11 Mar

Vin en jarre : plus qu’une mode, une recherche de fruité, de pureté et de complexité

Depuis 10 ans, on voit fleurir de plus en plus de jarres ou amphores en terre cuite dans les chais du bordelais. Effet de mode ? Pas vraiment. Une recherche de plus de fruit et de complexité. Des vins encore plus fins qui donnent une autre touche à l’assemblage final ou des vins réalisés en quasi-totalité en amphore.

Guilaume Pouthier, une fine lame dans le monde du vin © JPS

Avec son chai futuriste dessiné par Philippe Starck, le château des Carmes Haut-Brion, en Pessac-Léognan, renoue aussi avec le passé.

Le chai dessiné par Philippe Starck et réalisé par Luc-Arsène Henry © JPS

Son directeur, Guillaume Pouthier, ingénieur agronome, aime essayer tous les outils, mis à sa disposition. Des cuves inox, en passant par des foudres bois tronconiques inversés, en passant par des cuves en béton. Il a toujours ce souci de recherche, mais avec bien sûr un élevage traditionnel en barriques de chêne et 75% de bois neuf.

Et depuis presque 7 ans, il a aussi introduit ces petits oeufs au fond du chai, des jarres en terre cuite, au deuxième niveau du chai thermo-régulé des Carmes Haut-Brion, en dessous du niveau du Peugue.

« On ne change pas nos traditions, car on élève toujours notre vin en barrique à hauteur de 90%, par contre depuis le millésime 2012, on a fait une expérimentation en amphores ou en jarres… Des jarres qui varient entre 2 et 4 hectolitres, avec des cuissons différentes pour amener quelque chose de différent dans l’élevage : un peu plus de complexité à notre grand vin. »

Cette vingtaine de jarres en terre cuite renferme 9 à 11% de vin qui ira dans l’assemblage final.

« Nous , on a opté pour deux types de jarres. Une type de jarre cuite à 800°C qui permet elle un échange gazeux avec l’extérieur, c’est à peu près l’équivalent d’un échange gazeux d’une barrique ».

La différence, c’est que dans une barrique vous apportez du toasté ou de l’aromatique secondaire, alors que dans une jarre, vous ne gardez que le principe aromatique du raisin. On a aussi opté pour des jarres cuites à 1200°, et là carrément on fige le vin et il n’y a plus d’échange avec l’extérieur. Là on va travailler la réduction et l’aromatique de réduction, » Guillaume Pouthier directeur des Carmes Haut-Brion.

Le château Mangot en Saint-Emilion Grand Cru © JPS

Au château Mangot à Saint-Etienne-de-Lisse, les frères Todeschini, Karl et Yann, autres grands techniciens et vinificateurs en Saint-Emilion Grand Cru, ont commencé à expérimenter depuis 2 ans les jarres et les amphores.

4 types de 160 litres à 10 hectolitres, en argile de Castelnaudary et de Toscane en Italie, de 2 à 3 centimètres d’épaisseur, cuites entre 1045 pour les plus petites à 1200° (par palier durant 72 heures).

On a toujours cherché à ce que la barrique soit discrète, que la barrique s’efface et que ce soit le vin qui soit en avant. Malgré tout une barrique, ça apporte toujours de la structure, même si on travaille avec des barriques avec des chauffes très légères respectueuses du fruit.

Nous on a des vins qui ont déjà une structure naturelle assez puissante, de par les terroirs calcaires et des petits rendements, donc on ne cherche pas à ce que le contenant qui soit bois ou terre apporte une structure. Et l’amphore se dessine là pour préserver l’aromatique, le côté juteux, croquant et aussi la texture, » Yann Todeschini de Mangot.

Ces vins en jarre sont élevés entre 3 mois et jusqu’à 10 à 12 mois dans les plus gros contenants. Une cuvée spéciale a été réalisée, l’Autre Mangot, 100% en amphore.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et Pascal Lécuyer : 

Xavier Planty tire la sonnette d’alarme sur les cépages résistants

C’est un « coup de gueule » ou une prise de position qui fait en ce moment couler un peu d’encre. Xavier Planty, co-propriétaire de château Guiraud, 1er cru classé de Sauternes et à la tête de l’ODG Sauternes, alerte sur les cépages résistants dont on dit qu’ils pourraient être une solution à moins de traitements phyto-sanitaires ou au réchauffement. Côté châteaux donne la parole ce matin à Xavier Planty dans Parole d’Expert.

Xavier Planty, co-propriétaire du château Guiraud © JPS

Jean-Pierre Stahl : « Xavier Planty, bonjour, qu’est-ce qui justifie aujourd’hui votre coup de gueule, votre prise de position si ferme ? »

Xavier Planty : « Cette prise de position, parce qu’il n’y a eu aucun débat et a minimum de présentation. C’est un non-sens par omission. J’ai mis du temps à m’en apercevoir, c’est pour cela que Bernard Farges me traite d »Hibernatus » dans le Parisien. On peut trouver ces cépages résistants séduisants, mais par ces cépages résistants on ne retrouvera plus notre identité, nos cépages séculaires, nos merlots, cabernet sauvignons, et sauvignons ».

« La définition d’une AOC, c’est le terroir, les cépages et la fabrication à travers l’histoire de vins par des vignerons qui ont fait ces cabernets, ces merlots, et tout cela.  Avec des vignes qui nous viennent du Piémont Pyrénéen. Si on crée des hybrides, on renie cette histoire ».

JPS : Pourtant l’histoire « récente », il y a un peu plus de 100 ans, a montré qu’a Bordeaux on a été obligé de greffer à cause du phylloxéra, est-ce qu’on a perdu l’identité pour autant ? »

Xavier Planty : « Je ne sais pas mais en tout cas, on restait dans le cadre de ces cépages. Dès que vous passez sur des hybrides, vous ne pouvez plus rien faire évoluer. »

JPS : « Et il y a aussi cette démarche de Loïc Pasquet, qui lui ne veut pas entendre parler de vignes greffées et a planté les cépages d’autrefois, des vignes franc de pied ? »

Xavier Planty: «  Ce qu’il fait est remarquable. Mais, moi j’alerte que l’on va vers un danger…Aller devant l’Europe demander la définition des AOC, cela me paraît dangereux et prématuré. Il faut apprécier ces éléments pour le futur, car nos AOC sont de grandes marques… »