucun texte n’oblige à s’équiper comme l’a souligné Me Gadrat. « Aucune preuve n’a été apportée que des produits aient gagné la cour d’école et ne soient sortis de la parcelle.« 

L’avocat de Castel la Rose a aussi eu cette envolée :

Vous pensez que quand met 800, 1000 à 2000 € dans le pulvé, c’est pour l’envoyer chez le voisin ? », Me Gadrat.

De son côté l’avocate Sophie Clavel a parlé d’une affaire surmédiatisée et de chasse aux sorcières.

Sophie Clavel avocate du château de Barbe © JPS

Oui, c’est une chasse aux sorcières, parce que les associations qui sont parties civiles la Sepanso et Génération Furtures ont un but qui est tout-à-fait notable, mais on est vraiment centré dans ce débat pour ou contre les pesticides, on ressent bien qu’ils veulent faire évoluer les pratiques mais pour autant cela ne veut pas dire qu’il faut sacrifier des viticulteurs qui jouent les règles du jeu  » Sophie Clavel avocate du château de Barbe

Alors que la Sepanso et Générations Futures ont réclamé la condamnation des 2 châteaux à 4000 € et 10000€ de dommages et intérêts, ainsi qu’une condamnation à prendre en charge les frais de justice : « je vous demande d’entrer en voie de condamnation, non pas pour en faire des bouc-émissaires, mais pour que la loi soit appliquée. » Le parquet a abondé dans son argumentaire dans le sens d’une non condamnation, s’en « remettant toutefois à la sagesse du tribunal », de même pour les deux avocats de la défense, ceux-ci ont demandé la relaxe des 2 personnes morales. Le délibéré a été fixé au 30 avril prochain. A noter enfin que cette affaire avait provoqué des réactions au plus haut niveau de l’Etat, au Parlement, et que le préfet de Gironde avait pris un arrêté en juin pour interdire l’épandage autour des écoles proches des vignes, lorsqu’il y a classe…