On vous en parlait lundi. Xavier Planty, le Président de l’ODG Sauternes tire la sonnette d’alarme sur les cépages résistants qui pourraient voir le jour dans les appellations françaises, en argumentant qu’il faut sauvegarder les AOC. Nous avons voulu aller au delà et donner aussi la parole aux Vignobles Ducourt qui expérimentent ces cépages hybrides, résistants depuis 2014.
C’est un signal d’alarme que lance Xavier Planty, le président de l’ODG Sauternes et co-propriétaire de château Guitaud (1er cru classé). Aller vers des cépages hybrides, résistants, c’est pour lui une perte d’identité des vins français, en général, et des Bordeaux. Cela va à l’encontre des AOC, créées par les vignerons et les instances il y a plus de 80 ans à partir de 1936. Il a invité lundi les responsables des AOC à une réunion d’information et d’échanges (parfois un peu vifs).
Quand les gens ouvrent une bouteille d’un vin de Bordeaux, ils ont derrière toute l’histoire. Nos AOC, c’est la sélection des cépages à travers les âges, par les vignerons, de cépages autochtones. Et l’introduction de génétique américaine ou d’ailleurs, cela ne peut entraîner qu’un affaiblissement de cette filiation, et donc un affaiblissement de la promesse de la marque » Xavier Planty.
Quant à la perte du goût Bordeaux ? « Le goût, vous savez a énormément varié, on ne peut pas dire que les vins de Bordeaux en rouge soient les mêmes qu’il y a 30 ans ou 40 ans, mais il reste quand même une identité Bordeaux qui risque d’être perdue. Mais quand nos clients goûtent les vins de Bordeaux, ce n’est aps que le goût…Le goût est excessivement important, la typicité est très importante, mais quand ils ouvrent un vin de Bordeaux, ils ont derrière toute l’histoire…Ils ont la ville, ils ont le port, ils ont la filiation du vigneron, ils ont tout le « story telling » des marques ! », complète Xavier Planty.
Dans l’Entre-Deux-Mers, les Vignobles Ducourt expérimentent 10 hectares de cépages résistants, depuis 2014, sur les 450 hectares de vignes qu’ils ont en production. Jéremie et Jonathan Ducourt ont souhaité planter 3 hectares de cépages résistants dans un premier temps, après avoir visité un confrère vigneron en Provence, pour qui les traitements phyto-sanitaires avaient largement diminué. Depuis ils en ont planté 6 de mieux et « l’idée c’est d’ avoir 12 à 15 hectares. » Que ce soit avec le Cabernet Jura comme cépage hybride en rouge ou le Cal 604 (pas encore baptisé) en blanc, « on n’a fait cette année que 3 passages de traitements, avec 1,2 kilo de cuivre. » Alors que les autres viticulteurs ont effectué entre 14 et 20 traitements.
On est sur la 5e année et on constate entre 80 et 90% de passages, de traitements en moins sur une saison. Et aujourd’hui on n’utilise uniquement que des produits cuivre et soufre pour les traitements. » Jonathan Ducourt.
Lorsque l’on goûte son blanc 2018 baptisé « Métissage », le résultat est assez bluffant, et ‘« à l’aveugle, on l’a fait goûté à d’autres vignerons ils y trouvent un Bordeaux ». Bien sûr, il ne porte pas le nom de Bordeaux car ces cépages ne sont pas reconnus dans le cahier des charges des AOC, c’est une production en vin de France : « vin issu de vigne planté à titre expérimental. » « C’est un cépage assez précoce (le cal 604) qui est un croisement de sauvignon blanc, riesling et de vignes sauvages, on retrouve bien un style assez variétal, c’est assez vif, citronné, on est assez proche de ce que l’on recherche sur les sauvignons blancs, sur les blancs secs, sur la fraîcheur, donc on est très content du résultat. »
A ce jour, les Vignobles Ducourt produisent 12000 bouteilles de ce Métissage blanc et près de 25000 en rouge. Un vin qui est apprécié des Japonais, très friands de ce style d’initiative, mais aussi sur les tables de restaurants à New-York, on le trouve aussi à la cave de la Cité du Vin à Bordeaux. « Globalement, on a de bons retours de cavistes, des HCR, le but est de voir si c’est rentable avec ces variétés-là. » Une chose est sûre le débat est relancé, si ces cépages résistants voient le jour dans d’autres propriétés, ils devraient rester au choix final de chaque AOC ou ODG et ne représenter pas plus de 5% du vignoble et 10% dans l’assemblage final sans perdre l’appellation. Affaire à suire…
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et Sébastien Delalot :