19 Mar

Dans l’Aude, des vignerons inventent le « bio » de demain

Dans l’Aude, l’un des terroirs pionniers du vin bio en France, des vignerons passent à la vitesse supérieure et expérimentent des voies encore plus exigeantes, à l’aune des changements climatiques et des défis environnementaux.

Vignoble de l’Aude – photo d’illustration © France 3 Languedoc Roussillon

coeur du Languedoc, dans l’un des plus vastes vignobles de France, des territoires pionniers comme les Corbières, le Minervois, s’étaient convertis au bio dès les années 70/80. Cette région viticole avait alors « basculé de la production de vin de table vers des marchés à l’export » dont celui du bio, explique Matthieu Dubernet, directeur d’un important laboratoire oenologique du Narbonnais. Aujourd’hui, les démarches sont davantage « personnelles », explique cet observateur privilégié de la filière.

ESPRIT COLLECTIF

« Dans le cru Boutenac, on est passé en « confusion sexuelle » (perturber le système hormonal de reproduction de papillons parasites) et tous nos voisins ont adhéré à cette manière efficace de lutter contre les parasites », indique Louis Fabre, issu d’une famille de vignerons des Corbières « depuis 1605 » qui exploite aujourd’hui cinq propriétés dans les Corbières, le Minervois et le Biterrois. Une expérience qui « a permis de créer un esprit collectif » entre 25 producteurs (indépendants et caves coopératives) qui se sont associés à ce dispositif de pièges biologiques, explique ce vigneron passé au bio dès 1991.

Au domaine de La Baronne, dans les Corbières, Jean Lignères, est vigneron et médecin. C’est tout naturellement la santé « des gens qui vivent et travaillent sur le domaine » qui a décidé de sa conversion en bio. « Dans les années 90, on commencé à voir des articles dans la presse médicale sur les maladies environnementales », justifie le médecin.

Mais c’est un voyage en Autriche, il y a une dizaine d’année sur le domaine Meinklang au sud de Vienne, un « modèle en biodynamie », qui le convainc d’évoluer vers ce courant. « Depuis on plante des arbres au milieu des vignes, on a fait des zones humides, on a installé des nichoirs à oiseaux, des ruches, et surtout on travaille avec les astres », l’un des grands principes de la biodynamie, explique Jean Lignères qui a obtenu cette nouvelle certification en 2012.

« LE BIO N’EST PAS PARFAIT »

« Si depuis 40 ans les évolutions qualitatives de la viticulture se sont faites par les appellations, les IGP, le label Bio, certains signaux montrent que l’on est en train de passer à autre chose », signale Matthieu Dubernet. Frantz Vènes, propriétaire de Château Massamier La Mignarde, au pied de la Montagne noire, explique qu’il n’apposera désormais plus que « Languedoc » sur son étiquette.

Le vigneron, dont une cuvée a été élue en 2005 meilleur vin du monde à l’International Wine Challenge de Londres, vient de décider de se passer de l’AOP Minervois-La Livinière. Et alors qu’il était engagé depuis deux ans dans la certification bio, il renonce également à ce label. « Le label bio n’est pas parfait. Par exemple, pouvoir multiplier les traitements à base de cuivre, ce qui est permis, ce n’est pas une démarche écologique », argumente Frantz Vènes.
Il a décidé de se tourner vers l’agriculture « synthropique ». Il plante des amandiers et des chênes truffiers, cultive du blé et des pois chiches, et fait pâturer des moutons qui amendent le sol. L’objectif est de renforcer les écosystèmes par l’action humaine et « de supprimer les procédés anthropiques, comme les brulis, l’usage d’engin trop lourd ou trop puissants ». Comme « les changements climatiques sont là », Frantz procède à des essais de cépages locaux anciens. « Aubun noir, Trépat, Grand Noir de la Calmette, Rivairenc, Picpoul Noir, Alicante » pourraient assurer l’avenir de cette région, pense-t-il. « Il faut enrichir le bio pour qu’il réponde à nos enjeux d’aujourd’hui et de demain, résume Matthieu Dubernet, ajoutant: « les problèmes environnementaux sont globaux mais les solutions ne peuvent être que locales ». 

AFP